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Slovaquie : le point à une semaine des élections législatives du 17 juin


samedi 10 juin 2006

En 2002, la question de l'intégration de la Slovaquie dans l'Union européenne et dans l'OTAN ainsi que celle de la fin à l'isolement du pays après les cinq années de gouvernement de Vladimir Meciar (1993-1998) figuraient au cœur de la campagne électorale des élections législatives. Quatre ans plus tard, l'intégration européenne de la Slovaquie est entièrement réalisée, le pays faisant même, par ses résultats économiques, figure de bon élève parmi les dix Etats ayant rejoint l'Union le 1er mai 2004.

Les élections législatives du 17 juin prochain devraient permettre à sept ou huit formations d'entrer au Conseil National de la République, Chambre unique du Parlement. En dépit des différences de programme et des animosités personnelles existant entre les leaders politiques, le nombre des coalitions gouvernementales possibles est élevé et, une semaine avant le scrutin, il est bien difficile de prévoir quels seront les partis qui formeront la future coalition gouvernementale. Une seule quasi-certitude : le Parti communiste (KSS) dirigé par Jozef Sevc devrait en être exclu, toutes les formations politiques ayant déclaré qu'elles refuseraient de collaborer avec ses dirigeants.

La campagne officielle pour les élections législatives a débuté le 27 mai dernier. 2354 candidats de 21 formations (dont 22,47% de femmes) y participeront. Pour la première fois, le vote postal a été autorisé pour toute personne ne résidant pas en Slovaquie ou ne pouvant être présente dans le pays le jour du vote.

L'Union démocratique et chrétienne (SDKU), principale formation de la coalition gouvernementale, a centré sa campagne électorale sur les réformes. Direction-Démocratie sociale (SMER-SD), premier parti d'opposition, critique le gouvernement en place et veut un renforcement de la place de l'Etat. Le Mouvement chrétien-démocrate (KDH), formation gouvernementale dirigée par Pavol Hrusovsky, prône la défense de la famille, le rétablissement de la loi et de l'ordre et la souveraineté de la Slovaquie au sein de l'Union européenne. Le Parti de la coalition hongroise (SMK) soutient les réformes et souhaiterait rester membre de la coalition gouvernementale. Le Forum libre prône un renforcement du rôle de l'Etat tout en souhaitant la poursuite des réformes. Enfin, le Mouvement pour une Slovaquie démocratique (LU-HZDS) travaille l'image présentable et moderne de son leader Vladimir Meciar, tenu pour responsable du précédent retard économique et de l'isolement de la Slovaquie sur la scène internationale lorsqu'il dirigeait le pays.

L'Union démocratique et chrétienne, formation du Premier ministre Mikulas Dzurinda, au pouvoir depuis 1998, s'appuie sur son bilan et met en avant l'amélioration de la situation économique et financière du pays depuis 2002 (6 % de croissance du PIB prévu pour 2006). « Je pense que la Slovaquie réussira si, premièrement, elle est éduquée, deuxièmement elle est juste, troisièmement, elle est civique et quatrièmement si elle est un pays sûr » déclarait Mikulas Dzurinda le 1er mai dernier. Dans son programme intitulé « La Slovaquie, tel est l'enjeu », l'Union démocratique et chrétienne promet de baisser l'impôt à taux unique actuellement de 19% pour la TVA, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés jusqu'à 15 % d'ici 2010 ainsi que l'équilibre du budget de l'Etat cette même année. La formation met l'accent sur l'éducation et souhaite développer une économie de la connaissance. Interrogé sur l'avenir de sa carrière politique, le Premier ministre Mikulas Dzurinda a déclaré ne pas souhaiter pour l'heure se retirer de la vie politique et ce, quels que soient les résultats de sa formation le 17 juin prochain. « J'aime la politique, je peux même dire que je l'aime beaucoup » a t-il affirmé.

