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Grille d'analyse pour mesurer le degré de démocratie politique en Europe centrale et orientale (2007)


dimanche 25 février 2007, par Hervé Collet

Le questionnaire ci-après a été écrite pour aider les correspondants du Fonds Européen pour la liberté d'expression, dans le cadre de son Observatoire européen de la démocratie, à établir leur bilan national en vue du troisième Rapport sur l'état d'avancement de la démocratie en Europe centrale et orientale, publié au cours du premier trimestre 1997.

Il a été élaboré à la suite du Forum sur la liberté d'expression qui s'est tenu en septembre 1996 à Ohrid (Ancienne république yougoslave de Macédoine) et a été adopté par le Conseil d'administration du Fonds le 3 octobre 1996. Rédaction finale : Hervé Collet, ancien délégué général du Fonds.

A. Pluralisme des partis

1. Parti dominant et statut de l'opposition

Un parti ou une coalition majoritaire peut devenir dominant, quand il détient le contrôle de l'ensemble des rouages de l'État, de l'économie et des médias, sans contrepoids véritable. Est-ce le cas ?
-  Les parlementaires ont-ils vraiment la possibilité de discuter les projets de lois qui leur sont soumis ou tout est-il joué d'avance au niveau du parti au pouvoir ?
-  Peut-on parler d'un droit ou d'un statut de l'opposition : locaux et facilités matérielles, droit d'interpellation parlementaire (procédure des questions écrites ou orales, avec ou sans débat), accès aux médias ?
-  Certains partis importants sont-ils absents du Parlement (règles électorales trop rigides, boycott des élections, etc)

2. Droit de recours

Existe-t-il une cour constitutionnelle qui permet de procéder à un arbitrage en cas de conflit entre le citoyen et l'État, entre l'opposition et le parti au pouvoir, entre les autorités de l'État. Joue-t-elle un rôle actif et déterminant ?
-  Comment ses membres sont-ils nommés ?
-  Ses décisions sont-elles appliquées ?

B. Financement des partis - corruption

3. Financement des partis politiques et des campagnes électorales
-  Présence ou absence d'une loi sur le financement public des campagnes électorales ?
-  Quel type de recours au financement privé, notamment en provenance de l'étranger ?
-  Une institution vérifie-t-elle les comptes des campagnes électorales et des partis politiques ?

4. Indépendance politique et financière des parlementaires
-  Présence ou absence d'immunité parlementaire protégeant la fonction ?
-  Le niveau de leurs indemnités permet-il aux parlementaires de vivre décemment et de se consacrer à l'exercice de leur mandat ? (Préciser le montant, en indiquant parallèlement le salaire moyen d'un cadre d'entreprise ou d'administration.)
-  Peuvent-ils cumuler leur fonction et leur traitement avec des activités économiques ?
-  Les dons en nature ou en argent aux parlementaires par des sociétés commerciales sont-ils autorisés (ou interdits) par la loi pour le financement de leurs campagnes ?
-  Les privatisations permettent-elles aux élus d'obtenir des avantages économiques ?
-  Existe-t-il une réglementation concernant les groupes de pressions ?

5. Corruption
-  Quel est l'Indice de perception de la corruption (IPC) établi par l'ONG Transparency international pour le pays ?
-  Est-ce que l'enrichissement personnel des parlementaires (et plus généralement, des hommes politiques) à l'occasion des fonctions électives qu'ils remplissent est sanctionné par la loi ?
-  Les dirigeants politiques coupables d'irrégularités sont-ils poursuivis par les tribunaux ?
-  Si oui, ces poursuites aboutissent-elles à des condamnations effectives ?
-  La presse signale-t-elle souvent des "scandales politico-financiers" ou des "affaires" ?
-  Quelle est la proportion d'économie parallèle ou d'économie de l'ombre estimée par rapport au PIB ?

6. Justice et vie politique
-  Les tribunaux sont-ils indépendants du pouvoir politique, en droit et en fait : mode de nomination des juges, rôle joué par le ministère de la justice (donc le gouvernement) dans l'instruction des procès touchant au domaine politique, etc. ?
-  La justice fonctionne-t-elle correctement ? Les tribunaux ont-ils des moyens suffisants (risque de saturation) ?

