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Tribune libre. Tolkatchev : "Il nous reste peu de temps pour organiser la révolution ouzbèke"


ALEXEÏ TOLKATCHEV, EXPORTATEUR DE RÉVOLUTION NON-VIOLENTE DANS LES PAYS EX-SOVIÉTIQUES, PRONOSTIQUE UN SOULÈVEMENT POPULAIRE CONTRE ISLAM KARIMOV AVANT LA FIN DE L'ANNÉE
mercredi 5 octobre 2005, par Camille Magnard/Mathilde Goanec

Etudiant ukrainien engagé dans la lutte contre le régime de Vladimir Koutchma, il a été, dans l'ombre des leaders, un acteur de la révolution orange. Depuis, à la tête de son ONG Pomaranch (« orange », en ukrainien) Alexeï Tolkatchev veut poursuivre son œuvre de militant pour la démocratie dans d'autres pays ex-soviétiques. Relooké en VRP de la non-violence, un peu plus d'un an après Kiev, Alexeï voudrait voir d'autres peuples prendre en main leur destinée, éclore d'autres révolutions colorées et renvoyer chez eux d'autres Koutchma. Au premier rang desquels un certain Islam Karimov …

Vous érigez la révolution orange comme modèle à appliquer dans d'autres pays soumis à des régimes anti-démocratiques. Mais après le limogeage de Iulia Timotchenko, pensez-vous que les aspirations révolutionnaires ukrainiennes ont été réalisées ?

La révolution orange est née dans les mouvements anti-Koutchma. Nous avons réussi à renverser le président, mais ce que nous voulions abattre, c'est tout le système oligarchique et corrompu sur lequel il régnait. Après la révolution, j'ai soutenu Iulia Timotchenko en pensant réellement qu'elle pourrait faire les changements nécessaires et lutter efficacement contre tout cela. Mais le système a gagné, Timotchenko n'est plus premier ministre… Pour autant, la révolution continue ! En Serbie ou en Georgie, par exemple, deux pays où ont eu lieu des révolutions pacifiques qui nous ont beaucoup inspiré, les premiers ministres sont passés, certains ont même été assassinés. La bonne nouvelle, c'est que Timotchenko a échappé à plusieurs tentatives d'assassinat, et elle est toujours là ! Et elle va maintenant jouer le rôle nécessaire d'opposition à Ioutchenko. Les événements auront au moins apporté cela, à savoir la possibilité d'un jeu politique pluraliste. Le reste suivra…

Aujourd'hui, votre action se tourne vers d'autres pays qui connaissent des régimes semblables à celui de Koutchma en Ukraine, lesquels selon vous sont susceptibles de voir se réaliser des révolutions pacifistes ?

Comme nous en Ukraine, certains pays connaissent des situations politiques que les peuples ne supporteront plus longtemps, j'en suis convaincu. Je citerai la Biélorussie, l'Ouzbékistan, l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan mais aussi la Russie de Vladimir Poutine. Pour le Kazakhstan et l'Azerbaïdjan, je crois que les conditions d'un soulèvement populaire ne sont pas réunies. Le niveau de vie y est satisfaisant ; les dirigeants ont dit qu'ils allaient développer la démocratie, et il y a dans ces pays une opposition politique relativement libre. Mais les trois autres, y compris la Russie, les conditions sont réunies : Poutine est en train de supprimer l'opposition et sa politique va ouvertement dans le sens inverse de la démocratie.

Dernièrement, c'est l'Ouzbékistan qui a toutes les faveurs de votre ONG Pomaranch… C'est là que se passera la prochaine révolution colorée, selon vous ?

En effet, je pense qu'au rythme où vont les choses depuis la terrible répression d'Andijan, c'est une question de mois avant que la pression révolutionnaire ne se précipite. Et nous, à Pomaranch, nous oeuvrons pour que le peuple s'exprime avec les meilleures armes pour renverser leurs dictateurs, à savoir la non-violence. Nous avons renversé Koutchma avec des autocollants, des ballons et des rubans orange. C'est ce modèle-là que nous véhiculons en Ouzbékistan, car je suis persuadé que c'est le seul qui peut venir à bout d'Islam Karimov, ce despote qui a montré à Andijan qu'il n'hésitait pas à faire tirer sur la foule. D'ailleurs, Andijan, c'est ni plus ni moins qu'un début de révolution. Pour moi qui ai mené mon enquête personnelle, la prise de la prison était une provocation de la part de Karimov. Ce jour-là, la colère du peuple contre le régime en place s'est exprimée de manière spontanée. Les ouzbèks n'étaient pas organisés ni préparés à la résistance non-violente. Avec Andijan, on a compris que le peuple était contre Karimov, que la révolution en Ouzbékistan n'est plus qu'une questions de mois.

