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Les enjeux des élections législatives en Bulgarie (2005)


lundi 25 avril 2005

En accord avec les différentes forces politiques, le président de la République a fixé la date des prochaines élections générales en Bulgarie au 25 juin 2005. Elles se dérouleront à la représentation proportionnelle - avec un seuil de 4 % - dans le cadre de 31 circonscriptions électorales. Tous les grands partis politiques affûtent leurs argumentaires et présentent leurs listes de candidats devant l'opinion.

L'enjeu est de taille : le gouvernement qui sortira des urnes sera celui qui fera entrer la Bulgarie dans l'Union européenne le 1er janvier 2007. Au fil des semaines, la bataille électorale devient de plus en plus acharnée car plusieurs sondages indiquent qu'aucun parti n'est actuellement en mesure de remporter une majorité absolue au Parlement. On peut donc légitimement se poser la question de savoir qui gouvernera en Bulgarie dans quelques mois : une coalition de centre gauche dirigée par le parti socialiste ou une coalition de centre droit emmenée par le parti actuellement au pouvoir, le mouvement national Siméon II ? Déjouant certains pronostics, quelques surprises ne sont pas à écarter.

La tâche de la quarantième Assemblée populaire de Bulgarie devrait être historique. Elle sera celle qui désignera le prochain gouvernement - et donc le Premier ministre - qui fera revenir la Bulgarie dans le giron de l'Europe. Sur un plan symbolique, cette mission restera unique. Plus concrètement, elle devrait avoir pour vocation de poursuivre plus ou moins vite - la question essentielle est là - les réformes défendues par les deux précédents gouvernements libéraux, celui de I. Kostov (1997-2001) et celui de S. de Saxe-Cobourg (2001-2005) et surtout d'entamer les dernières réformes - ce sont bien évidemment les plus difficiles - qui restent à mettre en oeuvre.

Ces élections ont également une portée européenne : c'est le prochain gouvernement qui nommera le futur « commissaire » bulgare à la Commission européenne. Quant à la représentation bulgare (constituée de dix-huit députés) au Parlement européen, elle sera proportionnelle aux résultats de ces élections nationales. Les enjeux de pouvoir sont donc très importants et attisent les appétits.

En attendant que l'opinion publique se prononce et que le verdict des urnes tombe, les partis politiques - toutes tendances confondues - ont la redoutable mission de regagner la confiance des électeurs déçus par les multiples promesses non tenues depuis quinze ans et surtout fatigués par le fardeau d'une « transition » qui n'en finit pas. La participation électorale sera un bon test de la mobilisation de l'opinion et, par voie de conséquence, de la légitimité du futur gouvernement dans le pays et de sa crédibilité à l'étranger. Les premiers sondages indiquent que, pour l'instant, l'abstention devrait rester élevée (environ 30-35 %) sans atteindre le niveau record des dernières élections locales de 2003 (70 %). Ce mauvais indice de la participation électorale, récurrent il est vrai dans la majorité des pays d'Europe post-communiste, est à mettre au débit d'une classe politique bulgare qui est perçue, à tort ou à raison, comme souvent intéressée - voire corrompue -, versatile et peu crédible.

Aux dernières élections législatives de 2001, la plus grande préoccupation des bulgares était le chômage, qui atteignait officiellement plus de 18 %. Il tourne en 2005 autour de 12 %. Désormais, ce problème est relégué après celui que posent la sécurité des biens et des personnes et l'incapacité récurrente du système judiciaire à fonctionner normalement. Dans ce domaine, malgré la mise en œuvre de quelques réformes de première nécessité par le gouvernement de Siméon de Saxe-Cobourg, la Cour constitutionnelle bulgare a décidé que seule une Assemblée Constituante (spécialement élue à cet effet) pourrait modifier la structure actuelle de l'organisation du système judiciaire. Cette élection qui se profile à l'horizon de quelques mois sera d'ailleurs un test pour la nouvelle équipe dirigeante dans la mesure où l'Union européenne a clairement fait savoir qu'elle avait toujours la possibilité de repousser d'une année l'entrée définitive de la Bulgarie si cette réforme de structure n'était pas entreprise.