C. Vie politique et démocratie

7. Vie électorale
-  Lors des élections, l'intimidation, la fraude, les irrégularités sont-ils importants ?
-  Existe-t-il des règles garantissant l'accès équitable aux médias à tous les candidats en période électorale ?
-  Les lois électorales sont-elles changées au dernier moment, pour permettre le maintien au pouvoir de l'équipe en place ? Les délais de convocation des électeurs sont-ils suffisants pour permettre à l'opposition de s'organiser et de se faire connaître ?
-  Le taux d'abstention aux élections et la non-inscription de citoyens sur les listes électorales sont-ils élevés (donner des chiffres comparatifs depuis 1990, si possible) ?

8. Participation des citoyens à la vie politique - exercice de la citoyenneté
-  Existe-t-il une procédure de référendum populaire dans la Constitution ? Est-elle utilisée ?
-  Le citoyen de base est-il concerné par le débat politique : inscription aux partis politiques, existence de clubs de réflexion, souscription à des revues politiques, manifestations dans la rue, etc ?
-  Les manifestations sur la voie publique sont-elles soumises à des limitations légales ou de fait ?
-  Les différentes catégories sociales font-elles pression auprès des élus par le biais du lobbying ?

9. Apuration des comptes du passé
-  Les personnes injustement condamnées ont-elles été réhabilitées et correctement indemnisées ?
-  Existe-t-il une loi prévoyant la restitution des biens aux particuliers ? Si oui, comment est-elle appliquée ?
-  Des lois punissent-elles les exactions d'un régime autoritaire antérieur et sanctionnent-elles ceux qui les ont ordonnées et exécutées ? Existe-t-il des lois ou des pratiques d'épuration (ou de lustration) ?
-  Les archives de la police secrète sont-elles accessibles ?

10. Séparation des pouvoirs
-  Rapports entre le chef de l'État et le chef du Gouvernement. Dans certains pays, ces rapports sont conflictuels, parce que les titulaires de ces postes appartiennent à des partis opposés. Comment s'effectue cette cohabitation, en droit (pouvoir respectif de l'un et de l'autre) et en fait (répartition des responsabilités plus ou moins harmonieuses) ?
-  Le Parlement a-t-il l'initiative des lois ou son ordre du jour est-il fixé prioritairement par le gouvernement ?
-  Le gouvernement peut-il être révoqué par le parlement (procédure de "motion de censure") ? Existe-t-il un droit de dissolution du Parlement par le chef de l'État ?

11. La démocratie au sein des partis
-  Les partis politiques réunissent-ils régulièrement leurs instances statutaires (congrès) ?
-  Les dirigeants sont-ils élus démocratiquement ?

D. Liberté syndicale

12. Pluralisme et indépendance
-  Les syndicats sont-ils indépendants des partis politiques, du pouvoir en place, du patronat, etc.
-  Le pluralisme syndical est-il assuré, en droit, en fait ?.
-  Subsiste-t-il des monopoles syndicaux pour accéder à certaines professions ?

13. Protection des syndicalistes
-  Quelles sont les garanties données aux syndicalistes pour l'exercice de leurs fonctions (crédit d'heures, interdiction de licenciements pour motifs syndicaux) ?

14. Droit de grève
-  Limitation du droit de grève : existe-t-il des obligations de service public minimum, de délais de préavis avant le déclanchement de la grève ?
-  La grève est-elle interdite dans certains domaines stratégiques (police, armée, transports, santé, etc) ?

À TITRE D'EXEMPLE : L'ANALYSE DE LA SITUATION DE LA VIE POLITIQUE EN 1996 DANS 16 PAYS D'EUROPE CENTRALE

Le texte ci-après est tiré du troisième Rapport sur l'état d'avancement de la démocratie en Europe centrale et orientale du Fonds Européen pour la liberté d'expression (1996), cité précédemment. Il est publié sur le site du COLISEE dans le but d'illustrer la grille publiée ci-dessus. La Rédaction attire l'attention du lecteur sur les évolutions, parfois spectaculaires, qui ont pu se produire depuis 1996 dans les pays analysés, notamment chez ceux qui ont intégré l'Union Européenne.

LES TENDANCES GÉNÉRALES

En Europe centrale et orientale, l'année 1996 a surtout été marquée par l'alternance politique dans plusieurs pays, mais aussi par des avancées sensibles dans le règlement du contentieux politiques entre pays voisins et dans la lutte contre la corruption.

