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Croatie : un retour timide vers le plurilinguisme ? (2005)


jeudi 14 avril 2005

Depuis le début du siècle nouveau, la Croatie devient une destination de voyage de plus en plus attirante pour les Français, qui semblaient avoir oublié la côte Adriatique pendant presque une décennie. Des sections bilingues croate-francais s'ouvrent timidement.

Au cours des trois dernières années, le nombre de touristes venant de l'Hexagone a pratiquement doublé chaque année en Croatie : si les francophones restent encore loin derrière d'autres, comme les Allemands, leur progression est celle qui a le rythme le plus élevé. Néanmoins, malgré la venue importante de millions de touristes de diverses origines et de diverses langues, la Croatie semble s'être mise à vivre sous un régime linguistique caricaturant la situation qu'on peut observer dans d'autres pays d'Europe centrale, avec l'omniprésence de la langue anglaise, considérée par beaucoup comme une porte nécessaire et suffisante vers l'extérieur. Même l'allemand, à la place historiquement forte dans ce pays, aux confins de l'Europe centrale et de l'Europe du Sud, voit le nombre d'élèves qui l'apprennent et de personnes qui le parlent prendre une courbe descendante, en partie au profit de l'italien, considéré comme plus facile…

Le (re)démarrage de sections bilingues

Si les gouvernements en place sous la présidence du père de l'indépendance Franjo Tudjman encourageaient cette situation ou s'en satisfaisaient, ceux qui sont en place depuis le début des années 2000 semblent prêts à réagir et à diversifier les langues étrangères présentes dans le système scolaire et dans la société. Dès 2001, l'ambassade de France propose, dans le cadre d'un programme de relance du français, de rouvrir la section bilingue franco-croate qui avait fonctionné brièvement au lendemain de la fin du système communiste. L'Alliance française de Zagreb (notamment par la voix de sa présidente, Ivana Batusic) et la Faculté des lettres de Zagreb, (notamment Yvonne Vrhovac, professeur de didactique du français), apportent leur soutien au projet, qui démarre effectivement en 2002. La solution retenue est un programme en quatre ans accessible à des élèves ayant déjà appris le français avant l'entrée au lycée (soit sur l'ensemble de leurs huit années de scolarité dans des écoles avec enseignement " précoce " du français, soit à partir de la 4e année). Ce choix limite évidemment le champ de recrutement et aboutit à des classes aux effectifs réduits et néanmoins relativement hétérogènes linguistiquement, même si la procédure de sélection repose à la fois sur le dossier scolaire (exigence d'une note moyenne suffisamment élevée, système en vigueur pour l'accès au lycée) et sur un test de connaissances accessible à partir d'une note minimale de français obtenue en 8e année d'école fondamentale (le niveau de compétence est défini par référence à certaines épreuves du DELF 1er degré, plus tard du DELF scolaire). Plusieurs missions d'inspecteurs généraux ou d'inspecteurs de l'éducation nationale sont diligentées à l'initiative de la partie française et le choix des matières enseignées en français (outre l'histoire et la géographie, considérées comme nécessaires) se fait notamment en fonction des professeurs croates aptes à enseigner d'autres disciplines en français. Sont enseignées à ce jour la physique, l'histoire de l'art et la sociologie. Les contenus et les horaires de référence restent les programmes officiels des " lycées de langue " croates, même si la réalisation est évidemment spécifique. […]

Un souci de plurilinguisme

Ce programme est caractérisé également par ses volets éducatifs, jugés essentiels. Dès l'origine, une collaboration avec la section bilingue germano-croate implantée dans le même établissement a été posée comme un élément constitutif, même si l'apprentissage systématique de l'allemand par les élèves de la section française (et réciproquement) n'a pas été retenu. […]

Le projet de diplôme de fin d'études secondaires " maturité bilingue ", proposé par la France, est freiné par la réforme en cours visant à instaurer une " maturité d'État " commune à tous les lycées d'une même catégorie. Le ministère croate de l'éducation ne semble pas prêt à instaurer une exception concernant les sections bilingues. On se dirige donc, après des discussions menées en octobre 2004, vers des épreuves spécifiques en langue étrangère qui ne se substitueraient pas aux épreuves nationales communes, mais s'y ajouteraient, pour permettre la délivrance d'une mention particulière et la remise du certificat signé par l'Ambassadeur de France.

Des extensions possibles

À l'initiative de la France, une seconde section bilingue est mise en place depuis la rentrée 2004 dans un second établissement de Zagreb. En effet, le Lycée XVIII, qui accueille la première classe, est situé dans le nord de la ville. Or, la majorité des classes primaires avec enseignement précoce sont situées dans les quartiers urbanisés plus récemment, à Novi Zagreb, sur la rive sud, et le Lycée XVIII n'est pas facilement accessible par les élèves issus de ces écoles. C'est donc le Lycée IV, autre " lycée de langue " réputé, disposant lui aussi d'une section germano-croate, qui a accepté d'ouvrir cette seconde section (qui démarre avec une demi-classe).

D'autres projets sont en phase d'étude, comme l'ouverture d'une troisième section bilingue à Split, plus grande ville de Dalmatie, où existe également une Alliance française dans laquelle sont organisés des événements culturels français comme " la soirée de la chanson française ", attirant de nombreux jeunes. Cette nouvelle section pourrait fonctionner, comme les deux premières, dans un " lycée de langue " ou, pour répondre aux besoins spécifiques d'une région largement orientée vers le tourisme, au sein d'un lycée hôtelier. […]Le développement de l'enseignement bilingue, encore modeste, n'est qu'un volet du programme de promotion du français en milieu scolaire, qui vise à renforcer la place de cette langue dans les écoles croates, notamment en y implantant le DELF. Sa promotion s'inscrit en effet dans la campagne générale présentant l'intérêt de l'apprentissage du français à la veille de l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne, liée également à la demande du statut d'observateur au sein de l'OIF, sans négliger le nombre rapidement croissant de Français séjournant en Croatie. Un des éléments de cette promotion a été l'accueil au printemps dernier, à l'occasion de la journée de la Francophonie, par le Président de la République de Croatie, Stjepan Mesic, d'un groupe d'une trentaine d'élèves et d'étudiants croates, pour une " conférence de presse " au cours de laquelle le Président a largement évoqué les raisons pour lesquelles il appuie le renforcement de l'enseignement de langues autres que l'anglais et l'enseignement bilingue, en montrant l'exemple puisque sa propre petite-fille est inscrite dans la première section bilingue franco-croate...

Alain Schneider, attaché de coopération linguistique et éducative à Zagreb

Publié avec l'aimable autorisation de la revue Le Français dans le monde (Janvier-février 2005) - N°337

27, rue de la Glacière, 75013 Paris



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