Depuis deux ou trois ans déjà, tous les sondages d'opinion indiquent que le parti socialiste (PSB/BSP) va arriver en tête aux prochaines élections générales. Il est désormais suivi depuis l'automne 2004 par le Mouvement national Siméon II (NMS-II/NDSV) et des Forces démocratiques unies (UDF/ODS), tous les deux de « centre droit ». Viennent ensuite le Mouvement pour les droits et la liberté (MRF/DPS), qui représente les minorités turques et musulmanes de Bulgarie, et d'autres petits mouvements issus de scissions de l'UFD/ODS dont les Démocrates pour une Bulgarie forte ( DSB/SSD) de l'ancien Premier ministre libéral, I. Kostov ou l'Union populaire bulgare (BPU), une petite coalition formée par le parti agrarien de Madame A. Mozer (BZNS-PU), l'Union des démocrates libres du maire de Sofia, S. Sofianski et d'un groupuscule, le VMRO.

Quand on lit les programmes des partis politiques bulgares - du moins ceux des cinq ou six d'entre eux qui prétendent être en mesure de recueillir suffisamment de suffrages pour être représentés au parlement - on est frappé par l'absence totale de mesures vraiment concrètes visant à l'amélioration du niveau de vie des citoyens. Le langage employé - totalement abscons pour l'électeur bulgare moyen - consiste à utiliser un galimatias socialisant pour les uns, à connotations libérales pour les autres. La cassure sémantique semble flagrante entre des élites politiques manifestement déconnectées de certaines réalités et une large partie de l'opinion stressée par les multiples ruptures induites par la transition. On s'engage à :
-  se prononcer pour le maintien du « Currency board » jusqu'à l'entrée de la Bulgarie dans la zone euro (fixée à 2009),
-  « préserver la stabilité sociale et économique »,
-  « respecter le développement économique correspondant aux critères de l'Union monétaire européenne »,
-  « promouvoir le plein emploi dans le cadre de la stratégie de Lisbonne »,
-  « poursuivre la coopération avec le FMI »,
-  « garantir l'accessibilité aux soins »
-  ou encore, dans le cadre d'un « gouvernement socialement responsable », « mettre en place des politiques de développement social visant à atteindre les standards du niveau de vie européen »
-  - et « créer 240.000 emplois dans les quatre prochaines années pour limiter le chômage à 10 % en fin de législature ».

Le parti socialiste - car c'est de lui qu'il s'agit ici - ne dit pas comment il va s'y prendre pour concilier ses engagements généreux tout en respectant les directives du FMI. On cherche en vain, par exemple, quelles sont concrètement ses propositions concernant la réforme du système de santé et qui va la payer. Promettre la gratuité des livres scolaires, du petit déjeuner et des transports dans l'éducation secondaire part d'un excellent sentiment tout comme proposer des crédits et des bourses pour les étudiants suivant un cursus à l'étranger mais avec quelles ressources les financera t-on ? Qui va payer plus d'impôts quand ce même parti se plaint que l'immense majorité des Bulgares vit quasiment à la limite du seuil de pauvreté ?

À droite, les Forces démocratiques unies, par exemple, ne font guère mieux dans la « langue de bois technocratique ». Le 30 mars dernier, lors de la présentation du programme économique, sa présidente, N. Mihailova, a insisté sur dix mesures essentielles :
-  « donner plus de libertés économiques de manière à promouvoir et à soutenir ceux qui veulent entreprendre »
-  « accélérer le développement économique du pays qui est la seule façon d'augmenter les revenus et d'améliorer le niveau de vie des gens »,
-  « réduire les impôts et les cotisations sociales qui vont stimuler l'emploi, les entreprises, l'épargne et les investissements, diminuer la place de l'économie « grise » et augmenter les revenus moyens »,
-  « optimiser les dépenses de l'Etat, diminuer celles-ci en réduisant par exemple la bureaucratie, en augmentant l'efficacité des entreprises d'Etat et en réduisant les subventions qui leur sont allouées »,
-  « promouvoir la transparence des privatisations en ayant systématiquement recours aux appels d'offre »,
-  « accroître le système privé des pensions de retraite »,
-  « améliorer le système de santé et de l'éducation »
, etc., etc.