Comment comptez-vous agir pour fédérer et rendre viable cet élan révolutionnaire, dans le contexte actuel de durcissement de la répression et de grande méfiance vis-à-vis des ONG étrangères en Ouzbékistan ?

Pour l'instant, nous sommes dans l'impossibilité d'agir directement avec le peuple ouzbek. Le premier de nos chantiers, c'est de travailler avec les leaders de l'opposition à Karimov. Ces hommes et femmes politiques sont en exil, et plusieurs d'entre eux se sont réfugiés en Ukraine. Je les ai donc rencontré, je leur ai donné la possibilité de se rencontrer et de se fédérer autour d'une résistance commune et non-violente. Cela, nous l'avons presque déjà réalisé, du moins avec les leaders des trois partis d'oppositions ouzbeks qui survivent en exil. Mais cela ne suffira pas : nous avons besoin du soutien de l'Union Européenne et des Etats-Unis. Un soutien financier, bien sûr, car ni le peuple ni les opposants n'ont d'argent. Tout l'argent ouzbek, c'est Karimov et ses oligarques qui l'accaparent.

Jusque-là, on ne peut pas dire que la communauté internationale ait montré beaucoup d'intérêt pour la cause du peuple ouzbek, notamment après les événements d'Andijan… Comment pensez-vous les convaincre de prendre parti ?

Nous allons tout simplement leur dire que nous n'avons pas le choix de faire autrement : si ils ne soutiennent pas notre action tout de suite, ils s'exposent à ce que la révolution se fasse sans eux. Elle se fera de toute façon, spontanément, dans un délai de quelques mois. Nous jouons donc contre la montre. Il est vrai qu'après Andijan, nous avons vu que les américains et les européens n'ont pas beaucoup insisté pour qu'une enquête internationale ait lieu… Et Islam Karimov a aussi montré qu'il n'en avait que faire des remontrances étrangères. Il faut donc passer à des sanctions économiques, et c'est cela que nous comptons dire aux députés européens à Strasbourg dans les jours qui viennent. Ce travail-là, de sensibilisation des européens au drame ouzbek, est en train de se réaliser, et elle donne des signes encourageants*. Avec les Etats-Unis, nous avons un lobbying également important. Nous voulons que Washington change sa politique envers Karimov, et lui lance des ultimatums.

Concrètement, comment comptez-vous faire réussir une révolution non-violente face aux milices armées d'Islam Karimov ? N'est-ce pas suicidaire ?

Les papiers, rubans distribués à la foule vont fédérer le peuple, et créer un mouvement cohérent. La condition de la réussite, dans ces cas-là, c'est l'attitude de la ,police et de l'armée. Face à nos modes d'action non-violente, ceux-ci sentent impuissants, et ils ont tôt fait de rejoindre la foule. C'est ce qui s'est passé en Ukraine. Etant donné l'état de délabrement du régime ouzbek, il y a fort à parier que cela arrivera aussi à Tachkent. Le problème, c'est si l'armée russe intervient, en vertu du récent rapprochement diplomatique et militaire entre Karimov et Vladimir Poutine après Andijan. Le président ouzbek a également à ses ordres une milice personnelle officieuse et très grassement payée. Donc oui, cela pourrait dégénérer, mais pour notre part, tout ce que nous pouvons faire c'est de donner au peuple les moyens de mener sa Révolution de manière contrôlée et organisée.

Quel délai vous donnez-vous pour parvenir à tout cela ?

Dans l'état actuel des choses, je pense que la Révolution interviendra avec ou sans nous avant la fin de l'année. Entre octobre et décembre. Ce qui ne nous laisse pas beaucoup de temps pour éduquer le peuple et imprimer des autocollants…



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