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"Le Rideau de papier est/ouest de l'art contemporain" par Olivier VARGIN


mercredi 11 mai 2005

Le vide, tel est le terme qui pourrait qualifier la médiatisation - ou plutôt l'absence de médiatisation - de l'art contemporain est-européen.

Invisible dans les médias occidentaux - à l'exception de quelques apparitions furtives - rare dans les écrits et absent du marché de l'art, l'art contemporain ou la scène artistique contemporaine est-européenne, celui de Kozyra, de Tishin, de Chichkan, de Solakov, de Dopitova, de Toomik, de Grzinic… du NSK, d'Azzoro, du CUKT… vient renforcer, et ce malgré le récent élargissement (synonyme pourtant d'intégration), les rangs serrés du très méprisé « club des autres » : celui des arts autres que celui de l'Occident. Connaissez-vous, à cet égard, un artiste ou un groupe contemporain serbe, roumain, biélorusse, un mouvement ou une grande manifestation polonaise ou hongroise ?

Si cette question peut faire froncer quelques sourcils du fait de son caractère à première vue provocateur, elle nous invite cependant à s'interroger sur la nature de cette absence médiatique ainsi que sur les limites du monde de l'art occidental, du micro ou macrocosme qu'il peut constituer.

Le déficit de couverture de ce phénomène par la presse écrite (quotidiens, presse spécialisée, magazines) (1), les médias audiovisuels (2), les ondes hertziennes (3), les ouvrages savants (4) nous convie à en chercher la cause. Comment le qualifier ? Quelle est son origine : les distances géographiques (5), l'Histoire et ses aléas (6), une méconnaissance de cette région ? Une fracture politique, idéologique et socioculturelle due à tous ces phénomènes ?

Si ces diverses analyses possibles expliquent un tel vide, ne l'imputons cependant pas entièrement à l'Histoire, la géographie ou à tout autre élément d'explication. Le principal fautif pourrait bien être au final l'Homme lui-même. Capable de feindre en toute circonstance toute question ou problématique susceptible de remettre en question ses théorisations, ses certitudes, voire sa propre personne, l'Homme (occidental et ouest-européen notamment) a esquivé et contourné durant près d'un demi-siècle ses propres voisins et amis pour des raisons restant à ce jour encore obscures . Pourquoi ce choix ? Avait-il la latitude de faire ce choix ? N'avait-il pas en main d'autres alternatives ? Si oui, lesquelles ?…

Laissons aux théoriciens, historiens et passionnés de culture le soin de donner des réponses à ces nombreuses et intrigantes questions. L'heure n'est plus à l'ouverture d'enquêtes rétrospectives, mais à la nécessité pour le citoyen ouest-européen de revoir son comportement et son attitude vis-à-vis de l'Est de l'Europe, par une « réelle » volonté d'échange, de promotion, de diffusion et de reconnaissance afin d'effacer ce « Rideau de Papier » ou ce « Mur du son ». Il est temps d'avancer, enfin ensemble, dans le pluralisme cher à l'Europe, sur des valeurs communes, vers une grande direction : l'Europe des cultures, l'Europe de la Culture, l'Europe Culturelle et l'Europe des Arts.

Olivier Vargin, doctorant en Esthétique et Sciences de l'Art à l'Université de Provence


Notes

(1) Seuls quelques grands magazines d'art ont évoqué de manière plus ou moins éparse et diffuse l'art de cette région d'Europe par le biais d'un dossier consacré à un artiste, un groupe ou mouvement, et plus rarement l'art d'un pays est-européen. Pensons à Art Press (numéro consacrant un dossier à ce sujet : Roman Opalka, Piotr Uklanski, Katarzyna Kozyra…), Beaux-Arts magazine (Revue Beaux-Arts magazine, n° 239, avril 2004 « L'Europe à 25 - La culture d'Est en Ouest » p. 66-67 ; hors-série (avec Nowa Polska) : La saison polonaise, mai 2004) ; revue Culture-Europe ; la Lettre et le site Internet du COLISEE…

(2) Exception faite de certaines chaînes publiques TV, telles que France 5 ou ARTE, qui évoquent de temps à autres l'art de cette région par le biais d'un reportage, d'un dossier, d'une interview avec un élément est-européen.

(3) Exception faite des radios de nature « ouverte », telles que France Culture.

(4) Il existe très peu d'écrits (scientifiques ou non), occidentaux et même locales, sur cet art. Si l'on tentait de faire un recensement en France du nombre d'écrits portant sur l'art est-européen, on trouverait :
-  Pas plus de quatre ouvrages en anglais : Badovinac Zdenka. (2002). Body and the East. From the 1960s to the Present, The MIT Press ; After the Wall/ Art and Culture in post-communist Europe. 1999, Ed. Bojana Pejic and David Elliot, Moderna Museet, Stockholm ; Aspects/Positions. 50 Years of Art in Central Europe, 1949-1999. 2000, Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig Wien ; The Kunsthalle Fridericianum, the exhibition entitled in the gorges of the Balkans, in Kassel (Allemagne) (catalogue) 2003.
-  Une douzaine d'ouvrages en langue française, dont 2 sur Kabakov, 1 assez général (Art en Europe), 1 sur Wodiczko, 2 sur l'art contemporain est-européen, 1 sur le Perestroik'art, 1 sur le réalisme socialiste, 2 traitant du modernisme et du postmodernisme en Europe centrale d'un point vue d'ensemble : Art en Europe 1990-2000 (2002) ; Art public, art critique, textes, propos et documents, Krzysztof Wodiczko (1995) ; catalogue d'exposition (Cédérom) : L'Autre moitié de l'Europe (2000) ; catalogue d'exposition : Passage d'Europe, réalités, références - Un certain regard sur l'art d'Europe Centrale et Orientale (2004) ; Perestroïk'art. Les couleurs de la transparence (1990) ; Staline, œuvre d'art totale) (1990) ; Il y a Kabakov, cat. d'exposition (1985-1986) ; Ilya Kabakov, Installations 1983-1995 (1995) ; Modernisme en Europe Centrale : Les avant-gardes, (1999) ; (Post)modernisme en Europe Centrale : La crise des idéologies (1999).

(5) La situation géographique de l'ensemble des pays est-européens (d'Europe centrale et orientale notamment) ne semble pas influer de manière notable la naissance ou le développement d'un tel obstacle, au regard de distances réduites, de moyens de transport de plus en plus rapides et d'une vitesse d'information défiant l'entendement humain. Quelle peut être l'origine de ce « mur du silence », si les moyens de transport et la vitesse de l'information et de la communication sont hors de cause ?

(6) L'emprise des grands empires (russe, germanique, austro-hongrois, et ottoman), les guerres locales et mondiales, l'Holocauste, l'occupation nazie, soviétique, le Rideau de Fer et le communisme durant plus de quarante ans…



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