En ce qui concerne le NDSV, la stratégie est un peu différente. On pourrait dire qu'il a l'inconvénient (ou l'avantage) d'avoir un « bilan ». S'il promet quelque chose, c'est de poursuivre son action ! Si les institutions internationales - toute proportion gardée - ne tarissent pas d'éloges sur ses résultats économiques, une grande partie de ses électeurs lui reproche de ne pas avoir amélioré suffisamment leur niveau de vie. Les quelques hausses de salaires consenties ont été rapidement effacées par des hausses concomitantes du prix de l'énergie (chauffage, électricité) ou des services. L'annonce faite en juin 2004 - de portée électoraliste il faut en convenir - de revaloriser de l'ordre de 25 % le salaire minimum à compter de janvier 2005 a été refusée, par exemple, par le FMI. Il n'en demeure pas moins vrai que pour un mouvement sorti des limbes en 2001 - et immédiatement taxé de « populisme » par certains - se retrouver en deuxième position dans les sondages après quatre ans d'exercice du pouvoir dans des conditions difficiles peut s'expliquer par les résultats obtenus.

À défaut de réponses concrètes apportées aux questions précises que ne cessent de poser les électeurs, on assiste à la mise en avant de personnalités populaires. À quatre ans de distance, tous les partis imitent la stratégie du NDSV en 2001, qui avait fait appel, pour « meubler » ses listes, à quelques « stars du spectacle » et autres « personnalités médiatiques ». Le PSB présente en position éligible la double championne olympique de tir, Maria Grozdeva, l'UFD souhaite donner son investiture au footballeur Christo Stoitchkov, Le parti des Démocrates pour une Bulgarie forte pourrait nommer tête de liste à Varna la cantatrice Alexandrina Pendatchanska.

En 2004, Siméon de Saxe-Cobourg se « démarque » encore de ses adversaires et donne dans un registre apparemment plus sérieux. Il ne privera pas son parti de l'atout de la notoriété. Il a fait appel à l'homme le plus populaire de Bulgarie (avec plus de 80 % d'opinion favorable), le général Boïko Borissov, actuel secrétaire général du ministère de l'Intérieur, plus célèbre encore que le président de la République et connu pour ses prises de position brutales contre la criminalité organisée et la corruption et pour ses critiques du système judiciaire bulgare. Comme l'autorise la loi électorale, il sera tête de liste dans deux circonscriptions et devrait certainement tirer les résultats de son parti vers le haut.

Devant l'immaturité de la classe politique il est à craindre, comme l'indique Mira Yanova, directrice de l'institut de sondage MBMD, qu'une bonne partie des électeurs vote finalement pour une force politique qui est restée à l'écart du pouvoir pendant plusieurs années. Attitude simpliste et émotionnelle de l'opinion ou plutôt symptôme que la classe politique bulgare, dans son ensemble, se trouve toujours dans l'incapacité d'analyser et de diagnostiquer les problèmes et de les expliquer à la population ? M. Yanova conclut : « ce qui manque à la Bulgarie, c'est l'amorce d'un dialogue effectif entre la société et la classe politique sur la future gouvernance du pays ».

Selon les sondages - et si les élections s'étaient déroulées début avril 2005 - le parti socialiste aurait remporté 40,3 % des suffrages exprimés et un peu plus de 43 % des sièges au parlement. Comme ce n'est mathématiquement pas suffisant pour qu'il puisse gouverner seul, le PSB aurait théoriquement deux possibilités d'alliance pour former un gouvernement de coalition.

