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L'acharnement judiciaire contre le journaliste Elmar Husseynov, puis son assassinat, relancent le problème de la liberté de la presse en Azerbaïdjan


samedi 5 mars 2005

Assassinat d'Elmar Husseynov : Reporters sans frontières demande la mise en place d'une commission d'enquête indépendante

Elmar Husseynov, rédacteur en chef de l'hebdomadaire d'opposition Monitor, a été assassiné, le 2 mars 2005, vers 21 heures, à la sortie de l'ascenseur menant à son appartement.

"Nous sommes bouleversés par cet assassinat que rien ne saurait justifier. La violence à l'égard des journalistes, perpétrée depuis plusieurs mois en Azerbaïdjan, vient d'atteindre son paroxysme avec cet acte particulièrement odieux. Nous rappelons qu'Elmar Husseynov a été victime d'un harcèlement constant depuis plusieurs années de la part des autorités. Nous attendons de ces dernières qu'elles rompent immédiatement cette spirale de la violence contre la presse. Nous demandons au président Ilham Aliev la mise en place d'une commission d'enquête indépendante, afin d'identifier les auteurs et les commanditaires de cet meurtre", a déclaré Reporters sans frontières.

Il s'agit du premier cas de journaliste assassiné en Azerbaïdjan.

L'assassin a tiré sur Elmar Husseynov à sept reprises et deux balles auraient touché le coeur. Selon Sabir Husseynov, le père de la victime, une panne de courant et de téléphone serait survenue à l'étage où habite son fils, quelques minutes avant le meurtre. Il aurait également entendu un bruit sourd dans l'entrée. C'est en ouvrant la porte de son appartement qu'il aurait trouvé son fils étendu sans vie sur le sol. Selon l'agence de presse locale Turan, une balle aurait été tirée dans la bouche de la victime, ce qui pourrait signifier selon le code de la mafia "Nous te punissons". Un pistolet équipé d'un silencieux aurait été trouvé à 150 mètres du lieu du crime. Des expertises balistiques et médico-légales sont actuellement en cours. Une enquête criminelle a été ouverte le 3 mars par le procureur général d'Azerbaïdjan, pour "meurtre prémédité commis avec atrocité particulière" et "possession illégale d'arme à feu" (articles 120.2.4 et 228 du code pénal).

Le rédacteur en chef de Monitor (publié en russe, 5 000 exemplaires) avait mené de nombreuses enquêtes sur des affaires de corruption ou d'abus de pouvoir touchant directement les membres du gouvernement et le président Ilham Aliev lui-même. Les médias indépendants considèrent que le meurtre du journaliste est directement lié à ses activités journalistiques. « Il s'agit d'un avertissement des autorités à tous les journalistes et notamment à la presse d'opposition. Nous venons de franchir un cran supplémentaire dans la répression des autorités à l'encontre des journalistes », a confié un journaliste de Bakou, sous le couvert de l'anonymat. "Je ne sais pas qui exactement a donné l'ordre de commettre ce meurtre, mais c'est quelqu'un du gouvernement. Nous nous attendions à cela, mais pas aujourd'hui", a déclaré à l'Agence France-Presse (AFP) le père de la victime. Elmar Husseynov n'avait pas fait part à ses proches de menaces particulières les jours qui ont précédé sa mort. Il revenait de Belgique, après avoir participé à un programme de l'ONU, destiné aux journalistes.

Le journaliste assassiné était constamment harcelé par les autorités depuis quelques années. En 2001, il avait été condamné à six mois de prison après un procès pour "diffamation" engagé par Gadjibala Aboutalibov, le maire de Bakou. Le 29 juillet 2002, Elmar Husseynov avait été condamné pour "diffamation" à payer une amende de 10 000 euros et à publier un démenti. Le ministre de la Défense, Safar Abiyev, avait porté plainte suite à la publication d'un article critique à l'égard de l'armée. Le 4 avril 2003, la cour de Yasamal avait condamné Elmar Husseynov à payer une amende équivalant à 4.500 salaires minimaux (4.600 euros environ) en vertu des articles 147.2 et 148 du code pénal pour "diffamation" et "insulte à l'honneur et à la dignité". Le 16 octobre 2003, le journaliste avait été frappé par les forces de l'ordre alors qu'il couvrait pour l'agence Turan les manifestations qui suivirent l'élection présidentielle et qu'il faisait partie d'un groupe de journalistes clairement identifiables. Le 18 janvier 2005, le tribunal de Nizami à Bakou avait sommé Elmar Husseynov de payer 15.000 euros d'amende sous peine de voir sa responsabilité pénale engagée. Par ailleurs, Akper Hasanov, journaliste de Monitor, avait été séquestré par des militaires, le 2 février 2005, au quartier général militaire de Bakou. Les forces de police l'avaient obligé à affirmer par écrit que son article intitulé "Si la guerre éclatait demain", publié le 29 janvier 2005, avait été en fait écrit par Elmar Husseynov.

"Le chef de l'Etat a ordonné la résolution rapide de ce meurtre et des contrôles sur les conditions dans lesquelles sera menée l'enquête", ont indiqué les services de sécurité, le ministère de l'Intérieur et le parquet, dans un communiqué conjoint. Une commission d'enquête a été constituée et l'enquêteur du bureau de police de Nizami à Bakou, Maïr Mouradov, a déclaré à l'AFP que toutes les pistes étaient étudiées, y compris un possible lien entre le meurtre et les activités professionnelles d'Elmar Husseynov.

"C'est une grave provocation contre l'Etat et son autorité, une attaque contre l'évolution démocratique de l'Azerbaïdjan où la situation socio-politique est stable", a déclaré à l'AFP le service de presse du président Ilham Aliev.

RSF/3 mars 2005


Les autorités sur la sellette

Plus de 5 000 personnes ont assisté, le 4 mars à Bakou, aux funérailles d'Elmar Husseynov. L'opposition, qui a accusé ouvertement le pouvoir d'être impliqué dans l'assassinat du journaliste, a participé en masse à l' enterrement. Lors d'une cérémonie organisée dans le bâtiment de l'Académie des Sciences de Bakou en hommage au journaliste assassiné, Ali Kerimli, chef de file du parti d'opposition du Front Populaire, a annoncé : "Tout le monde sait à quel point il est difficile de dire la vérité dans ce pays. Nous donnons deux semaines aux autorités pour trouver les tueurs".

Les institutions européennes ont par ailleurs, unanimement condamné le meurtre du rédacteur en chef de Monitor. Le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Terry Davis, a déclaré, dans un communiqué diffusé le 3 mars : "Je suis choqué par le meurtre brutal d'Elmar Husseynov, qui a tout l'air d'un crime commandité, et je le condamne de la plus ferme manière". Il a lancé un "appel aux autorités azerbaïdjanaises" pour que les responsables soient traduits en justice.

Le président Ilham Aliev a démenti, le 3 mars, toute implication des autorités dans ce meurtre et dénoncé les "organisateurs de ce crime" qui, selon lui, tentent de "nuire à l'image de l'Azerbaïdjan à l'étranger".

RSF/4 mars 2005


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