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Roumanie : la procédure de destitution du président Basescu votée le 19 avril 2007 par le Parlement doit être soumise à référendum dans les trente jours


mardi 24 avril 2007

Le Parlement roumain a suspendu le 19 avril le président Basescu par 322 voix contre 108 et 10 abstentions (il y avait 20 parlementaires absents). Cette décision du Parlement a été validée sur le plan juridique par la Cour constitutionnelle et, conformément à l'article 97 de la Constitution, c'est le président du Sénat, N. Vacaroiu (PSD) qui assure désormais l'intérim de la fonction. Un référendum doit être désormais organisé dans les trente jours

Après des mois d'escarmouches entre l'actuel président de la République Traian Basescu [1] et la classe politique en général et le Premier ministre en particulier, la Roumanie continue de s'enfoncer un peu plus dans une crise politique majeure.

Au cœur de cette querelle entre les plus hautes autorités de l'Etat, on peut estimer que c'est toute l'ambiguïté des institutions roumaines qui est posée. La crise est d'autant plus intéressante à observer qu'elle pourrait être de nature à fixer l'orientation future du système politique, soit vers une « formule à la française », soit vers une combinaison beaucoup plus « parlementariste ».

Le parti social-démocrate et le parti de la grande Roumanie, tous deux dans l'opposition, ont déposé devant le Parlement un projet de suspension du président de la République visant, aux termes de la procédure constitutionnelle prévue, à sa destitution par référendum. Une partie de l'actuelle majorité parlementaire s'est ralliée à cette action. Le président, quant à lui, propose un referendum sur l'introduction du mode de scrutin uninominal pour les élections parlementaires.

Même si, d'après les sondages, cette procédure de destitution a finalement peu de chance d'aboutir, cette crise à rebondissements est révélatrice du mauvais climat politique qui règne depuis plusieurs mois en Roumanie. Elle n'est pas de bon augure pour un pays qui vient à peine d'entrer dans l'Union européenne et qui s'est engagé, à l'automne 2006, à corriger rapidement certaines « carences » pointées par la Commission.

Bref aperçu de la situation politique roumaine actuelle

Malgré un début de transition plutôt difficile, tant sur le plan politique que social et économique ; malgré plusieurs alternances politiques - il est vrai sans heurts - mais grâce à une croissance économique remarquable ces dernières années (environ 8 % en 2006), la Roumanie semblait avoir trouvé une certaine stabilité.

L'élection présidentielle au suffrage universel de la fin 2004 a vu la victoire, au second tour du scrutin, du maire de Bucarest, Traian Basescu, issu du parti Démocrate et représentant d'une « coalition centriste » (Alliance pour la Justice et la Vérité) contre le candidat du parti Social-démocrate (PSD [2]) et Premier ministre à l'époque, Adrian Nastase. Depuis la réforme de 2003, le président roumain est désormais élu pour un mandat de 5 ans.

Les élections législatives du 28 novembre 2004 ont vu la victoire politique de cette même alliance centriste (Alliance pour la Justice et la Vérité) formée par le parti national libéral (PNL) et le parti démocrate (PD) [3]. Comme le leader de ce dernier venait d'être élu président de la République, c'est conformément au protocole d'accord signé par les partis de l'Alliance que le leader du PNL (parti arrivé en tête au sein de l'Alliance pour la Justice et la Vérité), Calin Popescu-Tariceanu [4] a été investi Premier ministre par le Parlement à la tête d'une large coalition.

En matière de politique étrangère, conformément aux termes du traité d'adhésion signé le 25 avril 2005, la Roumanie a pu rejoindre l'Union européenne le 1er janvier 2007. Dans son dernier rapport, publié à l'automne 2006, la Commission européenne insistait néanmoins sur les efforts que la Roumanie devait encore accomplir pour répondre aux critères exigés.

Sur le plan intérieur, les relations entre le président de la République et le Premier ministre - pourtant alliés politiques lors des élections - se sont constamment dégradées depuis plusieurs mois [5]. Elles se sont envenimées avec le « limogeage », le 5 février dernier, du ministre des Affaires étrangères, Mihai-Razvan Ungureanu (PNL), au motif qu'il n'aurait pas informé le Premier ministre de la détention en Irak de deux Roumains accusés d'avoir pris sans autorisation des photos d'une base américaine. Pendant plusieurs semaines, le président Basescu a refusé de signer le décret constatant la « démission » du ministre et la vacance du poste et a ainsi empêché la nomination officielle de son successeur, pourtant désigné par le Premier ministre[6]. Ce dernier fut alors contraint de cumuler temporairement les deux fonctions.

Depuis son élection, et bien qu'il reste populaire dans l'opinion d'après les sondages [7], le président de la République semble s'être aliéné une très large partie de la classe politique. Début mars 2007, par exemple, intervenant par téléphone lors d'une émission de télévision dans laquelle le Premier ministre était interrogé, le président de la République s'en est pris au Premier ministre : ils se sont alors mutuellement traités de menteurs après s'être réciproquement accusés de corruption.

