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Ukraine : la crise politique de début septembre 2005 - Le film des événements


jeudi 15 septembre 2005

Moins d'un an après la « Révolution orange » qui, dans un élan d'espoir quant aux futurs changements, avait porté à la présidence Viktor Iouchtchenko, l'Ukraine connaît aujourd'hui une grave crise politique qui brise l'alliance forgée au cours des événements de l'hiver 2004.

Succession en chaîne des démissions face aux accusations de corruption

Tout a commencé lorsque, le 3 septembre, le secrétaire d'Etat ukrainien Alexandre Zintchenko a présenté sa démission. Il a justifié son départ en raison des activités, à son avis déloyales, du secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense, Piotr Porochenko, du premier assistant du président, Alexandre Tretiakov, et du chef du groupe parlementaire de "Notre Ukraine", Nikolaï Martynenko.

Mardi 6 septembre, le vice-premier ministre ukrainien Nikolaï Tomenko a présenté lui aussi sa démission, arguant, tout comme Alexandre Zintchenko, de la corruption dans les organes du pouvoir. Il a déclaré être en train de préparer une nouvelle phase de la "révolution orange" qui devra, selon lui, servir les intérêts des Ukrainiens et non pas ceux des oligarques. Intervenant au cours de la semaine dans les débats qui agitent le coeur du pouvoir en Ukraine, Nikolaï Tomenko a déclaré que « Viktor Iouchtchenko ne [maîtrisait] pas la situation dans le pays. » Selon lui, deux gouvernements existeraient actuellement en Ukraine, celui de Youlia Timochenko et le gouvernement oligarchique de Petr Porochenko dont l'influence sur le président s'est, d'après lui, accrue dernièrement.

Après avoir rejeté toutes les accusations et avoir fait appel à la justice pour qu'elle réclame des excuses de la part d'Alexandre Zintchenko, Petr Porochenko, accusé de corruption, a présenté, jeudi 8 septembre, sa démission au président ukrainien afin d'éviter une nouvelle accusation de pression qu'il aurait pu exercer, de par ses fonctions, sur l'enquête. Ce même jour, le président ukrainien, Victor Iouchtchenko, signait le décret sur la démission du gouvernement de Ioulia Timochenko et, dans la foulée, nommait Iouri Ekhanourov, ancien gouverneur de la région de Dnepropetrovsk, premier ministre par intérim.

Enfin, le 8 septembre, Alexandre Tourtchinov, chef du Service de sécurité (SS) d'Ukraine, a présenté également sa démission pour protester contre la dissolution du gouvernement. Dans la déclaration de M. Tourtchinov adressée au président ukrainien, on pouvait lire que, selon lui, "le limogeage du gouvernement dans les conditions actuelles [menaçait] la stabilité nationale de l'Ukraine". Le lendemain, le président ukrainien a nommé Igor Drijtchany à la tête du Service de sécurité d'Ukraine.

« Jeudi noir » ou nouveau départ pour le président Iouchtchenko ?

En ce « jeudi noir » pour les nouvelles autorités ukrainiennes, le président Iouchtchenko a limogé le gouvernement avec, à sa tête, le Premier ministre Youlia Timochenko. Il a aussi mis à la retraite deux personnages-clés de son propre entourage, et plus précisément le chef du Service de sécurité nationale et de défense, Piotr Porochenko, et son premier conseiller - Alexandre Tretiakov. Telle a été la réaction du leader de la révolution "orange" en Ukraine aux scandales qui ont éclaté au sein du pouvoir exécutif et impliqué ses plus proches collaborateurs en provoquant une très grave crise politique dans le pays.

Mais le président ukrainien affirme que ce qui se produit en Ukraine n'est pas une crise politique. "Ce n'est pas une crise du pouvoir. C'est une crise de certaines personnalités politiques", déclare-t-il. "Le pays est de nouveau accusé de corruption, de non-transparence dans l'économie, notamment dans la privatisation. Les processus qui auraient pu être démocratisés considérablement restent les mêmes qu'hier", poursuit le président. Selon lui, la cause de ce qui se produit réside dans "l'incompréhension de l'importance des intérêts de l'État qui consistent à travailler uniquement pour le bien des citoyens et de l'Etat, car c'est la priorité suprême du fonctionnaire".

Selon le président du comité des affaires internationales de la Douma russe, Konstantin Kossatchev, ce ne sont pas les scandales liés à la corruption mais les erreurs systémiques du cabinet ukrainien qui sont à l'origine du limogeage du gouvernement de Mme Timochenko. "La démission du cabinet n'a fait que confirmer le fait connu que l'équipe de M. Iouchtchenko ne représentait pas une équipe homogène mais plutôt un groupe de personnes unies par un programme "négatif" (d'hostilité envers les anciens dirigeants du pays). Ce groupe n'avait pas de programme "positif", de programme d'édification".

Toutefois, pour le politologue, Vladimir Jarikhine, directeur adjoint de l'Institut des pays membres de la Communauté des Etats indépendants (CEI), interrogé par RIA-Novosti « Viktor Iouchtchenko a pris une décision très énergique. On ignore cependant pour le moment si cette démarche était réfléchie et calculée ou si son geste était purement spontané. De la nature de cette action dépendra la future stabilisation de la situation en Ukraine ». Ce conflit n'a, d'après lui, rien de personnel mais repose sur un problème fondamental : la non-élaboration par le nouveau pouvoir d'une voie stratégique pour le développement du pays.

« Coup de poker » en prévision des futures élections législatives ?