1. Le phénomène d'alternance politique, que les démocraties occidentales connaissent depuis longtemps, s'est renforcé en Europe centrale et orientale à l'occasion d'un calendrier électoral particulièrement chargé. Le "retour de balancier" a joué dans les deux sens :

a) Une poussée "de gauche" s'est manifestée dans certains pays, même si elle n'a pas été aussi forte qu'en 1994-1995, où l'on a pu parler d'un "retour du communisme" en Europe centrale et orientale.

En Moldavie, où les néocommunistes avaient repris le pouvoir aux législatives de février 1994, l'élection présidentielle a vu en décembre 1996 la victoire d'un candidat plus communiste et davantage tourné vers la Russie que le président Snegur. Celui-ci a même a constitué un parti d'opposition ...

En République tchèque, aux élections législatives de juin 1996, le parti social-démocrate (la seule formation socialiste d'Europe centrale qui ne soit pas la transformation d'un ancien parti communiste) a fait perdre la majorité absolue à l'équipe libérale au pouvoir depuis 1990. Le gouvernement de Vaclav Klaus est désormais minoritaire. Il a dû non seulement composer avec ses alliés du centre, mais aussi tenir compte de l'opposition sociale-démocrate, à qui est revenue la présidence de la chambre des députés.

b) A l'inverse, une évolution vers la "droite", plus marquée, s'est produite dans d'autres pays.

Les élections présidentielles roumaines, de novembre 1996, malgré le pourcentage de fraude que l'on pourait dire "habituel" dans ce pays, ont vu la victoire du démocrate-chrétien Emil Constantinescu sur le néo-communiste Ion Iliescu, renforçant ainsi le succès de l'opposition aux élections communales (juin) et législatives (novembre).

La Lituanie, qui avait déjà été le premier pays d'Europe centrale et orientale à ramener au pouvoir des anciens communistes, à l'automne 1992, a réélu d'anciens dissidents menés par Vytautas Landsbergis, à l'automne 1996. En Yougoslavie, si les électeurs ont conforté au niveau fédéral les partis qui soutiennent le néocommuniste Milosevic (en raison notamment de manipulations des circonscriptions), ils ont voté pour l'opposition dans la plupart des grandes villes de Serbie (novembre 1996).

Enfin, en Bulgarie, le maintien de la droite modérée à la tête de l'Etat, à la faveur de l'élection de Peter Stoïanov à l'automne 1996, pourrait être suivi d'un succès de l'opposition aux législatives anticipées, prévues pour le 19 avril 1997.

Cette alternance a des origines diverses selon les pays. Mais dans beaucoup de cas, elle a reposé sur l'usure du pouvoir en place, phénomène que connaissent tous les systèmes politiques, mais qui est aggravé en Europe centrale et orientale en raison de l'ampleur des problèmes économiques et sociaux rencontrés.

2. Des avancées sensibles dans le réglement du contentieux diplomatique entre pays voisins

L'année 1996 a été particulièrement fructueuse en matière de réglement de différends entre pays voisins. C'est ainsi qu'on a pu observer la signature des accords suivants :
-  Entre la Macédoine et la Grèce à propos du drapeau et du nom de la République macédonienne.
-  Entre l'Albanie et la Grèce au sujet des frontières et des minorites (avril)
-  Entre l'Italie et la Slovénie au sujet de l'Istrie (mai). Ce traité a eu des répercussions immédiates sur l'accord d'association de la Slovénie avec l'Union Européenne, signé en juin.
-  Entre la Roumanie et la Hongrie sur les frontières et les minorités (septembre)
-  Entre la République tchèque et l'Allemagne (déclaration commune) au sujet du contentieux historique et de la situation des allemands en République tchèque (janvier 97)

