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Vu de Moscou : Pas de "révolution orange" en Moldavie (février 2005)


vendredi 11 février 2005

Les élections parlementaires en Moldavie sont fixées au 6 mars 2005. Après la "bataille pour l'Ukraine", la grande question de l'agenda politique moldave est celle de l'exportation de la "révolution orange" vers ce pays, un des plus pauvres d'Europe.

Il y a un mois, les Démocrates chrétiens (ex-Front populaire), la principale formation d'opposition, a fait de l'orange la couleur de sa campagne publicitaire. Sur des posters, calendriers et tracts électoraux, Iurie Rosca, le président du Parti populaire chrétien démocrate, pose à côté de Viktor Youchtchenko. Tout comme son entourage immédiat, Rosca déclare qu'en cas de "pressions administratives" de la part du pouvoir en place, ils seront prêts à suivre la voie ukrainienne.

Igor Botsan, directeur de l'Association pour la Démocratie participative, dit que "les partis d'opposition ont vite réalisé comment des symboles peuvent mobiliser les électeurs et se sont armés de cette expérience". Mais les symboles des Démocrates chrétiens suscitent des inquiétudes du pouvoir. Le président du pays, Vladimir Voronine, a déjà qualifié la campagne des DC d' "épidémie orange".

A première vue, tous les signes de la "situation révolutionnaire" sont déjà constatés en Moldavie. Dans ce pays, comme dans tous les États post-soviétiques ayant connu des révolutions de velours, la principale ligne de démarcation passe entre les ex-communistes et les nationaux démocrates. Mais la palette politique moldave est de loin plus variée et ne se résume pas, à l'opposé de la Géorgie et de l'Ukraine, à un face-à-face entre les ex-communistes et les démocrates nationalistes. Par exemple, les centristes, du bloc électoral de la Moldavie démocratique, dirigé par des politiques influents comme le maire de Chisinau, Serafim Urechean et l'ex-premier ministre Dumitru Braghis, représentent une force sérieuse. Leur slogan : quitter la CEI. Et pourtant, ils ne sont pas considérés comme des "patriotes roumains". D'autre part, les centristes sont nettement plus disposés à rompre avec le passé soviétique que ne l'est le Parti des communistes de Moldavie, aujourd'hui au pouvoir.

La Moldavie est une république parlementaire et, de ce fait, la lutte politique n'y sera pas aussi nettement "bipolaire" que dans d'autres Etats de l'espace post-soviétique. Par conséquent, la "révolution" en Moldavie se déroulera, plutôt, dans des cabinets et non sur la place, sera celle de négociations et de conciliation. A Chisinau, le compromis jouera un rôle plus important qu'aux élections présidentielles ukrainiennes. Et il se peut que les politologues parlent un jour d'une révolution orange-citron (la couleur citron symbolise les centristes moldaves).

A l'opposé de l'Ukraine, il n'y a pas de forces prorusses en Moldavie. Le mouvement Ravnopravié (Egalité en droits) est parfaitement régional. A l'opposé de l'Ukraine, il n'y aura donc pas, sur le terrain moldave, d'une confrontation entre la Russie et l'Occident. Et le Kremlin n'a pas d' "hommes à lui" en Moldavie. Les espoirs de Moscou sur Vladimir Voronine comme un politique prorusse se sont dissipés définitivement. En 2001, les élections parlementaires moldaves ont été remportées par les communistes sous des slogans de politique de responsabilité sociale, d'intégration avec la Russie et de rejet des excès de la période d'autodétermination ethnique de la première moitié des années 1990. Mais tant Voronine que les communistes, se sont vite transformés en "étatistes nationalistes" défendant l'intégrité territoriale de leur pays et ont torpillé le plan de Moscou de règlement en Transnistrie (plan de Dmitri Kozak).

Quant à leur radicalisme, certains propos et certaines démarches de l'équipe de Voronine à l'égard de la Transnistrie dépassent les slogans analogues du Front populaire moldave du début des années 1990. Voronine est un partisan actif de l'intégration européenne et de refrènement des "velléités impérialistes" de la Russie (plutôt virtuelles dans le cas moldave). Le président moldave est aussi partisan de l'internationalisation du conflit sur la Rive gauche du Dniestr (en Transnistrie). Ce qui veut dire que, pour l'Union européenne et les Etats-Unis, le communiste Voronine n'est pas un "enfant terrible", comme le sont Leonid Koutchma ou Alexandre Loukachenko. Son remplacement par Iurie Rosca, qui exploite la phraséologie nationaliste et les idées d'intégration avec la Roumanie, n'apportera pas de résultats aussi évidents comme dans le cas de Viktor Youchtchenko. Dans le règlement du conflit ethnique sur le Dniestr, Voronine agit dès à présent comme un "révolutionnaire de velours". Conséquence, les élections parlementaires seront une dispute entre "pro-occidentaux", dans laquelle le passé de Voronine sera son principal défaut.

La mise en place d'un pouvoir à l'issue des élections parlementaires contribuera à raffermir, sur le sol moldave, le phénomène de "balançoire politique". Quatre ans après, les slogans sous lesquels les communistes ont remporté les élections de 2001 ne sont plus sollicités. Raison pour laquelle la victoire, en 2005, des forces anticommunistes serait moins le résultat d'une révolution que du mouvement en sens inverse de la balançoire politique. L'équipe de Voronine n'a pas réalisé les attentes sociales, ce qui veut dire que le tour d'autres forces politiques est venu. Mais une révolution n'est pas obligatoire.

Toutes les forces politiques moldaves ont un consensus sur la question de la Transnistrie, le principal problème qu'affronte le pays. Pour le communiste Voronine, le national démocrate Rosca, le centriste Urechean, l'avenir moldave est sous le drapeau européen. Les "révolutionnaires" comme les "contre-révolutionnaires" appliqueront une politique parfaitement prévisible après les élections.

Le 6 mars 2005, la Moldavie connaîtra donc, non une révolution, mais un changement de décors. Le pays a fait son "choix de civilisation" bien avant la révolution supposée et, en ce sens, une révolution à l'ukrainienne, à Chisinau, n'aurait que peu de sens politiquement parlant. En effet, le pro-occidental Voronine devra céder la place au pro-occidental Rosca ou au pro-occidental Urechean.

Mais le départ de Voronine est objectif pour une autre raison. Premièrement, l'électorat moldave, toujours plus jeune et plus nationaliste, veut voir au pouvoir quelqu'un qui ne soit pas lié au passé communiste. Deuxièmement, il y a la loi de la balançoire politique qui bascule à droite. L'essentiel, dans cette situation, pour Voronine consiste à ne pas commettre une erreur suicidaire et à ne pas s'ingérer dans la marche objective des choses. Ainsi, les leaders du Parti des communistes de Moldavie produiront l'exemple de passation de pouvoir civilisée, par voie législative. Sinon ce changement de décors politiques pourrait être présenté comme une révolution. Sera-t-elle orange ou orange-citron ? On le verra avec le temps.

Sergueï Markedonov, expert à l'Institut d'analyse politique et militaire. RIA-Novosti/Moscou, 7 février 2005.



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