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À l'approche des élections du 1er octobre, l'avenir de la Bosnie-Herzégovine sur la sellette (2006)


mardi 19 septembre 2006

Fin avril 2006, la Chambre des Représentants de la République de Bosnie-Herzégovine a fait échouer le projet de modification de la Constitution. Deux voix seulement ont manqué lors du vote : 26 députés ont voté en faveur du texte et 16 contre. Les amendements proposés étaient le fruit d'un accord entre le Parti d'action démocratique, la Communauté démocratique croate, le Parti social-démocrate, le Parti des sociaux-démocrates indépendants et le Parti du progrès démocratique. Pour renforcer l'exécutif bosniaque, ils prévoyaient, entre autres, la fin de la Présidence collégiale et son remplacement par un Président assisté de deux députés présidents - le Premier ministre et le président du Parlement - qui auraient occupé le poste en alternance. Ce rejet des amendements est une victoire pour le Parti pour la Bosnie-Herzégovine dont le leader, Haris Silajdzic, avait critiqué la modification constitutionnelle prévue au prétexte qu'elle ne modifiait pas réellement la structure de la Bosnie-Herzégovine. Il a mené campagne contre la réforme de la Loi fondamentale en se prononçant pour une Bosnie sans entités (« Bez entita » était il y a encore quelques années le slogan de son Parti). De nombreux observateurs l'ont accusé d'avoir défendu le rejet des amendements à des fins électoralistes. L'ancien ministre de l'Intérieur de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, Mehmed Zilic, a enfreint les consignes de vote de son parti et s'est également prononcé contre la modification de la Constitution. Il a justifié son vote en expliquant qu'il était nécessaire, avant de modifier la Loi fondamentale, d'abolir les symboles de la République serbe et d'attendre l'issue du procès instruit par la Cour Internationale de Justice. Le Parti radical serbe-Vojislav Seselj (SRS-VS), la Communauté Démocratique Croate-1990 et les deux députés indépendants ont également voté contre les amendements.

Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut IRI, la majorité des Bosniaques étaient favorables à une modification de la Constitution : 53,5 % contre 26 % et 19,4% ne se prononçant pas. Les habitants de la Fédération de Bosnie-Herzégovine étaient les plus nombreux à se prononcer en faveur de la modification de la Loi fondamentale (57,5 % contre 48,5 % parmi les habitants de la République serbe). La communauté musulmane y était la plus favorable (60,6 % contre 50,3 % parmi les Croates et 44,9 % parmi les Serbes).

L'Union européenne a maintes fois signifié aux autorités bosniaques que le maintien du système actuel priverait le pays de tout accès à l'Union européenne. « La Bosnie-Herzégovine risque de manquer sa chance de se rapprocher de l'Union européenne à cause de la lenteur des réformes », a déclaré Reinhard Priebe, chef Élargissement de la Commission européenne. L'ouverture de négociations avec la Bosnie-Herzégovine avait été approuvée après que les deux entités du pays - la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la République serbe - se furent mises d'accord sur la création d'une force de police multiethnique unique. Mais depuis, les leaders de la République serbe ont cessé de participer aux travaux visant à mettre en place cette force de police déclarant qu'ils souhaitent conserver leur propre ministre de l'Intérieur. D'autres réformes économiques ou concernant l'éducation ou les médias sont toujours inachevées. Les négociations sur la modification de la Constitution devraient se poursuivre après les élections du 1er octobre prochain.

Le Conseil de l'Europe a condamné le refus des représentants serbes de participer aux travaux autour de la réforme des forces de police et rappelé que l'organisation d'un recensement de la population au plus tard en 2010 et la mise en place d'une commission en faveur de la vérité et de la réconciliation devront figurer en priorité sur l'agenda du futur gouvernement.

Le Haut Représentant Christian Schwarz-Schilling a également critiqué les membres du Parlement national, et plus spécifiquement les députés croates et musulmans, pour leur mauvaise foi et leur peu de volonté de faire aboutir les réformes. Le 24 mai dernier, il s'est adressé aux parlementaires bosniaques pour leur demander de mettre à profit les cent jours avant le scrutin pour montrer aux électeurs et à la communauté internationale leur volonté d'améliorer les conditions de vie de leurs concitoyens et d'avancer sur la voie de l'intégration du pays au sein des structures euro-atlantiques. Il a rappelé que la non-application de la réforme de la police et de l'audiovisuel public stopperait le processus d'adhésion à l'Union européenne et il a énuméré l'ensemble des lois qui devaient être votées, au premier rang desquelles figurent celles concernant l'éducation et notamment l'enseignement supérieur. Christian Schwarz-Schilling a reproché aux autorités de la République serbe leur obstruction persistante à la réforme de la police.

Le 29 juin dernier, par une résolution votée par 53 voix contre 28, le Conseil de l'Europe a exhorté la Bosnie-Herzégovine à amender sa Constitution au plus tard en octobre 2010 : « Même s'il est peu réaliste de penser que la Bosnie-Herzégovine abandonnera très prochainement son système de représentation basée sur l'ethnicité pour adopter une représentation plus citoyenne, l'adoption d'une nouvelle Constitution serait certainement préférable à toute amélioration de celle issue des accords de Dayton ». Cette résolution prend également position contre la tenue d'un référendum sur une éventuelle sécession de la part de la République serbe. Une telle consultation populaire n'a pas de fondement constitutionnel et la collecte de 50.000 signatures au bas d'une pétition demandant l'organisation d'un référendum n'aurait pas de base légale stipule le communiqué du Conseil de l'Europe.

