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Grille d'analyse pour mesurer le degré de développement et de liberté de la vie associative (ONG) en Europe centrale et orientale (2007)


dimanche 25 février 2007, par Hervé Collet

Le questionnaire ci-après a été écrit pour aider les correspondants du Fonds Européen pour la liberté d'expression, dans le cadre de son Observatoire européen de la démocratie, à établir leur bilan national en vue du troisième Rapport sur l'état d'avancement de la démocratie en Europe centrale et orientale, publié au cours du premier trimestre 1997.

Il a été élaboré à la suite du Forum sur la liberté d'expression qui s'est tenu en septembre 1996 à Ohrid (Ancienne république yougoslave de Macédoine) et a été adopté par le Conseil d'administration du Fonds le 3 octobre 1996. Rédaction finale : Hervé Collet, ancien délégué général du Fonds.

A. Poids politique

1. Chiffrage
-  Combien y a-t-il d'associations au total dans le pays ? Combien d'entre elles sont-elles vraiment actives ?
-  Quel pourcentage par rapport au nombre d'habitants (par exemple : une association pour 100 ou 1000 habitants) ?

2. Impact sur la vie démocratique
-  Est-ce que, dans l'ensemble, les associations jouent un rôle important dans l'avancement de la démocratie, dans le débat politique et dans l'information et la formation du citoyen ?
-  Ont-elles un poids sur le pouvoir politique en cas de violation des droits de l'homme, ou pour faire avancer les intérêts du milieu associatif, par exemple ? En un mot, réussissent-elles à jouer un rôle de groupe de pression ?
-  Ont-elles une bonne image dans l'opinion, compte tenu de la méfiance des citoyens à l'égard des structures collectives pendant la période autoritaire précédente ou actuelle ?
-  Est-ce que les associations s'organisent, domaine par domaine, pour constituer de grandes fédérations ou des collectifs puissants (par exemple : conseils de la jeunesse, fédérations d'associations d'environnement, etc) ?
-  Les associations ont-elles un accès facile et fréquent aux médias ?

3. Aide et conseils aux associations

Est-ce que se mettent en place dans le pays des mécanismes permettent aux dirigeants d'associations de mieux faire leur travail : centres d'information et de conseil, stages de formation, coopératives de matériel, etc ?

B. Aspects juridiques

4. Facilité de déclaration d'une association
-  Combien de temps faut-il, en moyenne, pour déclarer une association (une journée, comme en France, un mois, six mois...) ?
-  Observe-t-on des tracasseries diverses pour la création d'associations et de fondations : nécessité d'une approbation "administrative" (c'est à dire politique) pour déclarer une association ? Faut-il payer les formalités de déclaration ? À quel niveau ?
-  L'État peut-il s'opposer à la création d'une association ? Si oui, est-ce fréquent (citer des cas) ?

5. Législation sur les associations
-  La loi a t-elle été récemment actualisée ? Si oui, était-ce pour libéraliser la liberté associative ou pour mieux la contrôler ? Le milieu associatif a-t-il été consulté ?
-  Si une loi nouvelle est en préparation, quels sont les enjeux qui se dessinent ?

6. Fiscalité
-  Existe-t-il une fiscalité spécifique aux associations (risque d'une fiscalité dissuasive les assimilant à des entreprises privées) ?
-  Quelles sont les dispositions prévues pour éviter que des entreprises commerciales utilisent le statut associatif pour bénéficier abusivement de facilités fiscales ? Sur quels critères s'effectue le tri entre secteur lucratif et non lucratif ?

C. Indépendance

7. Autonomie des associations par rapport au pouvoir politique
-  Les associations sont-elles rattachées, plus ou moins directement, à un parti politique, voire au régime dans son ensemble ? Si oui, dans quelle proportion (par exemple tel parti contrôle X % de l'ensemble des associations) ?
-  Y a-t-il possibilité de pluralisme ou de neutralité politique au sein des associations ? Existe-t-il une tradition allant dans ce sens, dans le pays ?

8. Contrôle des activités associatives
-  L'État intervient-il dans le fonctionnement courant des associations ? Si oui, dans quelles circonstances et sous quelle forme ?
-  L'État demande-t-il à toutes les associations (ou simplement à celles qui reçoivent une aide de l'État) un bilan d'activité et/ou un bilan financier ?

N.B. Il y a lieu de distinguer le contrôle administratif et financier des associations quand il y a aide de l'État (contrôle tout à fait légitime), du contrôle "politique" ou "policier" visant à vérifier si les associations n'ont pas d'activités illégales ou politiquement non désirables.

