Les masques tombent en Ukraine
mercredi 16 avril 2003
Les masques tombent
Pendant longtemps, le président Koutchma a réussi à passer aux yeux de l¹occident pour un "rempart contre le retour du communisme", voire comme un "libéral" soucieux d¹établir une équidistance entre l¹Est et l¹Ouest. La grave crise politique que connaît l¹Ukraine ces derniers mois montre qu¹il n¹en est rien. Aujourd¹hui, les masques tombent.
Trois événements ont été à l¹origine de cette crise :
La disparition du journaliste Georgy Gongadze le 2 novembre 2000 a longtemps été occultée par les autorités judiciaires et politiques. Les rumeurs, de plus en plus insistantes, ont attribué la commande de ce meurtre au chef de l¹Etat lui-même. Les nombreuses manifestations de solidarité avec le journaliste assassiné ont fini par attirer l¹attention des médias internationaux.
La répression brutale de la manifestation du 9 mars dernier a frappé l¹imagination de l¹homme de la rue : une "banale" cérémonie à la mémoire d¹un poète national, a dégénéré à la suite de provocations policières soigneusement orchestrées, et a provoqué des heurts violents avec les forces de l¹ordre. Cette brutalité, anormale pour le pays, a amené une comparaison avec le pays voisin, la Biélorussie, coutumière du fait, et la peur a commencé à s¹insinuer dans les esprits.
La divulgation, par un officier des services spéciaux, de plusieurs heures d¹enregistrement des conversations de M. Koutchma, prises dans son bureau, a fait l¹effet d¹une bombe. Ces bandes, dont une petite partie a été livrée à la presse par un des chefs de l¹opposition, Alexandre Moroz, révèlent un président cynique et autoritaire, et confirment un certain nombre d¹informations dont disposait l¹opposition, mais que l¹opinion publique ignorait, compte tenu du muselage des médias et notamment de la radiotélévision.
Ces révélations ont déstabilisé le président, qui s¹est enfermé quelques jours, à la fin du mois de mars, dans sa résidence de Crimée, au point que certains observateurs ont pensé qu¹il songeait à démissionner, ou que sa santé le lâchait. Et puis, le maître de Kiev s¹est ressaisi et a orchestré une contre-offensive pour conserver le pouvoir. Le principal adversaire à abattre était le premier ministre, Ioutchtchenko, qui avait été nommé en février 2000, en grande partie sous la pression de l¹occident, en échange de son aide financière. Son bilan économique était plutôt positif, mais il avait commis deux "fautes" politiques graves :
Il avait commencé, avec son vice-ministre Mme Timochenko, à réguler le secteur de l¹énergie, ce qui dérangeait les "oligarques" concernés, proches du Kremlin
Il avait refusé de contresigner les accords passés par le président Koutchma en février dernier, à Dniepropetrovsk, avec la Russie, qui livrait pieds et poings liés l¹Ukraine à son grand voisin, notamment en matière énergétique.
A l¹occasion du rapport annuel du premier ministre devant le Parlement, une majorité de rencontre a réussi à voter le 19 avril une motion de défiance, qui a provoqué le départ de Ioutchtchenko. Les communistes - pourtant dans l¹opposition, mais traditionnellement tournés vers Moscou - ont uni leurs voix aux groupes parlementaires fidèles au président, qui a maintenant le champ libre pour gouverner avec un premier ministre plus conforme à ses vues.
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