Slovaquie : Gasparovic emporte l'élection présidentielle contre toute attente
dimanche 18 avril 2004
Ivan Gasparovic, un professeur de droit au passé politique controversé, a largement remporté l'élection présidentielle de samedi en Slovaquie, dans une victoire surprise contre l'ancien Premier ministre autoritaire Vladimir Meciar. Ivan Gasparovic, ancien bras droit de Vladimir Meciar pendant dix ans avant de se brouiller avec lui en 2002, a obtenu 59,91% des suffrages contre 40,09% à son adversaire, selon les résultats complets du second tour communiqués par la Commission électorale centrale.
Elu pour un mandat de 5 ans à un poste essentiellement représentatif sans grand pouvoir, il succédera en juin à Rudolf Schuster, battu au premier tour. Il présidera ainsi aux premières années dans l'UE et l'Otan de ce pays post-communiste issu de la partition en 1993 de la Tchécoslovaquie. La Slovaquie, qui a rejoint l'Otan fin mars, adhère à l'UE le 1er mai. Artisan de l'indépendance slovaque en 1993, Vladimir Meciar, 61 ans, était donné favori car il était arrivé largement en tête du premier tour avec près de 33 % des voix et plus de 10 points d'avance sur Ivan Gasparovic.
M. Gasparovic avait déjà causé la sensation du premier tour en devançant d'extrême justesse le ministre des Affaires étrangères Eduard Kukan, donné largement gagnant par tous les sondages. Après la défaite de M. Kukan, les partis chrétiens/libéraux de la coalition gouvernementale du Premier ministre Mikulas Dzurinda avaient refusé d'arbitrer le duel entre les deux hommes, deux nationalistes qui sont leurs adversaires résolus. Mais la participation a été plus forte qu'attendu par les analystes, avec 43,5% contre 47,94% au premier tour. Cela signifie qu'un grand nombre d'électeurs se sont mobilisés pour rejeter Meciar, un homme aussi adulé que détesté en Slovaquie. "La marge avec laquelle Gasparovic a gagné constitue une grande surprise", a affirmé le politologue Michal Vasecka. "C'est une surprise que les gens se soient mobilisés contre Meciar pour un homme qui a a été son collaborateur pendant de longues années". Au milieu des années 90, alors qu'elle était sous la houlette de Vladimir Meciar et Ivan Gasparovic, la Slovaquie avait été exclue des premières négociations d'entrée dans l'Union européenne et l'Otan, en raison de privatisations opaques ainsi que des atteintes à la démocratie et à l'Etat de droit. Durant la campagne du second tour, Ivan Gasparovic a tout fait pour rallier à lui les nombreux opposants à un retour au premier plan de Vladimir Meciar. Il a argué qu'il était mieux accepté par les partenaires étrangers de la Slovaquie. "M. Gasparovic a su montrer sa différence d'avec Meciar. Il a été capable de reconnaître ses erreurs du passé", a ajouté Michal Vasecka, de l'Institut des affaires publiques à Bratislava.
Contrairement à la campagne des législatives de 2002, lorsqu'Américains et Européens étaient publiquement intervenus pour convaincre les Slovaques d'empêcher un retour au pouvoir de Meciar, les diplomates étrangers s'étaient abstenus de tout commentaire durant les deux tours. Mais ils confiaient en privé qu'ils n'avaient pas pris l'affaire trop au tragique étant donné le peu de pouvoir du président.
Malgré tout, Ivan Gasparovic, qui affirme se situer maintenant au centre-gauche, risque d'ennuyer la coalition au pouvoir, engagée dans une série de réformes radicales. Il pourra ainsi mettre son veto aux nouvelles lois et contraindre le Parlement à les revoter à la majorité absolue des élus pour qu'elles soient adoptées définitivement.
La victoire finale d'Ivan Gasparovic est aussi un succès pour le jeune leader populiste Robert Fico, dont le parti Smer avait décidé d'appuyer résolument Ivan Gasparovic. Smer s'oppose à la politique libérale du gouvernement et a le vent en poupe dans les sondages. Smer avait cependant échoué à obtenir des élections anticipées dans un référendum qui a eu lieu en même temps que le premier tour de l'élection présidentielle il y a deux semaines.
(Source : AFP)
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