La Carinthie sous Jörg Haider : l'effacement de l'identité slovène
mercredi 16 avril 2003
Libre opinion
La Carinthie autrichienne sous Jörg Haider : l'effacement de l'identité slovène
"Lorsque dans l'enceinte parlementaire de Vienne Wolfgang Schüssel a présenté le nouveau cabinet de l'alliance "noire - bleue", l'Autriche s'est trouvée confrontée à un passé difficilement réconciliable avec les aspirations des pays frontaliers slaves, notamment les Slovènes.
La région de Carinthie, aujourd'hui fief de l'extrême droite autrichienne de Jörg Haider, fut l'un des sujets les plus débattus à la conférence de Paris (1919). La diplomatie des forces alliées et surtout celle de la France soutenait largement le droit des Slovènes de s'unir dans un état indépendant, compte tenu des frontières ethniques. Elle a prévu un référendum populaire où les habitants de Carinthie avaient à décider s'ils vivraient en Autriche ou en Yougoslavie. La forte propagande contre le régime de Belgrade, accompagnée d'un certain sentiment d'instabilité que le nouvel Etat yougoslave comprenait dès le début, ont incité une petite majorité de la population à voter pour l'Autriche. Cela a suffi. C'était le 10 octobre 1920 : l'histoire en Carinthie "s'arrête là".
Chaque année, à la même date, les militants du "Heimatdienst", se retrouvent à Klagenfurt (Celovec en slovène) pour ressusciter les fantômes du passé. Le démiurge en est Jörg Haider. Il anime son auditoire par des propos où il exprime que l'existence de son peuple est instable et menacée, ne pouvant jamais jouir de la paix définitive puisque l'élément slave sera "toujours là".
Revenons en arrière. Le nom du fief de la droite autrichienne, dont Jörg Haider est gouverneur, vient notamment de la "Karantanie", le duché slovène qui était le centre de l'Etat national, siégeant dans la région de Klagenfurt (Celovec). L'Etat des "Karantanci" perdit progressivement son indépendance et dût au cours des siècles reconnaître la suprématie des Habsbourgs. La domination de ces derniers n'a été interrompue que pendant la période des Provinces Illyriennes (1809-1815), instituées par Napoléon. Les Français ont encouragé la langue slovène dans les écoles et dans les institutions. Ils ont contribué au rebondissement de la culture nationale. Le régime français balayé, les Autrichiens ont repris le pouvoir et un système de germanisation exacerbé a été introduit. Ce processus s'est intensifié au vingtième siècle, surtout après le référendum de 1920, puisque Klagenfurt (Celovec), la capitale de la Carinthie autrichienne, était encore, au milieu du siècle dernier, le centre de la vie nationale slovène, et se trouvait majoritairement composée de slovènes (d'après le recensement, 6.000 Slovènes et 3.419 Allemands). Les autorités autrichiennes, celles de l'Etat, de la province et des communes se sont systématiquement appliquées à effacer l'identité slovène de.la province.
Et elles ont réussi. La minorité slovène, sur son sol d'origine en Carinthie, ne représente plus que 2 % de la population. Les Slovènes sont marginalisés, Jörg Haider tend à défavoriser les écoles multiculturelles et soutient les écoles germanophones.
En fait, l'effacement de la présence slovène en Carinthie, auquel on assiste depuis des siècles, touche à son terme fatal. Jörg Haider l'encourage ostensiblement, en s'appuyant sur les sentiments nationalistes d'une partie de la population autrichienne qui rêve de sa splendeur passée."
Bostjan Marko Turk, Université de Ljubljana, Slovénie. Mars 2000.
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