9. Financement public
-  L'État a-t-il la possibilité juridique et la capacité concrète de financer des associations ?
-  Si oui, selon quels critères ? S'agit-il de subventions (données sans contreparties) ou de contrats (avec des objectifs déterminés et un contrôle) ?
-  Existe-t-il des associations favorisées, parce que proches du pouvoir, et d'autres exclues, parce que proches de l'opposition (donner des exemples flagrants) ?

10. Financement privé
-  Existe-t-il des déductions fiscales favorisant les dons des particuliers et le mécénat d'entreprise ?
-  Dans quelle mesure les associations ont-elles recours à des activités économiques et commerciales pour financer leurs activités ? N'assiste-t-on pas à des mélanges de genres préjudiciables à l'image de marque des associations (supposées être à but non lucratif) ?

À TITRE D'EXEMPLE : L'ANALYSE DE LA SITUATION DE LA VIE ASSOCIATIVE EN 1996 DANS 16 PAYS D'EUROPE CENTRALE

Le texte ci-après est tiré du troisième Rapport sur l'état d'avancement de la démocratie en Europe centrale et orientale du Fonds Européen pour la liberté d'expression (1996), cité précédemment. Il est publié sur le site du COLISEE dans le but d'illustrer la grille publiée ci-dessus. La Rédaction attire l'attention du lecteur sur les évolutions, parfois spectaculaires, qui ont pu se produire depuis 1996 dans les pays analysés, notamment chez ceux qui ont intégré l'Union Européenne.

Les associations sont l'une des clefs majeures du développement social, économique, culturel et politique des Etats d'Europe centrale et orientale. En cela, elles constituent un enjeu considérable pour la liberté d'expression et la défense des droits de l'Homme. Il est significatif de constater que leur degré de développement va de pair avec l'état d'avancement de la démocratie et le progrès économique. Trois catégories peuvent être distinguées à cet égard.

1. LES PAYS DONT LA VIE ASSOCIATIVE EST PEU DÉVELOPPÉE ET SOUS CONTRôLE  : Albanie, Bosnie, Moldavie, R.F. de Yougoslavie et à certains égards, Bulgarie, Macédoine et Roumanie

Cette première catégorie regroupe des États en grande difficulté économique, quelquefois éprouvés par la guerre, et vivant sous un régime peu démocratique. Dans ces pays, les associations ont un impact assez limité dans la vie publique, pour plusieurs raisons, qui se cumulent :

a) Leur nombre est encore peu développé. Souvent des obstacles de droit ou de fait sont mis à l'enregistrement des associations, qui peuvent apparaître comme des contre-pouvoirs au pouvoir en place, à l'échelon national ou local.

b) Leurs effectifs sont souvent limités. Militer dans une association demande la plupart du temps un gros sacrifice, dans ces pays où la lutte pour la vie exige la mobilisation de toutes les ressources des familles, en temps ou en argent. Par ailleurs, la vie collective est encore ressentie comme un risque d'embrigadement, risque renforcé par le fait que beaucoup d'organisations issues du système communiste se sont recyclées, mais en restant dirigées par des anciens apparatchiks, avec des méthodes encore "traditionnelles".

c) Le pouvoir en place exerce une forte emprise sur la vie associative. On observe le même phénomène qu'en matière de médias. Les associations proches du parti dominant sont systématiquement favorisées, même si l'État et les collectivités locales ont peu de finances à consacrer aux associations : mise à disposition de locaux, de permanents et d'aides financières directes ou indirectes (via notamment le système souterrain de financement des partis). À l'inverse, les associations qui sont considérées comme opposantes sont découragées par tous les moyens : longs délais d'enregistrement (qui pouvaient aller jusqu'à un an en Roumanie, avant la dernière élection présidentielle), obligation de trouver un nombre dissuasif de membres fondateurs, nécessité d'une autorisation ministérielle préalable, tracasseries administratives, taxe d'enregistrement prohibitive (45 dollars en Moldavie), etc.

d) Les associations indépendantes manquent cruellement de moyens. L'aide étrangère constitue à cet égard un ballon d'oxygène irremplaçable, mais avec le risque de créer des situations d'assistance (Albanie, par exemple) ou de faire apparaître les associations bénéficiaires comme des "agents de l'étranger". Ce risque, en réalité, est limité, car les fondations donataires ont le souci de responsabiliser et de rendre autonomes leurs partenaires. Mais il est démagogiquement brandi par le pouvoir en place pour tenter de discréditer les associations indépendantes qui bénéficient de ces dons, quand ce ne sont pas les fondations étrangères elles-mêmes qui sont inquiétées (cas de la Fondation Soros en Serbie et en Croatie).