Le référendum sur l'indépendance du Monténégro, qui s'est déroulé le 21 mai, n'a pas manqué de donner des idées à certains Serbes de Bosnie-Herzégovine. « La communauté internationale ne permettra pas la mise en danger de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine. La République serbe n'a pas le pouvoir d'organiser un référendum sur son indépendance et toute action mesure en ce sens briserait les accords de paix de Dayton », a averti Christian Schwarz-Schilling. De leur côté, les Serbes multiplient sur ce sujet les déclarations contradictoires. Ainsi, le 31 mai dernier, le Premier ministre de la République serbe, Milorad Dodik (SNSD), soulignait : « Le référendum représente un outil démocratique et théoriquement, il est possible d'y recourir à l'avenir si nous ne sommes pas en mesure de bâtir une Bosnie appartenant à tous. Si Sarajevo nous lance constamment le même message, selon lequel la République serbe ne devrait pas exister parce qu'il s'agirait d'une entité née d'un génocide, nous allons leur donner une réponse qui s'appelle « le peuple » et « le référendum » ». Quelques jours plus tard, il affirmait : « Je ne suis pas un aventurier qui pense qu'un référendum devrait être organisé car il n'y a aucun fondement pour une telle chose et aucune possibilité de reconnaissance par la communauté internationale ». Le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'Union européenne, Javier Solana, et la sous-secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Rosemary Di Carlo, se sont élevés contre l'idée d'un tel référendum. En revanche, le président du Parti démocratique de Serbie, formation du Premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, s'est rendu à Banja Luka soutenir les positions des dirigeants de la République serbe et a déclaré que, si elle devait être prononcée, l'indépendance du Kosovo ouvrirait la voie à la séparation des deux entités de la République de Bosnie-Herzégovine. Une récente enquête d'opinion, réalisée par l'agence Partner, a révélé que 75 % des Bosniaques voteraient en faveur de la séparation de la République serbe et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine si un référendum sur le sujet était organisé.

Le Conseil de l'Europe a récemment rappelé aux autorités bosniaques la nécessité de leur coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye (TPIY) concernant l'arrestation des deux ex-chefs politiques et militaires bosno-serbes - le général en chef des forces militaires serbes en Bosnie, Ratko Mladic, et le « Président » des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic - en fuite depuis leur inculpation en 1995 pour génocide, crimes contre l'humanité (notamment lors du siège de Sarajevo, qui a fait près de 10 000 morts, et du massacre à Srebrenica, 8 000 morts musulmans en juillet 1995) et crimes de guerre pour leur rôle dans la guerre de 1992-1995.

Le 25 mars dernier, le président du Conseil des ministres, Adnan Terzic, a surpris en déclarant qu'une commission chargée d'enquêter sur la disparition des Musulmans et des Serbes des dix municipalités de Sarajevo entre 1992 et 1995 serait prochainement créée. Cette commission sera composée de trois représentants de chacun des trois peuples constitutifs, plus un représentant des « autres », et devrait rendre son rapport d'ici un an. Alors qu'il était opposé à la création d'une telle commission, Adnan Terzic a finalement changé d'avis afin de ne pas donner de prétexte à ceux qui veulent bloquer les travaux du Parlement et les réformes qui s'imposent. Le Président en exercice, Sulejman Tihic, a qualifié « d'hypocrite » l'établissement d'une commission pour Sarajevo, et pas pour Zvornik, Brcko ou d'autres villes, et exprimé le souhait de voir se mettre en place une commission unique pour toute la Bosnie-Herzégovine. « Les victimes ne peuvent pas être réparties selon des critères de nationalité, de religion ou de territoire », a-t-il déclaré accusant les autorités de la République serbe de politiser la question à outrance.

Dans le passé, les autorités de la République serbe ont souvent comparé les crimes commis sur les Musulmans à Srebrenica à ceux commis contre les Serbes à Sarajevo. Selon elles, de 3 à 5 000 Serbes seraient morts à Sarajevo. Les autorités croates et musulmanes de la Fédération de Bosnie-Herzégovine considèrent ce chiffre comme très exagéré. Le Comité Helsinki des droits de l'Homme de Bosnie-Herzégovine avance, pour sa part, le chiffre de 5 à 600 personnes. Il y a trois ans, la Chambre des Représentants de la République de Bosnie-Herzégovine avait ordonné aux autorités de la République serbe d'enquêter sur les circonstances relatives à la chute de Srebrenica. Après l'intervention décisive du Haut représentant, l'entité serbe avait publié un rapport qui, pour la première fois, reconnaissait de façon officielle les crimes de Srebrenica. Le Président Dragan Cavic avait également présenté ses excuses aux familles des victimes.

La commission d'enquête sur Sarajevo pourrait aboutir à la création d'autres commissions destinées à enquêter sur d'autres crimes ayant eu lieu dans d'autres villes du pays.

Corinne Deloy/Fondation Robert Schuman



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