Pour Alexéi Makarkine, directeur général adjoint du Centre des technologies politiques, la destitution du gouvernement Timochenko constitue en fait le lancement d'une nouvelle campagne électorale en Ukraine. La période romantique de la "révolution orange" a pris fin depuis longtemps. Selon lui, Timochenko prétendra maintenant au rôle de chef de l'opposition et ne manquera pas d'user de la rhétorique antioligarques et anticorruption. Les positions de Iouchtchenko se trouvent affaiblies par la démission forcée de Porochenko, principal moteur de son équipe. Timochenko et ses alliés politiques (en premier lieu l'ex-secrétaire d'Etat Zintchenko) ont fait une démarche risquée : ils ont sacrifié le label de la "révolution orange" (sali aujourd'hui par le scandale de la corruption dont la cible principale est justement Porochenko) pour affaiblir au maximum les positions de leurs adversaires avant le début officiel de la campagne électorale. Timochenko espère l'emporter et récupérer le fauteuil de premier ministre après l'élection (étant entendu que la réforme politique augmentera sensiblement le rôle du chef de gouvernement). Il est inutile d'attendre une nouvelle édition de la révolution dans la rue. Une nouvelle période de troubles ôterait à l'Ukraine ses chances, même illusoires, de s'intégrer dans l'Occident. Et les jeunes gens qui ont manifesté sur le Maïdan ne suivront pas les chefs qui sont brouillés. Il est douteux, toujours selon Makarkine, que la campagne électorale soit orageuse. Il n'est pas exclu que, las des scandales "oranges", les Ukrainiens se tournent vers une troisième force.

Les élections à la Rada suprême (parlement ukrainien) doivent se tenir en mars 2006. Selon la législation actuelle, tout parti doit franchir la barrière des 3 % de voix pour passer au Parlement.

-  Selon les résultats des sondages menés par le Centre du monitorage social et l'Institut ukrainien d'études sociales, seuls 18 % des Ukrainiens sont prêts à soutenir au cours des élections parlementaires de 2006 les partis proches du président Viktor Iouchtchenko, Alliance populaire "Notre Ukraine" et "Roukh populaire d'Ukraine".

-  Selon cette même source, 14,6 % des sondés seraient prêts, au cours de ces élections, le Parti des régions dirigé par Viktor Ianoukovitch.

-  Le bloc des partis « Batkovtchina » (Patrie) (leader : Youlia Timochenko) pourrait recueillir 11,3 % des voix).

-  7,3 % des sondés donneraient leurs voix au Parti communiste (Petr Simonenko) et 6,5 % au Parti socialiste dirigé par Alexandre Moroz.

-  Le bloc du Parti socialiste progressif et du parti « Derjava » (Etat) (leaders : Natalia Vitrenko et Guennadi Vassiliev) pourraient être soutenus par 3,1 % des électeurs (autant de voix pourraient être données au Parti populaire de Vladimir Litvine.)

-  Le Parti social-démocrate (unifié) dirigé par Viktor Medvedtchouk pourrait compter sur 2,5 % des voix et le Parti des industriels et des entrepreneurs (leader Anatoli Kinakh) sur 1,2 % seulement.

Des négociations entre différents leaders sont déjà en cours en vue de former un bloc électoral aux prochaines législatives. C'est le cas entre le Parti social-démocrate d'Ukraine (Kravtchouk) et le Parti des régions (Ianoukovitch).

Quid du « tandem » Iouchtchenko-Timochenko ?

Le 9 septembre, le bloc de Ioulia Timochenko (BIT) a déposé une motion de censure contre le président ukrainien, Victor Iouchtchenko. Le bloc a qualifié le limogeage du gouvernement d'illogique et de dépourvu de fondement. Il a également exigé de mener une enquête sur les cas de corruption dans l'entourage du président et d'organiser dans l'immédiat une rencontre avec Victor Iouchtchenko. Un groupe intersectoriel a été créé, ce même jour, au Parquet général de l'Ukraine pour enquêter sur ces informations concernant la corruption aux échelons les plus élevés du pouvoir qu'avait fournies l'ex-secrétaire d'Etat, Alexandre Zintchenko.

Quant au président ukrainien, il a convenu, toujours le 9 septembre et en accord avec les leaders des groupes parlementaires, de créer un groupe pour la formation d'un nouveau gouvernement et de signer une sorte de "traité de stabilité". Ce groupe comprendra les représentants de toutes les forces politiques sauf les communistes et les sociaux-démocrates et sera dirigé par le Premier ministre par intérim Iouri Ekhanourov.

Selon Constantin Zatouline, directeur de l'Institut des pays de la CEI, "la coopération ultérieure entre Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko est impossible". "L'entourage de Viktor Iouchtchenko ne lui pardonnera jamais d'avoir voulu ternir le prestige de leur héros", a-t-il déclaré. En ce qui concerne la figure du nouveau premier ministre, Constantin Zatouline estime que n'importe quel autre personne aurait pu se trouver à la place de Iouri Ekhanourov, c'est une figure remplaçable. "Si Iouri Ekhanourov devient premier ministre, il évitera de faire des déclarations politiques, si, bien entendu, Viktor Iouchtchenko le contrôle", a-t-il dit. Pour cela, Viktor Iouchtchenko aura besoin d'un assistant qui pourra être Piotr Porochenko. Par conséquent, la démission de Piotr Porochenko n'est pas définitive, il reviendra, estime Constantin Zatouline.

Synthèse de dépêches de l'agence RIA-Novosti réalisée par Bénédicte Gramond/COLISEE. 11 septembre 2005.

Site de Ria-Novosti : http://fr.rian.ru/



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