Les orphelins russes interdits d'adoption par des étrangers ? (2005)
samedi 10 septembre 2005
Valentina Petrenko, présidente du comité sénatorial en charge des affaires sociales, a récemment proposé d'interdire l'adoption d'orphelins russes par des étrangers, arguant de plusieurs meurtres d'enfants adoptés, notamment aux Etats-Unis. Cette proposition, manifestement populiste, ne tient pas vraiment compte de la réalité.
Le parlement a déjà examiné à plusieurs reprises le thème de l'adoption internationale. Pour la société aussi, la question est douloureuse. Au mois de juillet, une fillette originaire de Sibérie a été battue à mort par sa mère adoptive américaine, portant à 13 le nombre des enfants russes tué, ces derniers temps, aux Etats-Unis par leurs parents adoptifs. Selon un sondage de l'institut ROMIR Monitoring, plus de 50 % des personnes interrogées sont opposés à l'adoption par des étrangers.
Or, 72 % des Russes ne sont pas prêts actuellement à adopter des enfants, en raison de leurs difficultés de logement et d'une situation matérielle difficile. Certains renoncent à l'adoption à cause des formalités interminables et compliquées.
Selon le ministère de l'Education et de la Science, en 2004, quelque 9 600 enfants russes ont été adoptés par des étrangers et seulement 7 400 par des Russes. Alors que la loi accorde formellement la priorité aux Russes. Pourquoi ? Les vérifications récemment effectuées par le Parquet général ont révélé qu'un certain nombre d'adoptions internationales se faisaient en violation de la législation. Des agences non habilitées opèrent illégalement et n'assument aucune responsabilité vis-à-vis de l'enfant confié à une famille. "Nous ne saurions manquer de réagir aux voies de faits commises par des adoptants étrangers", affirme le substitut du procureur général, Sergueï Fridinski. La loi fait obligation à l'Etat d'assurer le suivi des enfants adoptés. Mais le substitut reconnaît aussi que "beaucoup d'enfants russes bénéficient de bonnes conditions dans les familles étrangères d'accueil".
Le comité sénatorial en charge des affaires sociales a demandé au Parquet général de décréter un moratoire sur l'adoption étrangère. Il prépare actuellement des amendements à la législation, qui visent à accroître la responsabilité des agences d'adoption. Nul n'ignore, en effet, que même certaines agences accréditées sont prêtes à accélérer la procédure en échange de quelques milliers de dollars (le "prix" d'un enfant peut aller jusqu'à 15 000 dollars et même plus). Une somme dont les Russes ne disposent que rarement. Et si les étrangers acceptent, c'est parce que, chez eux, les listes d'attente sont très longues. Le ministère de l'Education et de la Science propose de soumettre les parents adoptifs à une expertise psychologique indépendante. Qui concernerait tous les adoptants sans exception, y compris les Russes. La plupart des familles d'accueil étrangères ne considèrent pas cette mesure comme une humiliation, mais la jugent importante.
Les adoptants russes doivent effectivement avoir la préférence, comme le propose la sénatrice Valentina Petrenko. Mais priver les familles étrangères de toute possibilité d'adopter des enfants russes ne serait pas raisonnable. Car elles apportent, pour beaucoup d'entre elles, le réconfort et la tendresse. Quelque 700 000 enfants sont en attente d'adoption en Russie. Ce qui doit primer, ici, c'est le bon sens et non pas la démagogie.
Olga Sobolevskaïa, Ria Novosti, août 2005.
site internet de Ria Novosti : http://fr.rian.ru/
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