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Un appel de personnalités françaises pour la Constitution européenne : partager le oui avec les Européens


jeudi 14 avril 2005

L'Europe est un projet révolutionnaire qui force l'envie dans le monde entier : bâtir une Communauté de peuples dans laquelle chacun enrichit son identité en s'ouvrant aux autres, et qui ensemble partagent un destin.

L'Europe est un processus : Europe des Etats bâtie par des dirigeants éclairés, elle veut aujourd'hui franchir l'étape d'une Constitution pour devenir une Europe des peuples mue par les citoyens. Et elle entreprend une réunification historique qui ne saurait réussir sans la formation d'une conscience commune.

Qui a voulu une Constitution ? Ceux qui ont porté la conscience et la volonté d'une Europe unie : militants associatifs, syndicalistes européens et des hommes politiques, fédéralistes ou non. Le projet que nous sommes appelés à ratifier est le fruit d'une méthode rompant avec celle qui régissait l'élaboration des traités antérieurs : une Convention d'élus nationaux et européens, ouverte à la société civile et transparente.

Certes le résultat est un compromis entre les préférences nationales, mais c'est normal : tous les Européens ne sont pas Français ! Il s'agit aussi de beaucoup plus : l'acte de naissance d'une Union politique originale. Non pas un Etat supranational, mais un contrat pour une Europe démocratique, celle des droits fondamentaux, de la sécurité et de l'unité d'action dans le monde. Comme tel, il sera un levier pour réussir à partager des projets et des actes. Et d'abord bâtir la solidarité avec les pays qui nous rejoignent. Comment ne pas entendre ici le message de Jean-Paul II : n'ayez pas peur ! L'ouverture nous enrichit de l'apport des autres. Plus tard nous verrons s'il faut et comment nous ouvrir à d'autres peuples comme les Turcs et les Ukrainiens. Ne nous enfermons pas maintenant dans la question des frontières !

Ce projet de Constitution n'est pas un socle pour cinquante ans : il saura évoluer au rythme des progrès de la conscience et de l'engagement des Européens, à commencer par nous-mêmes, qui devrions nous interroger sur la faiblesse de notre implication.

Dans une Europe vieillissante, menacée dans sa prospérité, nous devons impérativement redéfinir nos rapports sociaux et bâtir une véritable Union économique, en relevant trois défis. Construire le marché unique continental, indispensable pour la prospérité, mais en l'associant à des biens publics européens ; former une société civile européenne, promouvoir la mobilité, avec des entreprises européennes pratiquant le dialogue social et le partenariat ; mettre en œuvre des politiques communes, en dotant l'Union des outils nécessaires, à commencer par un Budget.

Tous ces combats sont engagés. On ne peut les gagner contre les souverainismes nationaux que par un engagement européen accru, utilisant à fond le potentiel démocratique de la Constitution. Certes, la troisième partie du projet qui concerne les politiques de l'Union ne change pas grand-chose à l'Union économique actuelle. Mais si se développe un mouvement d'opinion constructif et puissant, les verrous sauteront. Prétendre que le projet de Constitution est ultra-libéral est un mythe français ; de l'autre côté de la Manche, les journaux le jugent beaucoup trop socialiste. Ne trichons pas : les Français ne rechignent pas à bénéficier des avantages du marché, alors qu'ils acceptent moins facilement la concurrence et donc la nécessaire compétitivité. La Confédération européenne des syndicats - à la quasi unanimité de 75 confédérations nationales sur 78, représentant 60 millions de salariés - a dit oui à la Constitution. Comme nombre d'acteurs qui participent à la construction de l'Europe, elle connaît le prix d'un compromis positif et a acquis le sens des responsabilités. Il serait sain que les Français puissent entendre ce que ces acteurs ont à dire, de façon à rectifier les tromperies de la coalition des non, dont beaucoup n'ont jamais participé à la tâche européenne.

L'Europe humaniste retient son souffle et espère en la France. Saurons-nous retrouver l'esprit des Lumières, puiser dans nos valeurs pour honorer notre rendez-vous avec l'Europe ? Un examen de conscience n'est pas superflu pour y parvenir. Qui est responsable de nos problèmes intérieurs, l'Europe ou nous-mêmes ? Il est grand temps d'y réfléchir. Le peuple français n'a jamais eu vraiment à choisir l'Europe : ses dirigeants l'ont fait pour lui, avec son accord implicite, en la présentant trop souvent comme une contrainte et non pas principalement comme une chance. Ainsi, l'Etat a fait écran entre les citoyens et l'Europe, négligeant ses devoirs d'information, d'éducation et de consultation, sans lesquels les gens ne peuvent participer. Aujourd'hui la difficulté et parfois la rupture de la relation entre les citoyens et les dirigeants politiques font très mal dans notre pays de culture fondamentalement délégataire.

Mais cessons de justifier les mécontentements en tous genres qui cherchent un exutoire dans un vote négatif. Faut-il inciter les gens qui souffrent à se tirer une balle dans le pied ? Faut-il flatter les tendances corporatistes pour qui l'Europe sociale n'est que la défense égoïste de nos acquis ? Faut-il être complaisants envers une radicalité sans projet ?

L'immense majorité des Français doit prendre conscience que dire non aurait un coût considérable pour la France et l'Europe. Croire que le non ouvrirait une renégociation à notre avantage est une pure illusion. Soit le processus de ratification continuera : dans d'autres pays la ratification a déjà eu lieu et d'autres souhaitent se prononcer. Et si un grand nombre ratifie, c'est nous qui serons appelés à rectifier notre choix. Soit le gouvernement anglais et d'autres trouveront leur intérêt dans le vote négatif de la France, parce qu'ils veulent pour l'Europe un marché sans société, et ils pourraient proposer de s'en tenir au Traité de Nice, qui bloque quasiment toute avancée de politique commune. De toutes façons, l'Europe continuera avec une France affaiblie, en proie à une crise politique intérieure grave. Si la Constitution était remisée, en raison des replis nationaux, la crise du système politique européen s'aggraverait. Nous serions renvoyés en arrière, aux prises avec les rivalités et les paralysies d'un système institutionnel obsolète.

Allons-nous tourner le dos aux valeurs fondatrices de l'Union européenne, auxquelles la France a su contribuer ? Ruiner des années d'efforts visant à donner un nouvel élan à la Communauté ? Ou, en nous ressaisissant, allons-nous partager le oui avec les Européens, ce qui en retour grandira notre image et notre influence ?

Pour Confrontations Europe, le 7 avril 2005.

Claude Fischer, Jean Gandois, Philippe Herzog, Jacques Maire, Francis Mer, Edgar Morin, Jean Peyrelevade, Franck Riboud, Alain Touraine, Jean-François Trogrlic.

Le COLISEE s'associe à cet appel, au nom des solidarités européennes qu'il défend depuis dix ans.



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