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15 ans d'évolution des pays d'Europe centrale et orientale (1989-2004)


dimanche 6 février 2005, par Hervé Collet

Les États que le Ministère français des Affaires Étrangères a appelés les PECO (Pays d'Europe centrale et orientale), au nombre de 27*, partagent la caractéristique d'avoir subi - pendant une période qui va de 45 à 75 ans - un régime communiste dont ils sont sortis quelques mois après la chute du mur de Berlin (9 novembre 1989). C'est leur seul point commun, mais ce n'est pas rien.

On a pris l'habitude, jusqu'à une date récente, de les analyser comme s'ils formaient, « en creux », un ensemble sociopolitique homogène, par opposition notamment à l'Europe de l'Ouest, elle-même en voie d'unification. Cet amalgame, que les pays concernés ont souvent récusé, car connoté négativement, aura de moins en moins cours. Aussi est-il temps de faire le point de l'évolution de cet « espace » depuis 15 ans, au moment où deviennent plus pertinents des regroupements tels que l'Union Européenne, la CEI, l'Eurasie, la coopération méditerranéenne, etc.

Ces quinze dernières années nous semblent marquées par les tendances suivantes :

Ces pays forment aujourd'hui des sous-ensembles géopolitiques qui sont moins caractérisés par des données géographiques imprégnées d'Histoire (Balkans, Europe centrale, par exemple), que par des volontés de travailler ensemble au sein d'espaces de coopération régionale : groupe de Vysegrad, pays de la Baltique, Espace Économique Unique, etc.

L'effondrement du système communiste a libéré des tendances nationalistes qui avaient été fermement (voire parfois durement) réprimées durant des décennies. Ces tendances se sont traduites de trois façons :
-  Accession à l'indépendance de républiques qui avaient dans le passé connu un certain degré de souveraineté. Il est important de noter à cet égard que la Fédération de Russie n'a pas éclaté.
-  « Frottements » - sans recourir aux armes - entre États devenus indépendants, à propos de problèmes divers : dossiers frontaliers (entre la Slovénie et l'Italie à propos de l'Istrie, entre l'Ukraine et la Russie, à propos de…), statut des minorités nationales (en particulier entre la Hongrie et la Roumanie, au sujet de la Transylvanie), symboles nationaux (entre la Grèce et la République de Macédoine).
-  Conflits armés, initiés par des groupes ethniques luttant pour leur survie et/ou revendiquant leur indépendance : guerre entre la Croatie et la Fédération yougoslave (réduite à la Serbie et au Monténégro - siège de Dubrovnik et de Vukovar) en 1991-1992 ; conflit de Bosnie-Herzégovine (siège de Sarajevo) de 1992 à 1995 ; offensive éclair de la Croatie d'août 1995, qui rend à Zagreb la Slavonie orientale et la Krajina ; conflit du Kosovo de 1998-1999 ; conflits du Caucase (Haut-Karabagh entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie de 1988 à 1994 - Abkhazie et Ossétie du sud, au sein de la Géorgie en 1992-1993) ; sécession de la Transnistrie dans le cadre de la Moldavie, en 1992 et 1995 ; conflit tchétchène, depuis 1994. Ces conflits sont maintenant pour la plupart réglés ou connaissent un statu quo précaire, mais des tensions sont encore perceptibles dans certaines zones : Géorgie, Moldavie, Macédoine, Caucase du nord, Asie centrale, notamment.

La situation économique et sociale de l'ensemble de ces pays reste encore préoccupante. L'effondrement du système communiste d'organisation de la production (fondée sur le capitalisme d'État) et de la coopération interétatique (basé sur des monoproductions nationales) a provoqué une crise économique et sociale grave dans les premières années : baisse du PIB, désorganisation des circuits, obsolescence des infrastructures, perte des marchés extérieurs, insuffisance des capitaux propres (non compensée par des investissements étrangers), détérioration des systèmes de protection sociale, etc. Deux sortes de pays ont tiré leur épingle du jeu : d'un côté, les pays d'Europe centrale et de la Baltique qui, outre une tradition industrielle et commerciale plus forte et plus ancienne, ont trouvé une dynamique de développement dans l'intégration européenne. De l'autre, les pays de l'ex URSS qui disposent de ressources énergétiques importantes : Turkménistan, Kazakhstan, Russie et plus récemment Azerbaïdjan. Tous connaissent, en tout état de cause, des situations sociales préoccupantes, même dans les pays à fort développement (la croissance profite surtout à la couche supérieure de la société). Le niveau de vie moyen reste faible - inférieur à la moyenne des pays de l'Ouset - et dans beaucoup de cas, inférieur au seuil de pauvreté. Le chômage est galopant dans la plupart des pays. On assiste à une paupérisation parfois dramatique d'une partie importante de la société. Certains pays, parmi les plus pauvres d'Europe (Albanie, Moldavie, par exemple), vivent grâce à l'aide internationale ou à la solidarité familiale des expatriés. Une classe moyenne, cependant, se forme peu à peu dans la plupart des pays (Russie notamment), qui peut stimuler et généraliser la croissance.

