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Protocole de Kyoto : la Russie a modéré son attitude concernant la ratification du document (2004)


lundi 31 mai 2004

MOSCOU. (Alexandre Khanykov, directeur général de l'Organisation nationale des projets d'adsorption du carbone)

"On est sans doute sorti de l'impasse en ce qui concerne le problème du Protocole de Kyoto en Russie. Quoi qu'il en soit, il a été tout à fait évident, dès le début même, que ce document ne pourrait en aucun cas nuire à la Russie. Je pense en général que l'atmosphère de négation autour du Protocole de Kyoto dans notre pays avait été spécialement attisée, ce qui a d'ailleurs, rendu encore plus précieux le compromis actuel, dont la modération de l'attitude russe sur la ratification de ce document est devenue l'un des éléments majeurs.

Nul n'ignore, évidemment, que bien des "joueurs sur le terrain de Kyoto" attendaient l'opinion exprimée du Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, sur ce point précis. Le chef de l'Etat russe écoutait tous, y compris plusieurs en tête-à-tête, pendant douze mois. Il analysait très attentivement la situation, pesait les avantages et les inconvénients possibles de la ratification en question pour s'exprimer tout à fait explicitement, l'un de ces jours, en disant notamment : "A la solution des problèmes liés à l'élargissement de l'Union européenne, vu également la signature du protocole sur l'Organisation mondiale du Commerce, document qui réduit notablement les risques pour notre économie dans une perspective à moyen terme, on peut aussi penser à la ratification du Protocole de Kyoto". Connaissant bien les réalités russes, j'ose affirmer que ce document tiendra envers et contre tout. Cela ne signifie évidemment pas pour autant que les critiques en disparaîtront du jour au lendemain. Tout porte à croire, par contre, que les forces "pour" et les forces "contre" ne vont que se consolider encore plus, vu les auditions parlementaires qui approchent.

Les débats autour de ce document ont sans doute atteint leur comble au début de 2002 quand les Etats-Unis ont suspendu leur participation. De ce fait, dans les attentes des investissements à la suite de la mise en marche du mécanisme même du Protocole de Kyoto, une baisse spectaculaire s'est subitement opérée, de sorte qu'il ne s'agissait plus des milliards mais seulement des millions de dollars. Et c'est alors justement que les géants de l'économie russe se sont visiblement désintéressés du Protocole de Kyoto.

En revanche, les climatologistes les plus intransigeants ont fait preuve d'un regain d'activité peu ordinaire, en clamant haut et fort leur vive préoccupation. A signaler qu'ils ne se préoccupaient pas du tout du réchauffement du climat sur la planète, mais du "gaspillage des richesses nationales". De toute évidence, ils ont tout simplement compris que le fait même de tenir le haut du pavé sur le "champ de confrontation" apportait certains dividendes. Aussi, se sont-ils lancés dans débats houleux avec les économistes, ce qui n'a fait que déchaîner encore plus les passions.

Une autre raison qui a manifestement affaibli l'intérêt général pour le Protocole de Kyoto, consistait, selon les sceptiques, dans d'éventuels risques économiques et politiques en cas de sa ratification. Néanmoins, la législation internationale est conçue en sorte qu'aucun effondrement n'est possible. En effet, l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du Commerce est une étape de loin plus importante à franchir, étape à laquelle notre pays est beaucoup moins préparé qu'à la ratification du Protocole de Kyoto qui n'affecte pas, lui, une ressource aussi géante que la coopération dans le cadre de l'OMC. Quoi qu'il en soit, nous ne ménageons pas nos efforts pour devenir membres à part entière de cette organisation, tout en nous rendant compte qu'il n'y a pas là de risques particuliers à courir, bien que nous devions naturellement réformer bien des choses pour adapter, comme il se doit, notre base législative et réglementaire.

Les adversaires de la ratification cherchent à nous intimider, en prétendant notamment que les engagements que prendrait la Russie dans le cadre du Protocole de Kyoto entraveraient très sérieusement le développement industriel du pays. Pourtant, les réalités sont telles que la Russie dispose effectivement d'une importante ressource non-engagée de rejets de gaz à effet de serre (30%). Somme toute, nos experts ont calculé pas mal de scénarios différents pour conclure qu'aujourd'hui, ni physiquement ni même techniquement, il n'est pas possible de brûler dans le pays autant d'hydrocarbures que la limite établie en soit dépassée. C'est que nous n'avons tout simplement pas d'hydrocarbures dans de telles quantités ni d'ailleurs de capacités requises pour les brûler.

Il n'en est pas moins vrai, cependant, que pour que le Protocole de Kyoto soit appliqué efficacement, il faudra travailler dur. Il nous faudra, par exemple, déployer de très gros efforts pour procéder à la modernisation totale des équipements industriels. Les sceptiques en parlent comme d'une menace de l'effondrement total. Mais seuls peuvent craindre le renouveau qui ont peur du progrès en général. A ce jour, 70 % des entreprises russes ont les équipements tout à fait obsolètes. Aussi, devra-t-on les remplacer, tôt ou tard, et ce, même sans ratifier le Protocole de Kyoto.

Dans les arguments en faveur du Protocole de Kyoto, je ne tiens pas à être original, en me limitant seulement à en classer les priorités, comme je le conçois moi-même. Tout d'abord, j'insisterais sur la contribution que le Protocole de Kyoto peut bien apporter à la solution des problèmes de l'économie d'énergie, à l'encouragement même de l'économie du combustible à brûler. Son autre mérite, c'est incontestablement sa composante écologique. C'est qu'en brûlant moins de combustible, nous réduisons évidemment les rejets de gaz nocifs dans l'atmosphère. Et enfin, je retiendrais cette nouvelle idéologie de la gestion de la protection de l'environnement que nous propose le Protocole de Kyoto. Force est de reconnaître que le business n'est toujours pas réellement impliqué dans les activités écologiques, seuls les écologistes s'en occupant de nos jours. Le Protocole de Kyoto est pour le moment l'unique document au monde qui permet d'engager les "pollueurs" de l'environnement, eux-mêmes, et de créer par là un milieu propice aux investissements pour un travail pratique et concret tendant à protéger la nature contre l'impact anthropogène. Somme toute, le Protocole de Kyoto est un projet d'affaires unique en son genre pour l'ensemble de la communauté internationale."

(Ria-Novosti/29/05/04)



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