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Mai 1998 : à propos du nouveau conflit en Abkhazie


lundi 14 avril 2003

Revue de presse (mai 1998)

L'Abkhazie renoue avec la violence : Après une semaine d'affrontements, séparatistes abkhazes et autorités géorgiennes seraient parvenus à un cessez-le-feu - Article d'Isabelle Lasserre dans le Figaro du 26 mai 1998

Les autorités géorgiennes et les séparatistes abkhazes ont conclu un cessez-le-feu et décidé un retrait de leurs troupes pour mettre fin aux violents affrontements qui ont repris depuis une semaine, a annoncé hier soir l'agence Interfax. Cet accord est intervenu à l'issue d'une initiative du président géorgien Edouard Chevardnadze, qui a proposé que l'Abkhazie devienne "sujet d'un Etat fédéral".

Ces combats sont les plus importants depuis le cessez-le-feu décrété en septembre 1993. En un an, le conflit avait fait plusieurs milliers de morts et s'était soldé par une indépendance de facto, mais non reconnue, de l'Abkhazie. Blocus économique

Hier, le pouvoir abkhaze a affirmé à l'agence Interfax que ses troupes avaient "éliminé une centaine de combattants géorgiens" au cours des récents affrontements, dans la région de Gali, à la "frontière" avec la Géorgie. Soukhoumi reproche à Tbilissi de laisser s'infiltrer en territoire abkhaze des bandes armées irrégulières, la "Légion blanche" et les "Frères des forêts", formées de réfugiés géorgiens qui mènent des actions terroristes contre les séparatistes. Les Géorgiens de leur côté accusent les Abkhazes d'avoir déclenché des hostilités en s'"emparant" de Tagueloni et de Nabakevi, deux villages situés dans la zone de cessez-le-feu théoriquement contrôlé par l'ONU.

Tbilissi n'a jamais reconnu l'indépendance de Soukhoumi et impose depuis la fin de la guerre un blocus économique aux séparatistes de Vladislav Ardzinba. La Russie et d'autres médiateurs internationaux s'efforcent régulièrement de promouvoir un règlement de paix dans la région. Depuis quelques mois, les contacts entre les deux parties se sont multipliés.

Après cinq ans de statu quo, la Géorgie souhaite le retour des quelques 150.000 réfugiés géorgiens ayant fui l'Abkhazie pendant la guerre et qui exercent une forte pression sur le gouvernement de Tbilissi. La manne pétrolière et ses promesses pour le développement économique du pays poussent également Edouard Chevardnadze à vouloir plus de stabilité dans la région.

Des milliers de réfugiés Il s'est dit hier favorable à un "compromis" avec les Abkhazes. S'il n'a pas envoyé sur place les troupes régulières géorgiennes, c'est, dit-il, pour éviter l'éclatement d'"une nouvelle guerre". Il a cependant reconnu que son gouvernement aidait la "résistance populaire" géorgienne. Il l'a enfin répété : "la Géorgie n'acceptera pas la perte de l'Abkhazie". En attendant, les combats se sont poursuivis hier dans la journée. Des témoins cités par l'AFP ont vu des maisons en feu. Des milliers de réfugiés ont déjà fui la zone.

Les combats de Gali montrent le besoin d'un réglement du conflit abkhaze - Editorial du Georgian Times du 26 mai 1998.

Les récents événements dans la région de Gali ont provoqué le danger d'une escalade du conflit. Cependant, jamais on a été aussi près de la paix finale. Les hommes politiques géorgiens en sortiront plus assurés aux négociations de Genève et les autorités séparatistes abkhazes seront plus tolérantes à l'égard des propositions de paix venant de Tbilisi. Les médiateurs internationaux comprendront mieux le besoin de régler le conflit dans un proche avenir. Sur la base de cinq longues années de vaines négociations de paix, alors que ni le statut de l'Abhazie n'avait été fixé, ni le retour des réfugiés résolu, le souhait de rétablir la paix en toute justice est devenu de plus en plus fort. Les formations partisanes ("Les Légions Tetri", les 'Frères de la Forêt") ont pris la responsabilité de protéger les populations paisibles de la région de Gali, où 50.000 citoyens sont retournés de leur propre gré.