3. Des efforts notables pour lutter contre la corruption

La corruption est un phénomène très répandu en Europe centrale et orientale (on l'observe aussi en Europe occidentale), avec toutefois des degrés divers selon les pays. Les causes en sont multiples :
-  Les pratiques d'enrichissement personnel ou partisan qu'ont connues les régimes communistes n'ont pas disparu avec le changement de système politique. Beaucoup d'anciens apparatchiks, qu'ils soient restés au pouvoir, ou qu'ils se soient recyclés dans le secteur économique, n'ont rien abandonné de leurs méthodes et de leurs réseaux traditionnels.
-  Les privatisations ont créé des occasions particulièrement favorables dans ce domaine, à la faveur d'un cadre juridique souvent imprécis, et surtout d'un manque de contrôle démocratique
-  Le développement d'un libéralisme qu'on a pu appeler "sauvage" facilite la conclusion de contrats douteux, profitant de la désorganisation des instances de contrôle ou du flou qu'entrainent les changements de système administratif.
-  La dégradation des conditions économiques et sociales dans certains pays a renforcé ici ou là la tentation, pour des fonctionnaires peu payés ou non payés depuis plusieurs mois, de trouver des compléments de revenus "non légaux"

A cela s'ajoutent, dans beaucoup de cas :
-  L'absence ou la déficience d'un système réglementant le financement des partis poltiques
-  La déficience de la législation sur les abus de biens sociaux
-  La connivence des services de répression, eux-mêmes parfois corrompus
-  L'impuissance de la justice ou son contrôle par le pouvoir
-  L'autocensure ou l'impuissance des médias, souvent d'ailleurs contrôlés par le pouvoir, et peu habitués, même quand ils sont indépendants, au journalisme d'investigation
-  Le développement de réseaux mafieux, qu'ils soient nationaux ou internationaux.

L'année 1996 a été marquée dans ce domaine par deux tendances majeures :
-  La recrudescence du nombre d' "affaires" visant des dirigeants d'Europe centrale et orientale, qu'elles fassent l'objet de procédures judiciaires ou qu'elles soient simplement évoquées par les médias. Cette évolution (comme en Europe occidentale) traduit moins une augmentation de la corruption qu'un progrès dans l'indépendance des médias et de la justice. Quelquefois, une nouvelle équipe politique fait le procès de la précédente.
-  Le développement d'un dispositif anti-corruption, du moins dans les pays les plus démocratiques.

TROIS GRANDES CATÉGORIES DE PAYS

On peut distinguer, en combinant un certain nombre de critères, trois grandes catégories de situations politiques en Europe centrale et orientale, au sein desquelles existe une grande diversité.

1. LES PAYS À RÉGIME AUTORITAIRE : Albanie, Bosnie, Moldavie, R.F. de Yougoslavie

Il s'agit de pays de la zone des Balkans, dont deux sortent d'une terrible guerre (Bosnie, Yougoslavie) et dont un troisième est entré dans une situation chaotique (Albanie). Ils sont marqués par une grande pauvreté économique et par un manque de culture démocratique. À leur tête sont installés des partis dominants et des chefs d'État autoritaires. Ces dirigeants ont été élus légalement, mais souvent au prix de manipulations électorales ou de promesses démagogiques. Pour se maintenir au pouvoir, ils ont mis en place (ou recueilli de l'ancien régime) un système contrôlant tout ce qui risquerait de constituer une opposition : les médias, les syndicats, les associations, les Eglises, les collectivités locales, etc (voir les autres rubriques).

Les principales caractéristiques de cette emprise sont les suivantes :

A. Le parti majoritaire est dominant

Le fait de remporter la majorité des sièges n'implique pas nécessairement l'exercice d'un pouvoir autoritaire. Mais dans les pays que nous examinons, cette prépondérance se traduit par une mainmise sur la totalité des pouvoirs publics - présidence de la République, gouvernement, Parlement, collectivités locales - ainsi que sur l'ensemble des corps intermédiaires.

En Albanie, le PDA (Parti démocratique albanais) dispose de 101 sièges sur 140. Le président Sali Berisha a régné jusqu'à présent en maître sur l'administration, les services secrets et les médias.

En Bosnie, les partis nationalistes SDS, en Republika srpska, et HDZ et dans la partie croate de la Fédération croato-musulmane exercent un pouvoir sans partage sur le territoire qu'ils contrôlent. Dans la partie administrée par les bosniaques musulmans, où le SDA est dominant, un certain pluralisme est cependant observable.