Malheureusement pour les partis gouvernementaux, la réussite économique du gouvernement et le retour en bonne place de la Slovaquie sur la scène internationale ne semblent pas constituer des arguments électoraux pertinents auprès d'une grande partie de la population qui se dit fatiguée des réformes et des sacrifices que celles-ci lui ont imposés. Les deux tiers des Slovaques déclarent, dans les enquêtes d'opinion, avoir souffert des réformes mises en place par la coalition gouvernementale depuis quatre ans, nombre d'entre eux estimant que leur vie quotidienne, loin de s'améliorer, est devenue plus difficile (hausse des prix, fin de la gratuité du système de santé, etc.). Le taux de chômage reste également élevé atteignant 16 % et dépassant même les 20 % dans certaines régions du pays. Les tensions qu'a connues la coalition gouvernementale et les scandales liés à la corruption dans lesquels ont été impliqués certains membres du gouvernement ont quelque peu mis à mal le soutien populaire à l'équipe de Mikulas Dzurinda.

Les forces de l'opposition, et notamment Direction-Démocratie sociale, ne se privent pas de mettre l'accent sur la dégradation des conditions de vie des Slovaques dont, selon elles, la politique gouvernementale serait responsable. Baisse des salaires, des pensions de retraite, accentuation des différences régionales au sein du pays sont régulièrement mis en avant par Direction-Démocratie sociale. « La Slovaquie de l'Ouest et la Slovaquie de l'Est sont deux mondes différents » répète son leader, Robert Fico, qui accuse le gouvernement du Premier ministre Mikulas Dzurinda de produire du chômage, d'augmenter les inégalités entre les riches et les pauvres et, enfin, d'avoir détruit « le modèle d'économie de marché sociale et écologique de la Constitution slovaque ». Le 21 mai dernier, Direction-Démocratie sociale a adopté son programme gouvernemental lors du conseil national du parti qui s'est déroulé à Nitra, dans l'Ouest du pays. Celui-ci promet un retour à un Etat providence fort, un arrêt des privatisations des entreprises publiques et la fin de la corruption.

Le leader de l'opposition, Robert Fico, défend l'introduction d'un double taux de TVA en lieu et place de l'impôt à taux unique ainsi que l'établissement d'une taxe de 25 % pour les monopoles naturels, banques et entreprises réalisant de larges profits, sans que le parti ne précise ce qu'il entend par les mots « larges profits ». Pour la nourriture et les médicaments, il prône une TVA inférieure à 10 %. Le programme économique de Direction-Démocratie sociale prévoit d'autres mesures sociales comme l'augmentation de l'allocation premier enfant de 4 460 couronnes à 15 000 couronnes. La formation sociale-démocrate assure cependant que si ces réformes sont appliquées, elle parviendra à contenir le déficit budgétaire dans les limites de 3 % du PIB.

Le programme de Direction-Démocratie sociale, mélange de thèses libérales et de conclusions sociales, cherche à satisfaire les électeurs du parti comme les éventuels alliés politiques. Située sur la gauche de l'échiquier politique, la formation s'est dernièrement rapprochée du centre afin de ne pas se couper d'éventuels partenaires. En effet, peu de formations, y compris celles siégeant dans l'opposition, sont favorables aux projets politiques défendus par Robert Fico. Le parti a, en revanche, reçu, par la voix de son vice-président, Eygen Skultety, le soutien de la plus grande centrale syndicale, la Confédération des syndicats (KOZ). En décembre 2005, Direction-Démocratie sociale a d'ailleurs signé un accord avec la centrale syndicale. « Nous voulons une Slovaquie sociale, nous allons mobiliser tous les syndicalistes pour aller voter, car la défaite de Direction-Démocratie sociale serait aussi notre défaite », avait alors déclaré le président de la confédération, Ivan Slator. Échange de bons procédés : Robert Fico a publiquement exprimé son soutien à Ivan Slator qui envisage de se présenter aux élections municipales qui auront lieu au mois de décembre prochain à Banska Bystrica (ville située au centre de la Slovaquie).

L'Union démocratique et chrétienne du Premier ministre Mikulas Dzurinda a annoncé qu'elle ne souhaitait pas collaborer avec les deux principaux partis d'opposition (Direction-Démocratie sociale et le Mouvement pour une Slovaquie démocratique) après les élections du 17 juin prochain. « Mikulas Dzurinda s'exprime ainsi pour attirer les électeurs les plus conservateurs » analyse Darina Malova de l'université Comenius. De son côté, le leader de l'opposition, Robert Fico affirme qu'il souhaite former « un gouvernement dont le programme sera de centre-gauche » et « qui aura le plus petit nombre possible de partis, nous devons commencer avec l'idée que le prochain gouvernement ne devra pas comprendre plus de deux partis ». Ce qui fait dire aux analystes politiques qu'une future coalition gouvernementale dirigée par Direction-Démocratie sociale pourrait rassembler des forces de droite et des forces de gauche.