97% de Géorgiens vivaient dans la région de Gali avant le conflit, ce qui a toujours constitué une cause d'irritation pour les séparatistes. Le régime d'Ardzinba n'a jamais réellement réussi à contrôler cette partie du territoire abkhaze et les Boeviks abkhazes ont continuellement entrepris des raids contre les villages de la région de Gali. Ils visaient à dissuader les populations paisibles de ces villages de retourner dans la région de Gali et à instaurer ainsi une sorte de "glacis" entre l'Abkhazie et le reste de la Géorgie.

Les forces de maintien de la paix russes, en fait, n'empêchent pas les actes punitifs des séparatistes. Dans la zone de 12 kms de long de la région de Gali que l'on dit être contrôlée par les forces de maintien de la paix, les Boeviks abkhazes ont tué environ 1.200 citoyens pacifiques au cours des trois dernières années.

Les raids des séparatistes Boeviks ont été fermement contrés par les partisans géorgiens. Le conflit de mai a montré qu'une situation radicalement différente s'était développée dans la région de Gali. Le régime d'Ardzinba a essayé de conduire des opérations punitives à grande échelle dans cette région et y a introduit 700 à 800 Boeviks. Cependant, ils se sont heurtés à une résistance inhabituellement forte de la part des groupes de défense qu'ont formés les partisans et la population. Seuls les femmes et les enfants ont quitté les villages. Les hommes, selon leurs dires, préfèrent mourir qu'abandonner à nouveau leurs foyers. Les renforts abkhazes n'ont pas réussi à aider les séparatistes. Les Géorgiens contrôlent à présent l'ensemble du territoire de la région de Gali (en dehors de la ville de Gali elle-même) y compris le vilage de Saberio où une équipe de controle de la centrale hydroélectrique de l'Inguri est implantée.

Les séparatistes essaient d'imputer aux autorités géorgiennes la responsabilité des derniers événements en déclarant que des formations armées officielles ont été introduites dans la région de Gali. La même opinion a été exprimée dans des propos tenus par des hommes politiques russes, par exemple K. Zatulin, qui a ouvertement appelé la Russie à soutenir les séparatistes abkhazes dans les conflits armés contre la partie géorgienne.

Quels que soient les arguments avancés par les leaders séparatistes abkhazes et ceux qui les soutiennent, les partisans et la population de Gali défendent leurs villages. Il est clair aussi que, quel que soit l'endroit où ces partisans sont formés, les autorités géorgiennes ne peuvent pas les contrôler complétement. Ils sont si autonomes qu'ils n'obéiraient à aucun ordre de quitter la région de Gali. Aussi personne ne se risque-t-il à le faire, dans l'attente d'un réglement pacifique du conflit. Ces partisans ont passé cinq ans en vivant de belles promesses et seules les intéressent celles qui concernent des "négociations de paix" avec les séparatistes.

Ardzinba ne peut occuper la région de Gali que si les unités armées russes déployées en Abkhazie et les volontaires du Nord Caucase introduits depuis le territoire russe, comme ce fut le cas en 1992-1993, les soutiennent. Mais aujourd'hui, la situation est différente et il sera difficile pour les Russes de perpétrer de telles formes d'agressionsur le territoire d'un autre pays. La seule issue d'une telle situation est que les séparatistes retirent leurs Boeviks de la région de Gali, ce qui deviendra une base pour arrêter le bain de sang et éviter une escalade ultérieure du conflit. Ce que l'on a appelé "l'administration mixte" doit être mise en place dans la région de Gali, impliquant les représentants des autorités légitimes des séparatistes d'Abkhazie. Il convient de prévoir le rétablissement de l'ordre et le retour des réfugiés en toute sécurité. Dans le même temps, il faut lancer les bases d'un réglement final du conflit. Tbilisi a déjà suggéré que Sukhumi ait le statut d'un territoire fédéré dans le cadre de l'Etat géorgien et qu'un représentant de l'Abkhazie soit président de la future Chambre Haute du Parlement de Géorgie - le Sénat.

Les évènements de la région de GALI n'ont pas été un coup porté à la seule Géorgie - Editorial du Georgian Times du 28 mai 1998

Les récents événements de la région de Gali peuvent être considérés comme une provocation préméditée à grande échelle contre la Géorgie, visant à provoquer :
-  une déstabilisation de la Géorgie
-  l'abandon des projets reliés au couloir eurasien et à l'oléoduc transcapien
-  et finalement la mise en place à Tbilisi d'un pouvoir qui freinerait le rapprochement avec l'Ouest et l'actuelle politique d'intégration dans la communauté internationale.