e) Les dirigeants manquent de formation, de conseils et d'appuis logistiques. À cet égard, la mise en place de centres d'aide aux associations, dont l'implantation est relativement récente ne peut qu'aider le milieu associatif à se développer et à avoir un impact sur la vie civique et politique.

f) Les associations sont dispersées et non coordonnées entre elles. Beaucoup d'organisations naissent à l'échelon local sans contact avec le reste du pays. La vie fédérative à l'échelon national est souvent embryonnaire. Depuis peu, se mettent en place des plates-formes interassociatives, quelquefois en liaison avec les centres d'aide aux associations évoqués ci-dessus. Les divergences politiques ou idéologiques empêchent souvent de créer des mouvements unitaires. Aussi a-t-on souvent affaire à des regroupements proches des partis politiques, ou qui recoupent la division pouvoir en place/opposition.

g) Enfin la vie associative manque de contacts avec des ONG de l'Ouest, du fait de l'éloignement géographique, de l'isolement politique (régimes estimés non démocratiques, ou "à risques") que ces pays connaissent. C'est le cas en particulier, de la Moldavie et de la Yougoslavie, mais aussi de la Macédoine, alors que la Roumanie et la Bosnie ont fait l'objet d'élans de solidarité, qu'il importe toutefois de maintenir et de développer.

2. LES PAYS DONT LA VIE ASSOCIATIVE EST DÉVELOPPÉE ET INDÉPENDANTE  : Estonie, Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovénie

La deuxième situation s'approche de celle que l'on connaît en Europe de l'Ouest. Elle est liée à une vie démocratique pluraliste et à une économie nettement plus développée que dans les pays examinés précédemment. Elle est marquée par les caractéristiques suivantes :

a) Un nombre important d'associations, en augmentation croissante : 30.000 en République tchèque, 27.000 associations et 14.000 fondations en Hongrie, 17.000 en Pologne, 14.000 en Slovénie (pour 2 millions d'habitants !) et 3.500 en Estonie.

b) Une grande facilité d'enregistrement et de fonctionnement : nombre de membres fondateurs limités, délais réduits pour la déclaration légale (30 jours maximum en Slovénie), pas de tracasserie administrative dans la vie quotidienne. Les seuls contrôles qui sont admis sont les suivants :
-  Contrôle de légalité de l'association. Par exemple, en Pologne, les organes de contrôle comprennent les Voïvodes (préfets) et les tribunaux des Voïvodies. Le premier a le droit de réclamer l'envoi des actes et des décisions arrêtés par la direction de l'association ou de se rendre dans ses locaux afin de vérifier ces actes en présence de ses représentants. Il peut demander des explications aux autorités de l'association. En cas de constat d'irrégularités, il demande leur rectification. Il est en mesure de sanctionner l'association en lui donnant un avertissement ou une amende d'un faible montant. Enfin, il peut s'adresser au tribunal afin d'appliquer des mesures de contrôle.
-  Contrôle comptable et fiscal : il vise à vérifier que les associations sont sans but lucratif ou, si elles exercent des activités économiques, qu'elle paient bien les impôts correspondants. En Slovénie, les associations doivent présenter des bilans financiers qui soient conformes aux normes comptables fixées par un organisme agréé.
-  Contrôle financier pour les associations qui reçoivent des fonds publics. En Pologne, des inspections ont montré que le statut d'organisation à but non lucratif pouvait favoriser des excès (versement de salaires très élevés à certains employés et/ou fourniture aux membres de leur direction de services de luxe, tels que des vacances à l'étranger). Des sanctions et des modifications législatives sont intervenues. En Slovénie, l'utilisation des subventions est contrôlée par la Cour des Comptes.

c) Des ressources propres, dont le montant peut être important, et qui proviennent :
-  des cotisations de leurs membres, dont le niveau de vie moyen est plus élevé qu'ailleurs
-  des dons de particuliers, collectés directement ou par l'intermédiaires de fondations qui leur sont associées (cas fréquent en Hongrie, Pologne et en République tchèque)
-  du sponsoring et du mécénat d'entreprises pour leurs activités ordinaires ou exceptionnelles (galas, concerts), de ressources publicitaires pour leurs publications,
-  de la mobilisation de fonds internationaux (soutien des fondations européennes ou étrangères)
-  et surtout d'une importante capacité d'initiative économique, qui les conduit à frôler les limites du domaine lucratif et qui amène souvent les autorités publiques à imposer une législation fiscale compliquée en vue d'arriver à trier les "fausses" et les "vraies" associations.(cf. ci-après).