Selon le sociologue Pavel Haulik, si la formation sociale-démocrate remporte les élections législatives du 17 juin prochain, elle se tournera vers le Mouvement chrétien-démocrate mais pourrait également inviter le Parti de la coalition hongroise ou le Forum libre à la rejoindre pour former un gouvernement. Le politologue Miroslav Kusy se déclare sceptique quant à une coopération Robert Fico-Vladimir Meciar, pourtant envisagée par de nombreux analystes politiques et souhaitée par les électeurs de Direction-Démocratie sociale selon les enquêtes d'opinion, et souligne : « Ce qui les oppose est trop important, et la réputation de Vladimir Meciar serait un trop lourd fardeau pour Direction-Démocratie sociale ».

Grandes manoeuvres pour la formation du futur gouvernement

Concernant les éventuelles alliances post-électorales, Vladimir Meciar, qui répète qu'il ne sera pas possible de gouverner sans le Mouvement pour une Slovaquie démocratique, a déclaré qu'il n'envisageait pas de travailler de concert avec le Parti de la coalition hongroise à moins que celui-ci renonce à réclamer l'autonomie pour les personnes d'origine hongroise vivant en Slovaquie du Sud. « Le Parti de la coalition hongroise doit comprendre que la Deuxième Guerre mondiale est terminée », a t-il affirmé. Par ailleurs, Vladimir Meciar n'envisage pas non plus de collaboration possible avec le Parti national (SNS), reprochant à son leader, Jan Slota « son absence d'éthique politique ». Il ne rejetterait cependant pas le soutien du Parti national à un gouvernement composé de Direction-Démocratie sociale et du Mouvement pour une Slovaquie démocratique. Enfin, une collaboration de Vladimir Meciar avec le Mouvement chrétien-démocrate est quasiment exclue, celui-ci tenant la formation chrétienne pour la principale responsable de la « criminalisation » de son parti, notamment à la suite de l'enlèvement du fils de l'ancien Président de la République (1993-1999) Michal Kovac. Le 31 août 1995, le fils du Président avait été retrouvé ivre mort dans sa voiture à la frontière autrichienne. Quelque temps plus tard, un collaborateur des services secrets a révélé avoir été témoin de son enlèvement par trois membres des services secrets slovaques. Le gouvernement, dirigé à l'époque par Vladimir Meciar, a défendu la thèse de « l'auto-enlèvement ». Le 29 avril 1996, Robert Remias, autre personne ayant témoigné de l'implication des services secrets dans le kidnapping, meurt dans l'explosion de sa voiture à Bratislava ; le gouvernement a affirmé alors qu'il a été victime d'un incident mécanique. De nombreuses zones d'ombre persistent dans cette affaire en attente d'une décision du procureur de la République pour être renvoyée devant la Cour. Le Mouvement chrétien-démocrate reproche principalement à Vladimir Meciar d'avoir, lorsqu'il était au pouvoir, fait voter des amnisties ayant empêché la police de faire son travail et la justice d'être rendue.

Le Parti de la coalition hongroise exprime également de fortes réserves envers Vladimir Meciar qui, selon son président Bela Burgar, « constitue un problème pour le Parti de la coalition hongroise et le restera tout autant après les élections ». Enfin, le ministre des Finances et vice-président de l'Union démocratique et chrétienne, Ivan Miklos, a déclaré que sa formation n'accepterait pas que Vladimir Meciar occupe des fonctions importantes au sein d'un gouvernement auquel elle participerait.

L'énergie que déploie durant cette campagne électorale le leader du Mouvement pour une Slovaquie démocratique pour retrouver une virginité et clore au plus vite les enquêtes sur les crimes des années 1994-1998 ne semble pas avoir convaincu l'ensemble des leaders politiques.

L'ancienne journaliste Zuzana Martinakova, leader du Forum libre, a récemment affirmé qu'un accord secret avait été signé entre Direction-Démocratie sociale, le Mouvement pour une Slovaquie démocratique et l'Union démocratique et chrétienne en vue de la formation du prochain gouvernement. Selon les analystes politiques, cette déclaration est une manœuvre politique visant à semer le trouble auprès des partisans de Direction-Démocratie sociale, ceux-ci étant parmi les moins déterminés et les moins disciplinés des électeurs. Enfin, selon les enquêtes d'opinion, les Slovaques souhaitent que le prochain gouvernement rassemble une large coalition de partis.