Estimations et projections en sièges au Parlement

( Les chiffres indiqués traduisent successivement : le soutien estimé, l'estimation en suffrages exprimés, l'estimation en sièges, l'estimation en % des sièges)

-  BSP (parti socialiste bulgare)  : 27,3 % - 40,3 % - 103 - 43,3 %
-  NDSV (Mouvement national Siméon II)  : 13,9 % - 20,5 % - 54 - 22,1 %
-  ODS (Forces démocratiques unies) : 10,5 % - 15,5 % - 40 - 16,7 %
-  DPS (Mouvement pour les droits et la liberté)  : 5,1 % - 7,5 % - 19 - 7,9 %
-  BPU ( Union populaire bulgare)  : 3,9 % - 5,8 % - 14 - 5,8 %
-  DSB (démocrates pour une Bulgarie forte)  : 2,8 % - 4,1 % - 10 - 4,2 %
-  NV (Temps nouveau)  : 1,2 % - 1,8 %
-  Autres partis  : 3,1 %
-  Abstention ou indécis : + ou - 32 %
-  Total des sièges  : 240

(Source : BBSS Gallup International)

La première serait de s'allier avec le DPS, ce « parti charnière » de la vie politique bulgare qui a déjà montré par le passé qu'il pouvait s'allier avec la droite ou la gauche dans la mesure où ses intérêts étaient sauvegardés. Cette solution serait a priori suffisante puisqu'elle réunirait 51 % des sièges. Elle serait néanmoins, de l'avis des spécialistes, éminemment fragile. Comme à son habitude, le DPS voudrait « monnayer » au prix fort son soutien politique indispensable. De plus, une alliance des « ex-communistes » avec « le parti des Turcs » provoquerait certainement un choc psychologique dans l'opinion qui limiterait obligatoirement la marge de manœuvre politique du gouvernement. Sur un plan intérieur, elle serait perçue comme essentiellement politicienne et briserait à coup sûr le fragile consensus sur la « règle du jeu » démocratique qui est en train de se construire dans le pays.

La seconde - la plus probable ? - serait de former une coalition avec le NDSV de Siméon de saxe-Cobourg. Cette solution aurait pour atout d'être beaucoup plus solide dans la mesure où elle réunirait environ 65 % des sièges. À ce jour, il va sans dire qu'une telle éventualité demeure du domaine de la pure spéculation dans la mesure où le NDSV a ouvertement repoussé toute forme de collaboration avec les socialistes. Mais comme le Premier ministre actuel est - selon ses propres termes - un « réaliste pragmatique », on ne peut pas écarter totalement le principe de cette « main tendue » au nom, bien évidemment, des intérêts supérieurs de la Bulgarie. Encore faudrait-il que les socialistes veuillent bien faire la même démarche. On doit garder en mémoire que lors de la formation de son gouvernement en juillet 2001, Siméon de Saxe-Cobourg avait accompli un premier pas très symbolique en « recrutant » deux maires socialistes de villes moyennes pour les nommer ministres. Par ailleurs, ses relations avec le président de la République, issu du PSB, ont été tout au long de cette législature, particulièrement courtoises, empruntes de respect mutuel et efficaces. Le dernier « geste » de Siméon à l'égard du président est éloquent : Pour manifester le consensus politique bulgare, il lui a proposé de venir signer le traité d'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne le 25 avril à Luxembourg (cf. La Bulgarie et la Roumanie signent leur traité d'adhésion à l'Union européenne (2005)).

L'alternative à ce scénario, plus ou moins dominé par les socialistes, serait la construction d'une large coalition de centre droit ajoutant à l'actuelle alliance NDSV-DPS les autres formations comme l'UFD/ODS, le BPU et le DSB. Cette coalition - si tant est qu'elle puisse se concevoir et a fortiori se faire - resterait très fragile sur le plan parlementaire puisqu'elle ne contrôlerait qu'environ 53 % des sièges au Parlement. De plus, quand on connaît la « haine » que voue I. Kostov à Siméon II - qui mit un terme à sa carrière de Premier ministre en 2001 - et le rejet politique de la personne de l'ex roi par les agrariens du BPU - républicain par anti-monarchisme viscéral - on peut raisonnablement douter de la formation et de la capacité éventuelle de survie d'une telle coalition politique. Les arrières-pensées des différents dirigeants en compétition et leurs manœuvres en coulisse aboutiraient inévitablement à la paralysie rapide de toute action gouvernementale.

