Géorgie : l'imbroglio de l'élection présidentielle d'Abkhazie (octobre 2004)
LES CANDIDATS DU GOUVERNEMENT ET DE L'OPPOSITION PROCLAMÉS TOUR À TOUR VAINQUEURS
mercredi 13 octobre 2004, par Mirian Méloua
Après les élections du 3 octobre et l'annonce prématurée de la victoire du candidat gouvernemental, les informations contradictoires se sont multipliées : l'annulation du scrutin dans le district de Gali, la proclamation de la victoire du candidat de l'opposition, le désaveu du président sortant, la démission du président de la Commission Centrale des Elections, le recours à la Cour Suprême et l'appel à une "Convention Nationale", tradition médiévale abkhaze, le 14 octobre.
11.09.04. A la majorité des 15 membres, la Commission Centrale des Élections valide l'élection de Sergueï Bagapsh (candidat d'opposition, nationaliste, soutenu par les vétérans de la guerre abkhazo-géorgienne, premier ministre en 1999 et 2000) avec 50,08% des voix. La Commission avait précédemment annoncé la victoire de Raoul Khadjimba (candidat gouvernemental, soutenu par le président sortant et par le président russe, premier ministre en 2003 et 2004). Le président de la Commission, Sergueï Smir, et trois membres démissionnent.
12.03.04. Après avoir déposé un recours devant la Cour Suprême, Raoul Khadjimba proteste lors d'un rassemblement de ses partisans.
12,09.04. Tbilissi. Goga Khaindrava, ministre géorgien des conflits, déclare : "Les Abkhazes refusent de voir nommer leur président à Moscou".
12.09.04. Moscou. Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères déclare que les élections présidentielles abkhazes "ne sont pas claires".
12.09.04. Vladislav Ardzinba, président sortant, s'adresse solennellement à la nation et qualifie "d'absurde" la décision de la Commission Centrale des Elections. Certains observateurs y voient un préambule à la déclaration de "l'état d'urgence".
12.09.04. Après avoir déclaré aux médias russes "avoir été envoyé en Abkhazie par le président russe Vladimir Poutine personnellement", le nouveau premier ministre abkhaze Nodar Khashba, précise que la Cour Suprême aura le "dernier mot" sur la validation des élections.
13.09.04. Le candidat Sergueï Bagapsh, proclamé vainqueur la veille, appelle, selon la tradition médiévale abkhaze à une "Convention Nationale" à Soukhoumi le 14 octobre, Elle devrait rassembler une vingtaine de milliers "de sages et d'anciens d'ethnie abkhaze" afin d'arbitrer le conflit. A la même heure, la Cour Suprême devrait statuer sur l'appel du candidat gouvernemental Raoul Khadjimba.
République autoproclamée en 1993, reconnue par aucun pays, l'Abkhazie a bien du mal à effectuer l'apprentissage de la démocratie. L'omniprésence de la Russie touche aux domaines politiques et aux domaines économiques, mais aussi aux domaines culturels et ethniques. La région appartient aux nouvelles fortunes russes, la monnaie quotidienne est le rouble russe, les passeports pour voyager (et pour voter) sont les passeports russes -même si le président sortant a émis récemment un décret rétablissant le passeport abkhaze. La langue quotidienne est le russe.
En une décennie, les Abkhazes ont perdu leurs illusions : misère, trafic et corruption sont au rendez-vous. Aujourd'hui le risque de fracture politique est réel, celui de la guerre civile hante les discours du candidat gouvernemental et de celui de l'opposition. La situation ne peut que favoriser l'aide du "grand frère" russe, d'autant que la sincérité des 192.000 suffrages validés est loin d'être démontrée.
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