La situation médicale en Moldavie
mercredi 19 mai 2004
La situation médicale en Moldavie
Une triste histoire
Jusqu'en 1991, le système de soins en Moldavie reposait exclusivement sur les hôpitaux et la médecine spécialisée. Tout était gratuit. Mais l'éclatement de l'ex-URSS et l'indépendance de ce petit pays d'Europe de l'Est, coincé entre la Roumanie et l'Ukraine, ont entraîné une crise économique catastrophique. Le niveau de vie a baissé de 40 % (par rapport à 1994).
70% de la population est incapable de travailler. Avec moins d'un dollar par jour (1.14€), triste record d'Europe, les deux tiers des Moldaves vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Les facteurs de risques sont multipliés : l'accès aux soins est difficile, l'eau potable rare (49% est polluée) ; la consommation d'alcool et de tabac a augmenté ; la malnutrition (dans ce pays qui était le grenier de l'URSS), est apparue. D'où un profond retentissement : sur la natalité qui a diminué de 44% (9.8%), sur la mortalité infantile, trois fois supérieure à celle de l'Europe (+20%). Les pathologies congénitales, les maladies infectieuses,particulièrement le SIDA , la tuberculose et les MST, les syndromes d'inadaptation, les maladies dégénératives ont augmenté. La mortalité générale a progressé de 12%.
L'art d'accommoder les restes
En face de cette dégradation de l'état de santé, le budget moldave ne permettait plus ni la maintenance des infrastructures hospitalières, lourdes et ingérables, mises en place "à l'époque" (i.e. de l'URSS), ni l'utilisation efficace des fonds destinés aux patients. Alors l'Etat a imaginé de réformer le système, en accommodant les restes…, en privilégiant désormais le développement de la "santé primaire", déplaçant ("déclassant" disent-ils) des médecins hospitaliers vers les campagnes, où ils sont devenus des "Médecins de Famille". Ils ne sont pas honorés, mais les consommables, la biologie et la pharmacie, sont maintenant à la charge du malade.
La vache, système de protection sociale
Les maigres salaires - quand ils sont payés - ou les petites pensions d'invalidité, 70 à 100 Lei, soit 14 à 20€, (68% des plus de quarante ans sont invalides), obligent la plupart des malades à faire le choix de jeûner ou de s'offrir, de temps à autre quelques jours de traitement : 15 jours d'Indocid ou un mois de Captopril consomment un mois de salaire. Si le spécialiste ou l'hospitalisation - qui, dorénavant, sont devenus payants - s'imposent, on vend la vache, on emprunte ou on fait un appel à la solidarité familiale, pour se rendre à Chisinau (la capitale), sans la certitude qu'il restera un peu d'argent pour accéder à la phase thérapeutique (une semaine d'hôpital coûte 2 à 300 Lei - 0.17 à 25.46 €).
Quarante dollars par mois : une indigence partagée
Les médecins généralistes ne sont pas mieux lotis que leurs patients. Leur salaire est de l'ordre de 26 à 83 €par mois, ce qui oblige aussi à exploiter une petite ferme. Ils exercent dans les bâtiments vétustes, sans eau courante ni chauffage véritable (-5° à -15°, l'hiver). Ils achètent, de leur poche, leurs fournitures de bureau, leur blouse, le savon pour se laver les mains…avec un verre d'eau, et, souvent à fonds perdus, leur matériel jetable.
Des médecins aux pieds nus
Ils manquent de matériel de base pour leurs examens quotidiens, et, bien sûr, d'équipement pour leurs centres : quand il n'a pas été volé pour le revendre à la ferraille, il est souvent rouillé ; peu de moyens de stérilisation efficaces (ils re-stérilisent le jetable, quand ils en disposent) ; pas de laboratoires fonctionnels (quelques éprouvettes ébréchées, pas de réactifs, vieilles centrifugeuses rouillées) pour y effectuer, manuellement, (il peut y avoir une laborantine qui gagne 86 Lei par mois, soit environ 16.77 euros), les examens que, chez nous, des robots "crachent" sans retenue.
Après leurs consultations au centre, ils entretiennent leur forme en effectuant leurs visites à pied, l'hiver, dans la boue ou la neige.
Ils s'attristent de savoir que tout traitement régulier est impossible et que, d'ailleurs, leurs prescription ne pourra probablement pas être suivie d'achat : beaucoup de ces remèdes (les nôtres) sont inaccessibles, bien qu'ils soient disponibles (même sans ordonnance) ; alors ils les remplacent par des placebos ou de vieux produits que nous avons abandonnés depuis des lustres. Ils se désolent, sans s'en étonner, de ce que leurs patients démunis qui n'ont pas confiance en ces médecins aux pieds nus, qu'ils estiment peu qualifiés - ce sont pourtant pour la plupart de remarquables cliniciens - , viennent, avec fatalisme, les consulter trop tard et par défaut.
Le paradis perdu
Dans cette situation d'indigence partagée, tout le monde louche avec nostalgie vers le "paradis perdu", les résultats des dernières élections en témoignent : 70 % de communistes), une époque où tout était pris en charge. Ils constatent avec dépit que seuls les spécialistes ou internistes hospitaliers (s'il en reste), ou exerçant dans des "Polycliniques", soignent et encaissent - eux - des honoraires, certains refoulant, sans état d'âme, l'insolvable, avant même de l'examiner.
Le "médecin de famille" - lui- doit souvent se cantonner à gérer le problème par rapport à ce qu'il connaît des moyens de ses patients…
Association Aide Médicale à la Moldavie - AAMM
http://perso.wanadoo.fr/moldavie/pr...
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