En Serbie, le parti socialiste de Serbie du président Milosevic ne dispose, avec ses alliés, que de 130 députés (sur 250), mais il tient fermement le pays en mains.

b) A contrario, les droits de l'opposition sont bafoués. Dans certains de ces pays, elle a même boycotté les élections (Albanais du Kosovo, une partie des Albanais en Macédoine), ou s'est retirée avant la fin du premier tour de scrutin (Albanie). En Serbie, elle refuse de participer à une caricature de vie parlementaire (cas des députés de l'opposition Zajedno).

c) Le pays est soumis à un système policier qui utilise des méthodes héritées du régime communiste. Elles sont plus ou moins voyantes, mais efficaces. En Serbie, par exemple, les militants associatifs ou syndicaux notoires sont étroitement surveillés : écoutes téléphoniques, interpellations quand ils vont à l'étranger, interrogations policières "pour information", etc. En Albanie, les pressions de la police secrète sont à ce point impopulaires que, lors de la "rébellion" du sud, au début de 1997, un policier a été brûlé vif par la foule ...

d) Le pouvoir se livre à des manipulations électorales qui prennent deux formes :
-  Manipulation des lois électorales ou des circoncriptions : en Serbie, en mai 1996, les circonscriptions électorales ont été remaniées de manière à donner environ 60% des sièges du Parlement au parti dominant avec seulement 40% des voix. En Moldavie, en vertu d'une loi adoptée - comme c'est souvent le cas dans ce pays - juste avant l'échéance électorale, seuls les candidats du pouvoir ont bénéficié des finances publiques.
-  De graves irrégularités électorales : fraude, intimidation. Les cas les plus graves ont été relevés en Bosnie. Si le scrutin municipal de Mostar (30 juin 1996) s'est déroulé dans des conditions relativement satisfaisantes, les Croates ont refusé de reconnaître la victoire du maire musulman. Les pressions de l'Union européenne pour maintenir la fiction d'une ville à nouveau unifiée ont abouti le 14 août à la désignation d'un maire croate avec un adjoint musulman. Puis, le 27 août, à cause d'irrégularités sur les listes électorales serbes, l'OSCE a décidé de reporter les élections municipales, initialement prévues pour le 14 septembre sur l'ensemble de la Bosnie. Enfin, les élections législatives et présidentielles du 14 septembre se sont déroulées dans des conditions catastrophiques, sans liberté de circulation et avec de multiples fraudes.

En Serbie, les résultats des élections municipales dans un certain nombre de villes où l'opposition avait gagné ont été manipulées (novembre).

En Albanie, le scrutin législatif des 26 mai et 2 juin a été entaché de graves irrégularités dans plusieurs circonscriptions. Les fraudes ont été importantes lors des élections présidentielles en Moldavie (17 novembre et 1er décembre).

e) La fonction publique est entièrement contrôlée par le pouvoir. Elle n'a pas changé de méthodes de travail, ni de fonctionnaires depuis la période communiste. L'économie reste étatisée. L'administration est le moyen de contrôler l'ensemble des activités du pays et de donner aux "amis" et aux "clients" des occasions de revenus occultes et de pouvoirs sans partage.

f) La justice est dépendante du pouvoir politique

La cour constitutionnelle ne joue aucun rôle en Albanie et en Bosnie, ou constitue un appendice du pouvoir politique en Serbie. Dans ce dernier pays, elle a avalisé les positions du pouvoir, qui a d'abord refusé de reconnaître la victoire de l'opposition aux élections municipales de novembre 1996, pour finir par l'admettre en février 1997, sur la recommandation du président serbe Milosevic...

Toutefois, trois médiateurs supervisés par la Communauté internationale interviennent en Bosnie musulmane.

g) La corruption est très développée et érigée en système de financement du parti dominant, voire d'enrichissement personnel de ses dirigeants, sans contrepoids venant de la presse ou de la justice, qui sont sous le contrôle du pouvoir.

h) Le pluralisme et la liberté syndicale n'existent pas. Le syndicat officiel est entièrement entre les mains du parti au pouvoir et des dirigeants d'entreprises étatisées (notons que dans ces pays, les privatisations n'ont pas été introduites). Il existe bien des syndicats indépendants, mais ils vivent de façon semi-clandestine, et sont intimidés ou discrédités.

