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Élection présidentielle en Ukraine : le choc frontal des deux Viktor (octobre et novembre 2004)


dimanche 19 septembre 2004, par Hervé Collet

21 personnes sont officiellement candidates à l'élection présidentielle dont le premier tour se tiendra le 31 octobre et le second tour, le 14 novembre.

Le président sortant, Viktor Koutchma, qui a rempli deux mandats ne peut plus se représenter selon la constitution. Son dauphin est l'actuel premier ministre, Viktor Yanoukovytch (Parti des régions). Le principal adversaire de ce dernier est Viktor Iouchtchenko, ancien Premier ministre, président du Bloc Notre Ukraine, qui a emporté 100 sièges lors des élections. Comme seuls deux candidats peuvent se présenter au deuxième tour, il est hautement probable que le choix final des électeurs se jouera entre ces deux figures politiques, représentant des orientations stratégiques radicalement opposées :
-  Viktor Yanoukovytch est soutenu par la Russie (cf. Ukraine : la portée historique de l'élection présidentielle d'octobre 2004) et par les oligarques ukrainiens, qui voient dans Iouchtchenko une menace pour la pérennité de leurs affaires. Il représente l'ancienne nomenklatura soviétique, qui ne s'est convertie à l'économie de marché que pour se tailler des empires économiques dans l'ombre du président Koutchma. Il est le candidat de l'Ukraine orientale, traditionnellement tournée vers Moscou. Il peut compter sur l'appareil d'État qui, dès maintenant, ne manque pas de mobiliser les « ressources administratives » en sa faveur, sans compter un usage possible de la fraude électorale.
-  Viktor Iouchtchenko est pro-occidental, partisan résolu de l'adhésion de l'Ukraine à l'Union Eropéenne et à l'OTAN. Il veut engager des réformes économiques visant à libéraliser le marché et à casser la chasse gardée des oligarques. Il est surtout populaire dans l'Ukraine occidentale, traditionnellement tournée vers l'Ouest. Il sera soutenu au deuxième tour par une grande partie de l'opposition. Reste à connaître l'attitude du Parti Communiste présidé par le charismatique Petro Symonenko qui, bien qu'il soit hostile aux méthodes autoritaires du président Koutchma et de son dauphin, est partisan inconditionnel de l'ancrage de l'Ukraine à l'Est et risque de prendre ses distances à l'égard de Iouchtchenko, considéré comme un homme « de droite » et pro-occidental.

La campagne électorale s'est récemment transformée en crise politique avec l'ouverture par le Parquet ukrainien d'une enquête pour tentative d'attentat contre le principal candidat de l'opposition, Viktor Ioutchenko (Notre Ukraine). Celui-ci a été victime le 6 septembre dernier d'un empoisonnement alimentaire pour lequel il a dû être hospitalisé à Vienne dans un état grave et qui pourrait s'avérer d'origine criminelle. De retour en Ukraine dix jours plus tard, le candidat de l'opposition a clairement accusé le régime de l'actuel Président de la République, Leonid Koutchma, d'avoir voulu le supprimer. « Ce qui m'est arrivé n'est pas un problème alimentaire. Ce qui m'est arrivé est un problème lié au régime politique en Ukraine. Il n'est pas question de cuisine au sens littéral du terme mais de la cuisine politique ukrainienne où l'on commandite des meurtres. Ne vous demandez pas qui sera le prochain, le prochain peut être chacun d'entre nous » a déclaré Viktor Ioutchenko.

Hervé Collet/Colisée - octobre 2004

Liste officielle des candidats
-  Oleksandr Baziliouk (Parti slave)
-  Bohdan Boïko (Parti Roukh pour l'Unité)
-  Mykhaïlo Brodskyï (Yablouko)
-  Ihor Douchyne (LDPU)
-  Anatoli Kinakh (PPPU, ancien Premier ministre)
-  Roman Kozak (OUN en Ukraine)
-  Vitaliï Kononov (Les Verts)
-  Dmytro Kortchynskyï ("Fraternité")
-  Vladislav Kryvobokov (Parti populaire des déposants et de la défense sociale)
-  Oleksandr Moroz (PS)
-  Oleksandr Rjavskyï (Union panukrainienne Famille Unie)
-  Petro Symonenko (PC)
-  Leonid Tchernovetskyï (Président d'honneur de la société « Pravex »)
-  Hryhoriï Tchernych (Parti de la Réhabilitation du Peuple ukrainien)
-  Andriï Tchornovil (opposant de Roman Kozak, OUN en Ukraine)
-  Natalia Vitrenko (Socialiste progressiste)
-  Vassyl Volha ("Contrôle Public")
-  Oleksandr Yakovenko (PC ouvrier et paysan)
-  Viktor Yanoukovytch (Parti des régions, actuel Premier ministre)
-  Viktor Youchtchenko (Bloc "Notre Ukraine")
-  Youriï Zbitnyev (Parti "Nouvelle Force")

Une fin de présidence marquée par des affaires troubles

Les dix années de présidence de Leonid Koutchma, qui a nié toute responsabilité dans l'intoxication alimentaire dont a été victime le candidat de l'opposition, sont largement entachées de scandales (fraudes électorales, vente illégale d'armes à l'Irak) ainsi que d'agressions et de crimes toujours non élucidés. En outre, l'Ukraine fait partie des vingt pays les plus corrompus de la planète selon l'organisation non gouvernementale Transparency International, spécialisée dans la lutte contre la corruption (classement 2002).

