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Le yaourt géorgien en France


vendredi 29 juillet 2005, par Mirian Méloua

Les conditions de survie des émigrés géorgiens à Paris dans les années 1920 sont difficiles. Dans la foulée des travaux effectués à l'Institut Pasteur, et pour vendre leurs produits, certains d'entre eux n'hésitent pas à les promouvoir grâce à l'image des centenaires Géorgiens supposés se nourrir exclusivement de produits laitiers.

Une légende attribue à l'un des chefs de guerre de Gengis Kahn la découverte de ce qui deviendra le yogourt. Trompé par une population qui souhaite se débarrasser de lui, il gagne le désert avec une gourde de lait, et non d'eau. Sous l'effet de la chaleur le lait fermente et se transforme en yogourt.

La diffusion du yaourt suit la marche des Mongols vers l'Ouest. Elle atteint la Cour de France au XVIéme siècle au titre d'un médicament miracle apporté à François Ier. Il faut attendre 1904 pour que le professeur Elie Metchnikoff de l'Institut Pasteur fasse connaître en France les vertus du yaourt.

Selon le site "Yaourtophile" Fabriquer du yaourt est au fond une chose assez simple. Pour cela, il convient de porter le lait à une température facilitant le développement des ferments lactiques, de l'ensemencer avec ceux-ci, de les laisser se multiplier dans le lait chaud jusqu`à ce que l'acidité soit suffisante pour ralentir la multiplication des ferments, de refroidir enfin le produit final pour arrêter la fermentation et le conserver.

Les émigrés géorgiens des années 1920 trouvent à Paris des représentants d'autres peuples émigrés, Asie mineure ou Balkans, qui possèdent comme eux le savoir faire du yaourt. Leur histoire peut se symboliser en trois époques, celle des pots de céramiques, celle des pots de verre et celle des pots paraffinés.

Le pot en céramique se généralise dans les années 1930, il continue à être utilisé dans les années 1950. Les ateliers de production de yaourt sont rudimentaires. Certains artisans se regroupent, ou font faillite. L'approvisionnement en lait est parfois erratique, les livraisons aux crémiers et aux restaurants s'en ressentent. Les anecdotes sont nombreuses, charettes à bras trop lourdes et appel à la population, parties de carte oublieuse des temps de production, journées passées à consommer le yaourt en surplus, yaourt distribué à des compatriotes dans le besoin et clé sous la porte ! Les travaux de professeur Elie Metchnikoff sont quelque peu détournés au profit de la légende attribuant au yaourt le grand nombre de centenaires en Géorgie. Les beaux quartiers sont demandeurs, les autres aussi.

A titre d'exemple peuvent être cités
-  "Yaourt du Dr Gamba", 1932, pots en céramique. Le Docteur Wakhtang Hambachidzé et son gendre Chota Nicoladzé en sont les propriétaires,
-  "Yaourt Géorgie", 1935, pots en céramique beige avec inscription noire "Véritable yaourt de Géorgie",
-  "Yaourt oriental" et "Yagourt oriental", pots en céramique beige avec insciption noire. La société "Oriental", propriétaire Djakéli est située au 92 avenue Edouard Vaillant à Boulogne Billancourt en 1946 et au 93 en 1952. Son téléphone est Molitor 19 01. Elle existe encore en 1962.
-  "Yaourt Guémo" (goût en langue géorgienne) pots en céramique blanche avec inscription noire. La société "Guémo", propriétaire J. Sardjvéladzé, est située au 4 rue Hubert Poincaré à Malakoff de 1946 à 1952 et 1 rue Guy Mocquet à Malakoff de 1952 à 1962. Son téléphone est Alésia 49 23.

Le pot en verre détrône le pot en céramique dans les années 1950 : son coût de production et de gestion (retour clientèle et distributeur, lavage) est prohibitif. L'artisanat géorgien du yaourt a pu subsister tant bien que mal durant la deuxième mondiale. A la Libération, quelques représentants d'une deuxième génération géorgienne s'installent dans le métier (les anciens soldats de l'Armée rouge restés en Occident). Le contexte évolue. La réclame effectuée par les grandes marques sensibilise. La demande de la population parisienne est forte après les années de privation. Les livraisons effectuées, en véhicule automobile, touchent un plus grand nombre de distributeurs. Mais la production doit répondre à des normes sanitaires plus rigoureuses. L'introduction du yaourt parfumé bouleverse le marché. La gestion demande plus d'attention. La concurrence est plus vive. Le label "yaourt géorgien" est moins porteur. Quelques belles réussites d'artisans géorgiens perdurent jusque dans les années 1960, mais un "géant du métier " s'affirme de plus en plus.

Le pot paraffiné illustre le déclin de l'artisanat géorgien du yaourt à Paris. La plupart des marques industrielles sont progressivement rachetées par ce "géant du métier" ; il s'assure l'exclusivité de l'approvisionnement des petits distributeurs et des grandes surfaces. Cahin-caha quelques artisans géorgiens résistent encore. La production de yaourt de proximité n'a plus de raison d'être. Pour le principe, et pour respecter la tradition, quelques familles conservent le savoir faire des "yaourtières à la géorgienne" jusque dans les années 1990.

Comparer le goût du yaourt occidental d'aujourd'hui au guémo du véritable matsoni relèverait probablement d'une provocation en duel pour les vieux Géorgiens. Pourtant la mondialisation en marche jusqu'au Caucase rappelle à l'ordre, le yaourt s'y vend dans les grandes surfaces en pots paraffinés et les jeunes Géorgiens lui trouvent un goût de modernité.

Voir aussi

http://www.yaourtophile.com

La gastronomie de la Géorgie : une cuisine méridionale millénaire

Les restaurants géorgiens en France



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