2. LES RÉGIMES PLURALISTES : Hongrie, Pologne, République tchèque (Triangle de Visegrad), Slovénie et dans une large mesure, les pays Baltes

Il s'agit de pays qui avaient connu une vie parlementaire avant l'arrivée du communisme. Ils sont proches des pays occidentaux, sur un plan géographique et politique, et leur niveau de développement économique et social est élevé. Ce sont par ailleurs des pays dont les dossiers d'intégration à l'Union européenne sont les plus avancés. Ils ne sont pas pour autant exempts de critiques, mais les actes répréhensibles des dirigeants sont soulignés par l'opposition et par la presse, ou poursuivis par la justice, et font souvent l'objet de rectifications de la part des dirigeants eux-mêmes.

Ces pays sont marqués par les caractéristiques suivantes :

a) Le pluralisme politique et les droits de l'opposition sont assurés

Tous ces pays ont des gouvernements de coalition, ce qui facilite l'esprit de négociation et de concession. Le gouvernement slovène, à la suite des élections de février 1997, est toujours pluripartite. En République tchèque, le gouvernement de Vaclav Klaus, minoritaire à la Chambre des députés, est obligé de tenir compte de son principal rival, le parti social-démocrate. Le président de la Chambre des députés est même leader de l'opposition, cas unique en Europe.

Les partis reçoivent un financement proportionnel au nombre de députés. Le droit d'interpellation est largement pratiqué.

b) La justice peut être considérée comme indépendante vis-à-vis du pouvoir, et ce à plusieurs niveaux :
-  Les cours constitutionnelles jouent leur rôle de garants suprêmes de l'État de droit. Des cas exemplaires peuvent être cités : en Estonie, la Cour nationale comprend une Cour chargée des questions constitutionnelles et jouit d'une indépendance véritable. En Hongrie, la cour constitutionnelle a, dans le passé, sanctionné non seulement des textes législatifs, mais aussi d'importantes mesures prises par le gouvernement.
-  Les tribunaux sont indépendants. Les juges ne sont pas révocables, sauf décision de justice. Ils peuvent s'appuyer sur des codes civils et pénaux rénovés.
-  Le phénomène de médiation monte en puissance. C'est le cas en Pologne, où l'institution du médiateur est la plus ancienne des pays d'Europe centrale et orientale (1991). En République tchèque, un projet de loi relatif au "défenseur public des droits" a été présenté à la Chambre des députés en 1996. La mesure prévoit la nomination d'un médiateur chargé d'enquêter sur les plaintes des citoyens portant sur la violation des lois et des réglementations de l'administration publique.

c) L'administration est rénovée ou en cours de réforme. Ces pays ont procédé à une vaste réorganisation de leurs départements ministériels et une refonte de leurs méthodes de travail, avec le concours de juristes et de représentants d'administrations d'Europe occidentale, dans le cadre de coopérations bilatérales ou multilatérales (en particulier dans le cadre du programme SIGMA, mis en place par l'OCDE et le programme Phare de l'Union Européenne).

d) La lutte contre la corruption est active

L'efficacité de cette lutte repose sur une ferme volonté politique de la part des gouvernants, y compris à l'égard de leurs propres amis, mais aussi sur le développement de la liberté d'expression et sur l'indépendance de la justice. Elle passe, dans les États de droit, par :
-  Le développement du journalisme d'investigation qui permet la révélation par la presse d'affaires délictueuses, dans le cadre d'une déontologie de la presse et d'une protection légale des droits de la défense. Des ministres ont été forcés de démissionner en Slovénie après la révélation de plusieurs scandales financiers par la presse.
-  La traduction en justice des auteurs de délits de corruption, à tous les niveaux de responsabilité. Certes, il arrive, comme partout, que certaines "affaires" de corruption soient étouffées, mais on constate de plus en plus que des procès sont intentés à l'encontre d'hommes politiques de haut niveau et que certains d'entre eux se traduisent par des sanctions.
-  L'adoption de dispositifs anti-corruption. En Lettonie, par exemple, est entrée en vigueur une loi anti-corruption. Celle-ci interdit au Président, aux ministres, aux parlementaires, et à leurs collaborateurs secrétaires parlementaires d'exercer un emploi en dehors du secteur public. Tous sont tenus de déclarer leur revenu au Gouvernement afin de s'assurer que leurs ressources sont conformes à la nouvelle législation. La mesure interdit aux responsables politiques d'occuper des emplois extérieurs aux fonctions parlementaires ou gouvernementales auxquelles ils ont été nommés ou élus.

d) La liberté syndicale est acquise

Les organisations de salariés et de dirigeants d'entreprises sont diversifiées et actives. Le dialogue social se tient dans des conditions analogues à celles que l'on trouve en Europe occidentale.