Pour profiter au maximum de sa prochaine adhésion à l'Union européenne, la Bulgarie a surtout besoin de consensus politique. Au-delà des déclarations programmatiques de façade, il n'est pas certain que tous les dirigeants des partis soient intimement persuadés de cette nécessité qui se heurte souvent à leur propre survie politique (et économique !). Au lendemain des élections il sera d'ailleurs très intéressant de voir lesquels parmi les leaders en présence privilégieront l'intérêt de parti au détriment de l'intérêt national. Pour les représentants locaux des pays de l'Union européenne, il ne fait aucun doute que « le robinet des subventions » - alimentées par l'argent du contribuable européen, il ne faudrait pas l'oublier - sera plus ou moins ouvert (ou plus ou moins fermé !) selon l'engagement des acteurs des négociations vers cet objectif d'efficacité. La solidarité européenne a des limites que les Bulgares (et leurs dirigeants) doivent prendre en compte.

Le président de la République sera l'un de ces « acteurs » de la scène politique bulgare. Les politologues étrangers - rarement au fait des subtilités juridiques de la constitution bulgare - ignorent généralement cette implication du chef de l'Etat dans les négociations lors de la formation d'un gouvernement. Il s'engagera d'autant plus dans ce processus qu'il est indirectement concerné par la suite des événements. Bénéficiant depuis son élection à l'automne 2001 d'une côte de popularité tournant autour des 75-80 % de bonnes opinions, G. Parvanov va devoir faire la preuve de la finesse politique que beaucoup lui prêtent.

Que dit la Constitution bulgare au sujet de la formation d'un gouvernement ? « Après consultations avec les groupes parlementaires, [le président de la République] charge le candidat aux fonctions de Premier ministre désigné par le groupe parlementaire le plus nombreux de former le gouvernement ». En cas de majorité absolue d'un parti, le processus est alors relativement rapide. Il faut remarquer, toutefois, qu'aucun délai n'est fixé au président pour clore ses consultations avec les groupes parlementaires. Celles-ci peuvent donc, en droit, durer le temps qu'il estime nécessaire. Comme l'expérience politique récente l'a montré, les présidents de la République mettent généralement cette disposition constitutionnelle à profit pour renforcer ce que l'on pourrait appeler leur « périmètre d'autorité politique ». Lorsque le candidat désigné n'arrive pas à constituer son gouvernement en sept jours, « le président confie cette mission au candidat aux fonctions de Premier ministre désigné par le groupe parlementaire second par le nombre ». On constatera que la constitution n'interdit nullement au président d'entamer, à nouveau dans ce cas, des consultations avec les groupes parlementaires. Si le candidat désigné ne réussit pas, dans les sept jours, à former un gouvernement, « le président confie cette mission […] au candidat aux fonctions de Premier ministre désigné par l'un des groupes parlementaires suivant » qui dispose également de sept jours pour former un gouvernement acceptable par l'assemblée. Là encore, rien n'empêche le président de consulter les groupes parlementaires. Plus la situation politique est compliquée, plus son rôle devient indispensable car l'essentiel des tractations sur la composition du gouvernement (et donc sur la formation d'une coalition au parlement) se fait au cours de ces négociations à la présidence. Quand on sait que le président G. Parvanov a été président du parti socialiste avant son élection à la magistrature suprême et qu'il a su rester très proche de son successeur, un jeune historien comme lui, on peut penser qu'il conserve une capacité d'influence certaine sur ce parti qui va « gagner » les élections législatives et donc former le groupe politique le plus important au parlement.

On le devine, la palette des scénarios envisageables reste vaste. Les socialistes seront-ils en mesure de former une alliance et sur quel compromis politique et programmatique ? Avec qui et à quel prix pourrait-on ajouter ? Vont-ils se focaliser sur le poste de Premier ministre ou le laisser à leur éventuel allié pour mieux pouvoir exiger des portefeuilles ministériels importants ? Les dernières déclarations publiques du jeune président du PSB, Sergueï Stanichev, semblent indiquer que le PSB prépare son électorat par petites touches à l'éventualité d'un « partage du pouvoir ».

Quant à la « droite » en général, saura t-elle surmonter ses déchirures, ses frustrations et ses aigreurs du passé pour empêcher les socialistes de revenir au pouvoir ? Le NDSV de Siméon II saura-t-il convaincre la totalité des partenaires nécessaires et, pour ce qui le concerne également, à quel prix ? Les diverses orientations de la campagne électorale, l'agressivité des uns vis-à-vis des autres seront de bons indicateurs des résultats futurs des négociations post-électorales.