Le climat est devenu si tendu entre les deux hommes et leur parti politique respectif que le Premier ministre a décidé, début avril, de remanier son gouvernement en écartant les ministres appartenant au parti du président (PD). Après diverses négociations, un gouvernement minoritaire, composé du PNL et de l'UDMR, a été investi par le Parlement (par 302 voix contre 27) avec le soutien du PSD et du groupe parlementaire des minorités nationales. Juste avant son investiture, ce nouveau gouvernement, a été qualifié par le président de la République de « conseil d'administration représentant des intérêts d'affaires et non pas l'intérêt général ». Contrairement aux usages antérieurs, le nouveau gouvernement a prêté serment devant le président avec retard et dans une ambiance glaciale.

Les motivations de l'actuelle procédure de destitution

Le 12 février 2007, 182 parlementaires de l'opposition (149 du PSD et 33 du PRM [8]) ont signé un projet de demande de suspension du président de la République qu'ils ont déposé devant les bureaux respectifs de la Chambre des Députés et du Sénat. Ce projet est également soutenu par le petit parti conservateur (PC) [9].

Ce document, divisé en quatre registres principaux, n'invoque pas moins de vingt-cinq griefs spécifiques pour soutenir l'accusation de violations multiples de la Constitution par l'actuel président de la République.

Le premier registre regroupe ce que le leader du PSD, Mircea Geoana, considère comme « une séquence d'actions graves au travers desquelles le président Basescu a violé la Constitution depuis le premier jour de son entrée en fonction ». Ces actions s'inscriraient, selon lui, dans le projet du président de prétendre jouer un rôle d'acteur principal dans la vie politique. Le président Basescu aurait notamment tenté de détourner la portée politique réelle des élections législatives de 2004, il aurait bloqué l'action du Parlement en essayant de faire remplacer les présidents de la Chambre des députés et du Sénat et il aurait enfin tenté de forcer l'actuel Premier ministre à la démission.

Le deuxième registre concerne certaines actions du président visant à utiliser les institutions de l'Etat à son profit et à les contrôler par personnes interposées. Dans ce domaine, le leader de l'opposition accuse Traian Basescu d'avoir interféré dans le secteur de la justice en demandant, par exemple, que des instructions soient ouvertes, mais également en s'immisçant dans les affaires du Conseil Supérieur de la Magistrature ou, encore, en souhaitant la création d'une Agence nationale du renseignement[10].

La troisième catégorie de reproches fait référence à des allégations de tentatives de l'actuel président de protéger certains intérêts mafieux dans quelques secteurs profitables de l'économie. Mircea Geoana fait particulièrement référence à l'affaire « ALRO » (marché de l'électricité) qui illustrerait le cas manifeste d'une intervention personnelle du chef de l'Etat agissant par l'intermédiaire de deux de ses conseillers.

Le quatrième et dernier registre regroupe, enfin, les accusations d'ériger le principe de la crise politique en moyen de gouvernement, de recourir à un chantage aux élections, d'accuser les leaders de l'opposition de nombreux méfaits et de formuler des reproches systématiques à l'égard de l'action du Parlement souverain.

Une crise politique inscrite en filigrane dans l'ambiguïté des institutions [11]

L'interventionnisme présidentiel, que la Roumanie a déjà connu avec le président Ion Iliescu, peut être considéré comme une conséquence logique des institutions roumaines actuelles. En effet, au lendemain de la chute du régime de Ceausescu, la Roumanie a choisi un modèle institutionnel hybride - qualifié de « semi-présidentiel » - c'est-à-dire un modèle dans lequel le président de la République est élu, comme dans le modèle présidentiel, au suffrage universel direct (il dispose donc d'une forte légitimité) et bénéficie de certains pouvoirs, alors que le Premier ministre, comme dans le modèle parlementaire, demeure uniquement responsable devant le Parlement. Pour des raisons qu'il serait trop long d'exposer ici, les acteurs politiques de la transition roumaine - comme dans la plupart des autres pays d'Europe post-communiste, d'ailleurs - ont préféré les ambiguïtés du « modèle institutionnel français ». Autrement dit, c'est sciemment et par intérêt politique à court terme qu'ils ont recherché une dualité de pouvoir au sein même de l'exécutif. Il s'agissait, dans le contexte d'incertitude globale et de peurs réciproques de l'époque, de « neutraliser » les différents pouvoirs (en divisant ou en équilibrant les compétences de chacun) pour qu'aucune domination majeure ne puisse être exercée par un camp politique sur un autre.

Malgré la réforme constitutionnelle de 2003, qui a notamment mieux encadré, voire restreint, certains des pouvoirs présidentiels, force est de constater que le texte constitutionnel roumain autorise le président de la République à jouer un rôle d'acteur dans le jeu politique. À l'instar d'autres pays d'Europe post-communiste ayant choisi le modèle semi-présidentiel, cette présidence est à « géométrie variable ». Elle évolue, d'une part, en fonction de la relation entre le président et la majorité au Parlement : celui-ci s'est-il fait reconnaître par cette majorité comme son chef ? En est-il simplement membre ? S'y oppose t-il ou veut-il être politiquement neutre ?) et, d'autre part, selon le type de majorité politique présente au Parlement (celle-ci est-elle monolithique ? À parti dominant ou composée par une coalition équilibrée ? S'agit-il d'une quasi majorité ou y a-t-il une absence de majorité ?. On comprendra facilement que le choix du mode de scrutin est fondamental pour façonner de telles majorités. De manière très schématique, on peut dire que plus le scrutin est majoritaire, plus il y a de chances d'avoir un parti majoritaire, comme au Royaume-Uni ou en France. Plus le scrutin est proportionnel, plus il y a de chances pour qu'aucun parti n'obtienne de majorité à lui seul, comme en Italie ou dans les pays scandinaves [12].