En s'exprimant sur les éventuelles coalitions possibles, les leaders politiques tentent en fait de toucher les nombreux électeurs qui se déclarent encore indécis. « Les différents propos sur les coalitions gouvernementales font parti de la campagne électorale mais également de la communication des formations politiques », souligne Andrej Findor, chercheur à l'Institut des relations européennes et des études internationales de Bratislava.

Mikulas Dzurinda se dit certain qu'il parviendra à convaincre les Slovaques que leurs conditions de vie s'amélioreront avec la mise en œuvre des réformes qu'il propose. « Les salaires ont augmenté de 6 % l'année passée. C'est la plus forte augmentation en Europe. Que pouvons-nous demander d'autre ? » a demandé le Premier ministre. « Mikulas Dzurinda est un homme politique expérimenté et les résultats des prochaines élections législatives pourraient être meilleurs pour lui que ce que prévoient les enquêtes d'opinion », met en garde Grigorij Meseznikov, président de l'institut pour les affaires publiques (IVO). Certes, Robert Fico est l'homme politique le plus populaire du pays depuis 2002. En avril dernier, il recueillait 26,5 % d'opinions positives dans l'enquête d'opinion réalisée par l'agence UVVM de l'Office de la statistique. Vladimir Meciar arrivait en deuxième position avec 12 %, suivi par le Président de la République, Ivan Gasparovic (Mouvement pour la démocratie, HZD), avec 11,8 %.

Alors que l'ensemble des enquêtes d'opinion prévoient une forte abstention, l'Eglise a appelé les fidèles à se rendre aux urnes pour les élections législatives du 17 juin prochain. Les résultats auront des impacts dans la vie personnelle de chacun ont déclaré les évêques qui ont également rappelé que l'attitude des formations politiques face aux valeurs chrétiennes et au bien commun devait constituer le premier critère de vote des électeurs chrétiens. Le Président de la République, Ivan Gasparovic, est également intervenu pour inciter les Slovaques à remplir leur devoir civique.

Une campagne confuse

La campagne électorale s'achève dans la confusion et l'invective, le leader de l'opposition, Robert Fico, accusant l'Union démocratique et chrétienne d'utiliser des financements illégaux et Ivan Miklos, ministre des Finances et vice-président de l'Union démocratique et chrétienne, affirmant que Peter Chudik, candidat de Direction-Démocratie sociale dans la région de Presov, a acheté les voix de citoyens roms. La principale formation de l'opposition s'est offert pour sa campagne électorale les services du duo d'animateurs télévisuels le plus populaire du pays, Andy Kraus et Peter Marcin, l'Union démocratique et chrétienne ceux du groupe de rock Gladiator et du joueur de football, Lubos Michel, qui figure également sur la liste de ses candidats. Enfin, le Mouvement pour une Slovaquie démocratique est soutenu par Jan Berky, violoniste tzigane, et son orchestre Le violon du diable.

La dernière enquête d'opinion réalisée par l'agence Median VK révèle que pour un quart des Slovaques (25 %) les questions sociales constituent l'enjeu numéro un des élections législatives du 17 juin prochain. Un tiers des personnes interrogées (36%) déclarent en outre que les programmes des formations politiques ne déterminent pas leurs votes.

Les derniers sondages donnent toujours Direction-Démocratie sociale gagnante, avec 29,8 % des suffrages selon la dernière enquête d'opinion réalisé par l'agence Median VK et publiée le 3 juin dernier. La formation de Robert Fico est suivie, loin derrière, du Mouvement pour une Slovaquie démocratique qui recueillerait 10,6 % des voix, du Mouvement chrétien-démocrate, 9,4 % et du Forum libre, 9 %. Le Parti national obtiendrait 8,1 % des suffrages, le Parti de la coalition hongroise, 8 %, l'Union démocratique et chrétienne, 7,8 % et le Parti communiste, 6,6 %.

Selon ce sondage, 54 % des Slovaques se déclarent prêts à se rendre aux urnes le 17 juin prochain.

Corinne Deloy/Fondation Robert Schuman



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