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La loi bulgare sur les religions soulève un tollé


jeudi 3 juillet 2003

Le Parlement bulgare a adopté, le 19 décembre 2002, une loi sur les religions, confirmant le rôle dominant de l'Église orthodoxe. Il a notamment décidé qu'en tant que religion traditionnelle, l'Église orthodoxe était considérée comme personne juridique et n'avait pas besoin d'être enregistrée par l'administration civile pour être reconnue officiellement, alors qu'au contraire, toutes les autres religions devaient être enregistrées auprès des institutions judiciaires. Le député Borislav Tzekov, auteur du projet de loi, a explique que le Parlement visait ainsi à éviter les activités de sectes agissant « contre la sécurité nationale et la santé publique ». « La loi permettra également à l'Église orthodoxe ainsi qu'aux autres communautés religieuses du pays de se faire restituer les propriétés qui leur furent confisquées sous le régime communiste », a-t-il ajouté. Des députés du Mouvement pour les droits et les libertés (MLD), le parti de la minorité turque de religion musulmane, et ceux du parti conservateur d'opposition, l'Union des forces démocratiques (UFD), ont boycotté le vote. L'UFD soutient, depuis la chute du communisme, le mouvement de dissidence au sein de la hiérarchie de l'Église orthodoxe bulgare, qui conteste la légitimité de l'actuel primat de cette Église, le patriarche Maxime, élu à l'époque communiste. L'ex-roi de Bulgarie, Siméon de Saxe-Cobourg, devenu premier ministre en juillet 2001, a tenu à prêter serment en présence du patriarche Maxime, inaugurant ainsi de nouvelles relations entre l'État et l'Église orthodoxe. Le président bulgare, Georges Parvanov, a lui aussi été investi, en janvier 2003, en présence du patriarche. Les responsables de la communauté musulmane, de l'Église catholique et des Églises évangéliques ainsi que les évêques orthodoxes dissidents ont signé, le 18 décembre 2002, une déclaration commune demandant au président de la République d'utiliser son droit de veto pour annuler cette loi. « Nous sommes surpris de voir que cette loi a été adoptée aussi rapidement et que personne ne nous a écoutés », déplore le bulgare Theodor Angelov, secrétaire général de la Fédération baptiste européenne, dont le siège est à Sofia.

La loi stipule que l'Église orthodoxe est « l'Église traditionnelle » du pays et cite une loi de l'Église décrivant l'orthodoxie comme la « seule véritable Église catholique apostolique depuis le temps du Christ ». « Si l'Église orthodoxe est placée au-dessus des autres et traitée de façon différente, cela va créer des problèmes », estime Theodor Angelov.

Les rigueurs de la loi

La loi, entrée en vigueur au début de l'année 2003, autorise les tribunaux à suspendre les activités d'une Église jusqu'à six mois, à annuler son enregistrement et à interdire ses publications. Même si les trente Églises actuellement établies en Bulgarie devraient être à nouveau enregistrées, les Églises minoritaires craignent que la loi n'entraîne une certaine discrimination à leur encontre. Il deviendra également « très difficile » pour les nouvelles communautés religieuses de s'enregistrer, précise Theodor Angelov.

La loi refuse aussi de reconnaître le clergé orthodoxe dissident qui s'est séparé de la juridiction du patriarche Maxime lors du schisme de 1996.

Le procureur général est chargé de remettre toutes les églises et les monastères contrôlés par le synode orthodoxe dissident à l'Église du patriarche Maxime, ce qui, de l'avis de Theodor Angelov, pourrait déclencher un violent conflit. 'Il est évident que les parlementaires veulent mettre fin à la division de l'Église orthodoxe et réunir de nouveau les fidèles », fait-il remarquer. « Mais c'est une fausse démarche. Il n'est pas possible de gouverner la foi et les croyances des gens par des lois et des démarches politiques ».

Des protestants, qui appuient la contestation déposée auprès du tribunal constitutionnel du pays, ont annoncé qu'ils soutiendraient un appel lancé au Conseil de l'Europe et à la Cour européenne des droits de l'homme. A la tête de l'Union évangélique de Bulgarie, Christo Kulichev s'est également exprimé contre la loi, en avertissant, dans une lettre envoyée au Premier ministre, le roi Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha, que les Églises se verraient ainsi refuser « l'égalité sur le plan légal ».

Quant au vicaire général de l'administration de l'Église gréco-catholique, à Sofia, Blagovest Vanghelov, il a craint également les retombées de ces nouvelles dispositions. Cette loi « va changer le statut de toutes les communautés religieuses ». « En fait, nous avons toutes les mêmes objections - catholiques, protestants et musulmans - et nous avons exprimé clairement nos vues par diverses pétitions », a-t-il déclaré à l'agence œcuménique ENI.

(APIC, 14/01/2003 ; IR, 04/2002 ; SOP, 02/2003), cité par AED.

Réactions du Conseil de l'Europe

La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), mise en place par le Conseil de l'Europe, dans sontroisième rapport sur la Bulgarie, adopté le 27 juin 2003 et rendu public le 27 janvier 2004 a émis l'avis suivant :

11. Une nouvelle loi sur les cultes a été adoptée le 20 décembre 2002. Cette loi prévoit que l'enregistrement des communautés religieuses se fera dorénavant auprès de la Cour de la ville de Sofia sauf pour ce qui est de l'Eglise Orthodoxe Bulgare. L'ECRI constate l'existence de nombreuses critiques à l'encontre de cette loi émanant de plusieurs communautés religieuses, d'organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme et d'experts indépendants. D'après ces critiques, la loi introduirait des discriminations entre les différentes confessions religieuses ainsi que des restrictions à la liberté de religion qui seraient contraires à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cette loi prévoit notamment que l'exercice de la liberté de religion peut être restreint en cas d'atteinte à la "sécurité nationale" - et non à la "sécurité publique" comme prévu dans le paragraphe 2 de l'article 9 de la CEDH - et que les communautés et institutions religieuses, ainsi que les convictions religieuses, ne peuvent être utilisées à des fins politiques.

Recommandations

12. L'ECRI recommande aux autorités bulgares de veiller en toutes circonstances à respecter l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme sur la liberté de religion, en tenant dûment compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme y afférente. Elle rappelle que, selon le paragraphe 2 de l'article 9 de la CEDH, les seules restrictions possibles à l'exercice de la liberté de manifester sa religion ou ses convictions sont celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.



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