d) Des subventions nationales et locales parfois importantes. Les ministères disposent d'enveloppes budgétaires leur permettant, soit d'accorder des subventions de fonctionnement, soit de conclure des contrats pour des projets d'intérêt public. Les collectivités locales, également, ont la possibilité d'aider les associations qui organisent des activités d'intérêt général. Il peut arriver que les conditions d'attribution des subventions prennent un aspect politique. Ce risque, que même les pays occidentaux n'ont pas complètement évité, appelle la mise en place de critères "objectifs" pour déterminer ce qui est d'intérêt général ou d'utilité publique. La République tchèque, à cet égard, a mis en place, en 1996, un système juridique original : les "sociétés d'utilité publique", mais elles concernent des secteurs d'activités très limités (bibliothèques, musées, services de santé publique, etc) et elles sont enregistrées comme des compagnies commerciales. Une autre spécificité tchéque est à signaler : en vertu des lois sur les privatisations, 1% du montant du fonds des privatisations est réservé au fonctionnement des ONG. Toute la question est de savoir comment redistribuer cette somme considérable et quelles associations en bénéficieront.

e) Une fiscalité modulée, destinée à favoriser les associations réellement sans but lucratif. Cette question est redoutable, car elle peut être une source d'évasion fiscale pour des personnes ou des organismes peu scrupuleux. Mais inversément, des procédures administratives trop lourdes peuvent freiner le dynamisme associatif, surtout dans le cas des petites associations.

Dans ces pays, la déductibilité fiscale pour les dons des particuliers atteint des taux divers : de 1 % des revenus en Hongrie, à 10 % en Estonie et en Pologne (en faveur d'associations d'intérêt public). Par contre, il n'existe pas de régime fiscal particulier pour les associations en Slovénie.

f) Une vie interassociative riche, qui se traduit par :
-  des fédérations sectorielles parfois puissantes : en matière sportive, sociale, d'environnement, d'anciens combattants, etc
-  des centres de supports juridiques et techniques, quelquefois en concurrence entre eux, ce qui crée une émulation.
-  des initiatives communes pour peser sur les pouvoirs publics ou pour créer des événements médiatiques

3. LES PAYS INTERMÉDIAIRES : Croatie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie

Une troisième catégorie concerne deux sortes de pays :

a) Des pays assez développés sur le plan de l'économie et des structures sociales, mais qui connaissent des régimes peu démocratiques : Croatie et Slovaquie.

Dans ces États, il existe une forte tradition associative indépendante. Le niveau économique permet aux citoyens de se consacrer à des activités militantes et aux associations de mobiliser quelques ressources venant de dons privés ou du mécénat. Mais le pluralisme associatif est obéré par la mainmise du pouvoir, qui use de pratiques que l'on trouve dans la première catégorie. En Croatie, par exemple, les aides publiques sont attribuées selon des critères où la proximité avec le parti dominant semble jouer un rôle majeur.

Une certaine diversité, cependant, est observable (35.000 associations en Croatie) car les organisations qui se veulent indépendantes du pouvoir ont des possibilités d'autofinancement ou bénéficient de l'aide extérieure : beaucoup d'associations notamment sont religieuses (Église catholique en particulier) et bénéficient d'une importante solidarité de la part des églises occidentales (en particulier d'Allemagne).

b) À l'inverse, des pays démocratiques, mais à faible niveau économique : Lettonie et Lituanie

Dans ces États, les associations ne font pas l'objet de pressions de la part du pouvoir, mais leur développement est encore limité, par manque de tradition associative, de moyens économiques et de supports techniques. La Lettonie, par exemple, est l'un des derniers pays d'Europe à s'être doté d'un Centre d'aide aux associations, en 1996.

Lire également :
-  Grille d'analyse pour mesurer l'état d'avancement de la démocratie dans un pays émergent/1ère partie http://www.colletherve.com/index.ph...
-  Grille d'analyse pour mesurer l'état d'avancement de la démocratie dans un pays émergent/2ème partie http://www.colletherve.com/index.ph...



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