Le schéma de ce scénario était tout à fait simple et en même temps pervers. La population géorgienne s'est vue donner l'occasion de retourner dans la région de Gali. Elle a été harcelée par des raids réguliers des Boeviks abkhazes. Le mouvement partisan géorgien a intensifié son activité pour résister à ces attaques. Celles-ci passèrent à une vitesse supérieure par suite de l'attitude passive du régime d'Andzimba et des forces russes de maintien de la paix. De ce fait, les partisans ont exercé un contrôle complet sur la majeure partie de la région de Gali.

Le succès des Partisans semblait impressionnant au regard des vaines négociations de paix conduites par les autorités depuis plusieurs années. L'opinion publique et certaines forces politiques ont exigé que les autorités apportent un soutien au mouvement partisan. Conclusion : quand Ardzinba introduisit 1.200 Boeviks équipés d'artillerie et de tanks dans la région de Gali, les autorités géorgiennes ont été confrontées à la perspective de devoir reprendre des activités militaires à grande échelle. Les séparatistes une fois de plus ont brûlé des villages géorgiens et plus de 30.000 personnes ont été une fois encore obligées de quitter leur habitation.

La société civile et quelques hommes politiques ont exigé que les autorités engagent les forces armées géorgiennes, afin de protéger la population. Cependant, Chevardnaze, lors d'une interview radiofiffusée le 24 mai, a refusé catégoriquement l'escalade d'une confrontation armée. "L'engagement de l'armée régulière nous fera entrer dans une guerre à grande échelle, mais chacun de nous sait bien quelles forces combattront contre nous dans une nouvelle guerre, en soutien aux séparatistes". Chevardnadze visait évidemment la Russie. Dans la bouche du président du Parlement, Zvania : "Ç'eut été tomber dans le scénario prévu pour la Géorgie par les auteurs de cette provocation". Cette décision coïncidait avec le jour de l'indépendance de la Géorgie, et en raison des évènements récents dans la région de Gali, toutes les cérémonies ont été reportées. Ce report fut ressenti comme très humiliant et l'opinion publique jeta un voile de disgrâce sur le prestige des autorités. Aux yeux de celles-ci cependant, une telle décision était en cohérence avec les objectifs stratégiques et les intérêts à long terme du pays.

Comme nous l'avons déjà dit, les projets concernant l'oléoduc du couloir Eurasien et de la mer Caspienne sont en jeu. Leur mise en place ne sert pas les intérêts de la Russie. La Géorgie et la Russie sont rivales à l'égard des projets de transports pétroliers de la Caspienne. Beaucoup d'hommes politiques géorgiens accusent les forces russes de chercher à déstabliliser la Géorgie. La Russie réfute ces accusations et annonce qu'elle fait tout pour régler le conflit par des voies pacifiques. Les événements de la région de Gali, ont cependant montré que les forces de maintien de la paix n'appliquaient pas la résolution du dernier sommet de la CEI. Cette résolution prévoit la formation d'une administration mixte Abkhzo-Géorgienne et le retour des réfugiés en toute sécurité. Tout au contraire, les forces de maintien de la paix, par leur inaction, ont facilité l'escalade du conflit. La Russie n'a aucun intérêt à voir le processus de maintien de la paix s'internationaliser vraiment. On en veut pour preuve le véto posé par la Russie à la résolution du conseil de sécurité de l'ONU qui envisageait l'introduction d'un groupe militaire de 300 membres de l'ONU dans la zone de conflit pour protéger les observateurs internationaux. Moscou ne pouvait pas admettre qu'ils ne fussent pas russes.

Les événements de Gali ont montré qu'en fait, la Géorgie était seule face aux séparatistes et aux puissantes forces qui les soutiennent. Ces dernières se sont attaquées à la Géorgie uniquement dans le but de faire échouer les projets pétroliers, dont l'enjeu ne concerne pas uniquement, ni principalement, la Géorgie. Si celle-ci reste "sans protection" et si ses adversaires restent impunis, ces forces vont intensifier leurs activités. Le régime séparatiste d'Ardzinba, avec le "soutien occulte" des forces russes de maintien de la paix, a montré au monde qu'il était l'organisateur d'un nettoyage ethnique et tout cela a été présenté comme une action "pour combattre les terroristes et les saboteurs". Il a combattu la Géorgie dans la région de Gali, mais pas seulement la Géorgie. Ce fut une attaque régulière de la part des forces néo-impérialistes qui considèrent que la Transcaucasie est une zone d'influence exclusive.



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