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Les Polonais de Lituanie : un héritage lourd à assumer


mardi 9 janvier 2007

Du temps de l'URSS, les Polonais constituaient des minorités nationales dans diverses régions de l'Union. La majorité d'entre eux se trouvait concentrée dans les Républiques occidentales, dans des arrondissements ayant autrefois appartenu à la Pologne : Galicie (Ukraine), Biélorussie (près de 600.000 individus), Latgale (Lettonie) et bien sûr Lituanie.

On rencontrait aussi d'importantes colonies de Polonais dans des ex-zones de déportation ou de relégation, comme le Kazakhstan ou la Sibérie. Avec l'éclatement de L'URSS, ces populations se sont trouvées subitement isolées au sein d'États nationaux et confrontées à de nouvelles possibilités professionnelles, mais aussi à de nouveaux problèmes.

Tel est précisément le cas des quelque 250. 000 citoyens lituaniens qui se déclarent de nationalité polonaise en 1991 (1). Concentrés dans des zones bien déterminées à majorité slave (2) (en ce qui concerne les campagnes) - le cas de Vilnius, cité d'immigration, est différent : les Zabuga, comme les ont longtemps nommés leurs compatriotes de Pologne, éprouvèrent au début quelques difficultés à s'adapter à leur nouvel environnement et manifestèrent parfois un attachement surprenant à Moscou (3). Cette réaction s'explique néanmoins aisément, si l'on prend en compte la mémoire diffuse, mais vive, du conflit lituano-polonais de l'entre-deux-guerres, l'existence de forts stéréotypes dans les consciences des deux parties et le fait que, du temps de l'URSS, 66 % des élèves polonais fréquentaient des écoles russes.

Dans la mesure où, à l'époque soviétique, les Polonais constituaient la communauté slave la mieux organisée, c'est eux qui, dans les premières années de l'indépendance, conduisirent la fronde contre les autorités de Vilnius. Durant la période 1990-1994, une vive tension régna dans la région.

Cette tension se manifesta autour de quatre questions principales :
-  La nouvelle loi sur la langue (1995) et particulièrement la non-reconnaissance du polonais comme langue officielle dans les régions « polonaises » ainsi que l'obligation d'orthographier les patronymes avec la graphie lituanienne,
-  Le réaménagement des districts électoraux en faveur des titulaires,
-  L'élargissement des limites de la ville de Vilnius en terre polonaise, ce qui aurait, aux yeux des intéressés empêché les restitutions de propriétés polonaises dans la région,
-  La proposition d'élever les seuils électoraux à 5 % aux élections générales de 1996, ce qui aurait eu pour effet de limiter le nombre de députés polonais.

À partir de 1994, en réaction à la loi électorale, qui stipule que les candidats aux élections ne peuvent être nommés que par des partis politiques, un parti politique polonais, l'Action Électorale Polonaise, a entrepris, à l'initiative de l'Union des Polonais de Lituanie, de défendre « bec et ongle » les intérêts polonais. Ce parti semble toutefois actuellement assez peu suivi par la population de base, de plus en plus indifférente aux questions ethniques et relativement satisfaite de son sort.

Depuis quelques années - en raison notamment du spectaculaire rapprochement entre Vilnius et Varsovie, consécutif à la signature du traité d'État entre les deux gouvernements en 1994 - la situation s'est beaucoup détendue de part et d'autre. Un Congrès Polonais et un Centre pour la compréhension mutuelle (présidé par une personnalité reconnue de la communauté polonaise de Lituanie : le député Czeslaw Okinczyc) œuvrent depuis quelques années en faveur d'une meilleure insertion des Polonais dans leur nouvelle patrie.

La frontière lituano-polonaise étant ouverte, les échanges sont nombreux et, comme à la Renaissance, les étudiants polonais de Lituanie n'hésitent plus à aller faire leurs études supérieures en Pologne (tous ne reviennent pas !).

L'ouverture en février 2001 d'un important (certains le trouvent surdimensionné) Centre communautaire polonais à Vilnius, financé par la riche, nationaliste et conservatrice fondation Polonia de Varsovie (après ceux de Druskininkai et de Eisiskes) a représenté un nouveau pas vers une amélioration de la situation. Il faut cependant noter la persistance, dans certains milieux polonais de Lituanie, d'une tendance à se plaindre de façon systématique et bruyante, afin d'obtenir des financements de Pologne et notamment, de la fondation mentionnée ci-dessus. Celle-ci, soutenue financièrement par le Sénat polonais, ne jouerait pas toujours un rôle favorable à un rapprochement intercommunautaire.

NOTES
-  (1) Leur dialecte, assez différent du polonais standard, est souvent considéré par les Lituaniens comme du biélorussien teinté de polonais et de lituanien.
-  (2) La ville de Salcininkai est à 82 % polonophone.
-  (3) En revanche, l'antisémitisme ne paraît plus être une composante significative de l'identité des Polonais de Lituanie.

Yves Plasseraud, président du Groupement des Minorités (GDM) et professeur à l'Université de Vilnius.



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