3. LES RÉGIMES MIXTES : Bulgarie, Croatie, Macédoine, Roumanie, Slovaquie

Ces pays possèdent un grand nombre des caractéristiques que nous avons relevées dans la catégorie des pays à régime autoritaire, mais à des degrés moindres. Ce sont des régimes où un parti est dominant, mais où un certain pluralisme est observable et l'on peut parler à leur égard d'un État de droit.

Nous les avons subdivisés en deux catégories, selon le degré d'évolution qu'ils ont connue en 1996 :

A. Les pays à démocratie restreinte, sans évolution sensible en 1996 : Croatie, Macédoine, Slovaquie. Il s'en dégage les grandes tendances suivantes :
-  Il existe certes un parti dominant, qui étend son emprise sur l'ensemble de la vie sociale et politique du pays : HDZ en Croatie, HDZS en Slovaquie, l'UPM en Macédoine.
-  Mais l'opposition a des droits reconnus et la vie parlementaire s'exerce dans des conditions acceptables.
-  Les tribunaux sont relativement indépendants. En Macédoine, par exemple, la Cour constitutionnelle a réglé en 1995, 70 litiges entre l'Etat et les particuliers.

B. Les pays qui connaissent de grands bouleversements depuis la fin 1996  : Roumanie, Bulgarie

Les événements récents qu'ils ont vécus dans la dernière période nous conduisent à les étudier à part, dans la mesure où leur système politique est amené à évoluer dans les prochains mois.

a) En Roumanie

Ce pays pouvait être classé, jusqu'aux élections de novembre 1996, dans les pays à régime autoritaire. À titre d'exemple, il existe dans ce pays dix catégories de forces de police, sans parler de la police secrète. La fraude électorale, habituelle dans ce pays, a été importante lors des élections présidentielles de novembre, malgré la présence d'observateurs internationaux. Elle n'a cependant pas empêché l'opposition de remporter en 1996 toutes les élections (locales, législative et présidentielle). Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les progrès réellement intervenus dans le processus démocratique dans ce pays, qui doit prendre de courageuses mesures de redressement économique. Mais les prises de position fermes des nouveaux dirigeants et leurs premières décisions autorisent un diagnostic optimiste.

Avant même le changement d'équipe politique, la Chambre des députés avait adopté un projet de loi approuvant l'institution d'un "avocat du peuple" (médiateur). Il est prévu que le titulaire soit choisi par le Sénat pour un mandat de quatre ans et intervienne comme défenseur des droits et des libertés des citoyens dans leurs rapports avec les pouvoirs publics.

b) En Bulgarie

La victoire de Peter Stoïanov, candidat de l'opposition de droite, au scrutin présidentiel des 27 octobre et 3 novembre 1996 a d'abord provoqué une impasse politique, en raison des pouvoirs réduits dont dispose le chef de l'Etat. Il lui était difficile de lutter contre l'emprise des anciens communistes du parti socialiste bulgare (PSB). Mais l'accroissement de la pauvreté, et la mise à jour d'un certain nombre de scandales ont entraîné d'importantes manifestations populaires contre le PSB au pouvoir. Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1997, des dizaines de milliers de manifestants ont partiellement incendié le Parlement. Le 4 février 1997, après 25 jours de manifestations, les socialistes ont renoncé à former un gouvernement. Le 12 février 1997, un gouvernement intérimaire, dirigé par une personnalité indépendante, a été désigné jusqu'aux élections anticipées du 19 avril 1997. Ces élections sont de nature à modifier notablement la situation du pays si le suffrage populaire amène au pouvoir une majorité proche du président de la République.

Lire également :
-  Grille d'analyse pour mesurer l'état d'avancement de la démocratie dans un pays émergent/1ère partie http://www.colletherve.com/index.ph...
-  Grille d'analyse pour mesurer l'état d'avancement de la démocratie dans un pays émergent/2ème partie http://www.colletherve.com/index.ph...



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