L'assassinat de Gueorgui Gongadzé toujours non élucidé est encore très présent dans la mémoire des Ukrainiens. Disparu le 16 septembre 2000 et retrouvé décapité le 2 novembre de la même année, Gueorgui Gongadzé, trente et un ans, rédacteur en chef du journal en ligne Ukraïnska pravda, connu pour ses critiques envers le pouvoir en place, enquêtait au moment de son enlèvement sur des affaires de corruption touchant le sommet de l'Etat. Avant sa mort, il avait déclaré être suivi par des policiers. Le 16 septembre dernier, à l'occasion du quatrième anniversaire de sa disparition, plus d'un millier de personnes se sont rassemblées dans le centre de la capitale Kiev pour réclamer que justice soit faite. « Assez de mensonges, nous voulons la vérité », proclamaient les banderoles des manifestants. L'assassinat de Gueorgui Gongadzé a été suivi d'autre décès suspects dont celui de Mikhaïlo Kolomiets, directeur d'une agence de presse, retrouvé pendu le 30 octobre 2002.

À l'approche de l'élection présidentielle, les incidents se multiplient. Le 20 août dernier, un incendie criminel ravageait partiellement les locaux d'un journal d'opposition à Lviv dans l'Ouest du pays. Le 15 septembre, une chaîne de télévision de l'opposition, Canal cinq, affirmait connaître des difficultés de diffusion dans plusieurs régions ukrainiennes où la retransmission de plusieurs programmes a dû être arrêtée. A la mi-août, une délégation de sénateurs américains, en visite dans le pays, a dénoncé les restrictions significatives imposées à certains médias et les manœuvres empêchant l'opposition de s'exprimer. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a également fait part de sa préoccupation face au climat actuel de la campagne électorale. De son côté, l'Union européenne a demandé la transparence la plus complète du scrutin. « Il est de la plus haute importance que l'élection présidentielle se déroule de façon pleinement démocratique. Les relations Union européenne-Ukraine dépendent d'actions concrètes pour promouvoir les valeurs et les critères européens » déclarait le 18 mai dernier Brian Cowen, ministre irlandais des Affaires étrangères au moment où son pays exerçait la Présidence de l'Union européenne. L'actuel Premier ministre, Viktor Ianoukovich, lui-même candidat à l'élection présidentielle des 31 octobre et 14 novembre prochains, s'est exprimé en faveur d'un scrutin « équitable et transparent ». Mais l'équipe électorale du principal candidat de l'opposition, Viktor Ioutchenko, a déposé à la Commission électorale plus de quatre vingt-dix plaintes pour des violations commises durant la campagne concernant notamment des pressions de responsables sur leurs subordonnées pour recueillir des signatures en faveur du Premier ministre candidat, la participation de fonctionnaires d'Etat à sa propagande électorale et les difficultés d'accès de l'opposition aux médias. Par ailleurs, interrogés par le Centre de recherche indépendant Razoumkov, les deux-tiers des Ukrainiens disent craindre que les résultats de l'élection présidentielle soient falsifiés et près de la moitié d'entre eux pensent que ces fraudes bénéficieront au candidat du pouvoir. Les deux tiers des personnes interrogées (67,5 %) estiment que la campagne électorale se déroule de manière injuste et qu'elle favorise certains candidats. L'accès inégal aux médias, les pressions des employeurs pour assurer le vote en faveur d'un candidat et la participation de fonctionnaires d'Etat à la campagne sont les violations les plus souvent citées. Dans cette enquête d'opinion réalisée dans la première quinzaine de septembre, seuls deux Ukrainiens sur dix (19 %) se déclarent satisfaits de la politique du Président Leonid Koutchma, 69 % des personnes interrogées exprimant le désir d'un changement radical à la tête du pays.

L'actuel Président de la République, Leonid Koutchma, est en poste depuis le 10 juillet 1994 où il a été élu avec 52,58 % des suffrages. Au terme de son premier mandat, il a été réélu le 14 novembre 1999, recueillant 56,3 % des voix, contre 37,8 % à son adversaire Petro Simonenko (Parti communiste d'Ukraine).

Agé de soixante-six ans, ingénieur de formation, Leonid Koutchma a été directeur de l'usine de missiles de Dniepropetrovsk de 1986 à 1992 avant d'être nommé Premier ministre par le précédent Chef de l'Etat Leonid Kravtchouk (1991-1994). En décembre 1993, Leonid Koutchma devient président de l'Union ukrainienne des industriels et des entrepreneurs avant d'accéder à la Présidence de la République six mois plus tard. Arrivant au terme de son deuxième mandat, Leonid Koutchma ne peut donc se représenter aux suffrages des électeurs.

Corine Deloy/Fondation Robert Schuman



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