La situation des droits de l'Homme a évolué d'une manière très contrastée selon les zones géographiques. Les pays d'Europe centrale et de la Baltique qui ont intégré l'Union Européenne ont adopté des normes et des pratiques satisfaisantes sous la contrainte des critères de Copenhague (standards démocratiques). À l'inverse, certains pays connaissent un système autoritaire hérité du communisme, qui foule délibérement les libertés fondamentales : pays de l'Asie centrale, Biélorussie, notamment. Tous les autres connaissent une situation intermédiaire préoccupante - y compris la Russie, malgré ses avancées démocratiques.

La société civile (associations, syndicats, parties, confessions religieuses) s'est considérablement développée dans les premières années. Elle a connu un palier au bout d'un certain temps, pour cause d'essouflement et d'insuffisance de moyens financiers. Il convient de signaler à cet égard le rôle décisif joué par la solidarité internationale (contributions des fondations américaines et des programmes Phare et Tacis Démocratie de l'UE, programmes des institutions internationales). Dans les pays peu démocratiques, le pouvoir en place a conservé ou récupéré le contrôle de la vie associative, considéré comme un contre-pouvoir dangereux.

Le fait religieux a connu un grand essor. Les confessions dominantes (certaines étant considérées en fait ou en droit comme des "religions nationales") ont plus que jamais pignon sur rue. De nombreuses religions d'origine étrangère se sont introduites (sectes notamment), qui ont parfois reçu un accueil réservé (voire ont été interditres, comme le wahabisme en Asie centrale, ou les Chrétiens de Jéhovah dans certains pays). Si l'on ne peut pas parler stricto sensu de "guerres de religions", les conflits nationalistes évoqués précédemment ont eu des composantes religieuses indiscutables (destruction de lieux de cultes, notamment). La culture de ces pays a connu un sort mitigé  : les productions nationales traditionnelles ont été de plus largement diffusées à l'étranger (à l'Ouest, notamment), mais la diffusion culterelle interne (théatres, operas, expositions) et la création artistique ont été freinés, voire arêtées, par la chute dramatique des budgets nationaux. Certaines manifestations culturelles d'envergure (festivals, notamment) n'ont pu continuer ou reprendre que grâce au mécénat international.

La vie démocratique - du moins dans les pays où cette notion a une consistence - a été marquée par le phénomène de l'alternance. Peu d'équipes ont pu se maintenir en place plus d'un mandat, ce qui souligne la difficulté des dirigeants à faire face aux difficultés de tous ordres auxquels ils sont confrontés. À l'inverse, certains régimes autoritaires (Biélorussie, Asie centrale) ont gardé leurs dirigeants depuis l'indépendance ou presque, à la faveur d'un système de contôle social qui n'a rien à envier au régime communiste antérieur. Toutefois, le phénomène des "révolutions de velours", qui s'est propagé, depuis la Serbie à la Géorgie et à l'Ukraine, laisse augurer la possibilité d'un changement possible de ces systèmes sans effusion de sang.

Hervé Collet.


* Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Estonie, Géorgie, Hongrie, Kazakhstan, Kirghizstan, Lettonie, Lituanie, Macédoine, Moldavie, Ouzbékistan, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Russie, Serbie-et-Monténégro, Slovaquie, Slovénie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine. Pour mémoire : l'Allemagne de l'Est a été très rapidement intégrée à l'Allemagne fédérale, et la Tchécoslovaquie s'est scindée en deux États le 31 décembre 1992.

Article rédigé pour le numéro spécial de la Lettre du COLISEE (numéro 50, daté de décembre 2004) : "15 ans d'évolution de l'Europe centrale et orientale depuis la chute du Mur de Berlin".



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