"La Constitution européenne : vers de beaux lendemains ?" par Alexandre KEBABDJIAN
mardi 7 septembre 2004
Plus de 50 ans après le début de la construction européenne, l'élargissement de l'Union Européenne à 25 membres a rendu nécessaire la restructuration institutionnelle et une cohésion politique au sein de l'UE. L'instauration d'une Constitution semblait l'étape essentielle vers ce consensus. Après l'émergence de ce débat lors de la conférence intergouvernementale de Nice en décembre 2000, la décision d'une Convention sur la Constitution lors du Conseil européen de Laeken en décembre 2001, l'examen par les 25 du projet de Constitution européenne au sommet de Thessalonique les 19 et 20 juin 2003, le projet de traité Constitutionnel a finalement été adopté à l'unanimité par les 25 chefs d'Etat et de gouvernement lors du Conseil européen de Bruxelles des 17 et 18 juin 2004.
La mise en place d'une Constitution dans l'UE25 est encore difficile, et les oppositions au sein des pays membres rendent délicate l'adéquation entre une Constitution supranationale et des systèmes internes spécifiques. Les défenseurs d'une approche intergouvernementale comme la Grande-Bretagne et les partisans d'une intégration européenne plus poussée telle l'Allemagne opposent deux vocations européennes différentes : l'Europe espace et l'Europe puissance. Or les 10 pays nouvellement entrés, avec 75 millions d'habitants dans un total de 454,9 millions pour l'UE25, redoutent la supériorité du couple franco-allemand et pointent du doigt l'inégalité entre "petits" et "grands" dans les institutions européennes. C'est le cas de la Pologne, de la Slovaquie, de la Lituanie et de Chypre, assez proches des positions anglaises et souhaitant respecter le point d'équilibre du traité de Nice. Le renforcement institutionnel leur fait craindre une amplificaion des inégalités entre petits et grands pays, qui rendrait le couple franco-allemand prédominant.
Au regard de l'inclusion ou non d'une référence religieuse dans la Constitution, les systèmes laïques comme le système français s'opposent aux autres pays, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, la Pologne entre autres, dont la position rejoint celle du Vatican.
Quant à la ratification de la future Constitution dans les pays membres, elle est un problème ou un objectif selon les pays. En Allemagne, cette ratification repose sur la proposition de modification de la constitution allemande qu'entend présenter la majorité sociaux-démocrates/Verts au pouvoir, et qui doit être votée par les deux tiers des deux chambres du Parlement allemand. En France, le souhait présidentiel d'un référundum sur la Constitution est situé dans un climat d'incertitudes d'ordre politique ou idéologique.
Reste à savoir si la ratification de la Constitution dans les 25 pays de l'UE ne risque pas d'être reportée à une longue échéance, voire rendue difficile par les populations des pays membres. Dans un souci de renforcement démocratique de l'UE, les 25, qui ont adopté le traité constitutionnel, n'ont pas intérêt à l'imposer à des populations réticentes. A l'inverse, s'ils passent par une consultation des européens, le refus populaire du traité constitutionnel dans un ou plusieurs pays de la Communauté porterait un sévère coup à l'image de l'UE et à la construction européenne, ou à la faisabilité d'un Etat européen. L'Europe passerait d'un déficit démocratique à un déficit de légitimité.
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