D'un point de vue politique et stratégique, on ne doit pas non plus perdre de vue que la prochaine élection présidentielle en Bulgarie est fixée à l'automne 2006. On peut parfaitement imaginer que l'actuel président soit favorable à sa propre succession pour un second et dernier mandat. Dans les négociations politiques qui vont suivre ces élections législatives, cette particularité du calendrier électoral bulgare aura certainement son importance. On sait qu'en 2001, Siméon de Saxe-Cobourg avait plutôt l'intention de briguer cette fonction. La droite lui ayant barré le chemin sur un plan juridique, avec l'aide de la Cour constitutionnelle, il avait alors créé un mouvement politique et remporté, dans la foulée, les élections législatives. Selon l'intéressé, ce n'est que par « esprit de sacrifice » qu'il avait alors été « contraint » d'accepter la charge de Premier ministre. Si le futur gouvernement se fait sans lui, rien n'empêche dans les mois qui viennent, quand celui-ci se sera un peu épuisé, que Siméon II décide de se présenter face à l'actuel président pour restaurer au sein des institutions un certain équilibre politique, monopolisé de fait par les socialistes. Il ne faut pas oublier que les socialistes ont largement remporté les élections locales de 2003 et disposeraient, en plus de leur mainmise à l'échelon central, de solides relais politique en province.

Au cours des négociations pour désigner un candidat au poste de Premier ministre, l'actuel président n'ignorera certainement pas cette « alternative » qui le concerne très directement. Il sait qu'il sera personnellement beaucoup plus exposé politiquement si le parti socialiste gouverne de manière trop arrogante ou trop ostentatoire car les promesses faites au cours de la campagne - qu'il ne peut renier - se heurteront nécessairement aux exigences de poursuite des réformes de l'Union européenne et de rigueur financière du FMI.

En attendant l'échéance présidentielle, son intérêt bien compris à court terme est double : tout d'abord, « occuper » Siméon le plus longtemps possible pour mieux tenter de le « neutraliser », « l'utiliser » ensuite pour mieux faire accepter le parti socialiste bulgare à l'étranger et « diluer » sa responsabilité sur un plan intérieur quand il faudra expliquer aux bulgares qu'il leur faut être encore « patients » et qu'ils doivent encore faire des efforts ! Devant son électorat, le président de la République pourrait toujours avancer l'alibi du compromis politique nécessaire pour rassurer l'Union européenne et qu'en conséquence un Premier ministre non issu du parti socialiste serait pour l'instant indispensable. Cette éventualité, qui n'en est qu'une parmi beaucoup d'autres, pourrait être une solution plausible pour les douze/dix-huit mois à venir.

On le voit, les élections législatives bulgares du 25 juin sont sans aucun doute à multiples détentes. Elles ne sont qu'une première étape dans un phénomène complexe de recomposition de la scène politique nationale. Dans ce contexte, il ne faudrait pas négliger l'influence de divers « groupes d'intérêts économiques » - c'est un euphémisme - qui ne vont pas manquer de se manifester d'une manière ou d'une autre en faveur de telle ou telle solution politique susceptible de ménager au mieux la poursuite de leurs activités « économiques ».

Nous ne sommes qu'au tout début de la campagne électorale puisqu'il reste environ un peu plus de deux mois avant que les Bulgares ne se prononcent. Les choses peuvent encore largement évoluer, des « coalitions électorales » se faire ou se défaire, des intérêts contradictoires se manifester, se heurter ou, au contraire, se fondre. Les différents « acteurs » de ces élections - comme on vient de le suggérer, ceux-ci ne sont pas seulement politiques mais également économiques - n'ont pas encore dévoilé tous leurs arguments et il est certain que l'on assistera a des rebondissements dans les semaines qui viennent. Le 25 juin, les Bulgares n'auront jamais eu autant leur destin entre leurs mains !

François Frison-Roche, CERSA, Université de Paris 2 - CNRS



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