Selon les cas en présence, cette « combinatoire » peut alors produire des présidents jouant un rôle que l'on peut qualifier soit de décideurs absolus, soit de décideurs limités, soit de dyarques, soit de régulateurs, soit enfin de symboliques.

Au gré des résultats des élections et des configurations politiques au sein du Parlement, un président peut donc exercer l'un ou l'autre de ces rôles. De même, au cours de leur(s) mandat(s), certains présidents d'Europe post-communiste ont pu exercer successivement plusieurs de ces rôles. Ce fut le cas, entre autres, des présidents roumain Ion Iliescu, bulgare Jeliu Jelev ou polonais Alexandre Kwasniewski. En France, le rôle d'un président peut varier considérablement s'il exerce ses fonctions avec une majorité coalisée derrière lui (De Gaulle, Pompidou, Mitterrand, Chirac), avec une majorité parlementaire qui ne le reconnaît pas comme chef (Giscard d'Estaing) ou avec une majorité parlementaire opposée qui cohabite avec lui (Mitterrand, Chirac).

Tout se passe comme si le président Basescu n'avait pas bien pris l'exacte dimension de son positionnement actuel. Il agit comme si la majorité parlementaire était monolithique et le reconnaissait pour seul et unique chef, alors qu'il n'est que membre d'une majorité parlementaire formée par une coalition et qu'il est issu d'un parti minoritaire en son sein. L'expérience internationale du modèle semi-présidentiel montre alors qu'il ne peut briguer, au mieux, qu'une position de « président régulateur » ou, au pire, de « président symbolique », mais certainement pas celle de « président décideur » qu'il revendique. Si le mode de scrutin ne change pas, il est à craindre que comme les président polonais Lech Walesa ou bulgare Petar Stoyanov, il apprenne, à ses dépens, que l'étendue de sa fonction est directement limitée par sa « surface politique réelle ».

La riposte politique du président Basescu au lancement d'une procédure de destitution à son encontre, qui ne s'est pas fait attendre, pourrait indiquer qu'il a compris le ressort du « semi présidentialisme » (à la française) fondé sur les conséquences politiques induites par un mode de scrutin. Il vient, en effet, de proposer au Parlement l'organisation d'un référendum sur l'instauration d'un système électoral uninominal que tous les grands partis avaient précédemment appelé de leurs voeux. Pariant sur sa cote de popularité dans les sondages, il espère, sans doute, devenir, grâce à la modification du mode de scrutin (et à la tenue de nouvelles élections), le chef d'une majorité parlementaire monolithique qui le reconnaîtrait pour son chef. Il pourrait alors diriger son pays à la manière d'un président français.

Une procédure juridique à rebondissements multiples

La Constitution roumaine du 8 décembre 1991, modifiée par la très importante réforme du 19 octobre 2003, consacre plusieurs de ses articles aux procédures de suspension et de destitution du président de la République. Celles-ci sont prévues par les articles 95 et 95-1 de la Constitution. Deux procédures distinctes existent pour destituer le président de la République : la suspension de la fonction pour violation de la Constitution et la mise en accusation pour « haute trahison » [13].

L'article 95, alinéa 1, indique que « s'il commet des faits graves violant les dispositions de la Constitution, le président de la Roumanie peut être suspendu de sa fonction par la Chambre des députés et par le Sénat, réunis en séance commune, à la majorité des voix des députés et des sénateurs [14], après consultation de la Cour constitutionnelle. Le président peut donner au Parlement des explications au sujets des faits qui lui sont reprochés ».

L'alinéa 2 précise que « la proposition de suspension de la fonction peut être présentée par 1/3 au moins du nombre des députés et des sénateurs [15] et est immédiatement communiquée au président ».

L'alinéa 3 dispose enfin que « si la proposition de suspension de la fonction est approuvée, un référendum est organisé dans un délai maximum de 30 jours pour démettre le président ».

Le nouvel article 95-1 indique, dans un premier alinéa, que « la Chambre des députés et le Sénat, réunis en séance commune, peuvent décider à la majorité qualifiée des 2/3 du nombre des députés et des sénateurs, de mettre le président de la Roumanie en accusation pour haute trahison ».

Le deuxième alinéa précise que « la proposition de mise en accusation peut être initiée par la majorité des députés et des sénateurs et doit être immédiatement portée à la connaissance du président de la Roumanie afin qu'il puisse donner des explications sur les faits qui lui sont reprochés ».

Le troisième alinéa indique que « à partir de la date de la mise en accusation et jusqu'à la date de la démission, le président est suspendu d'office ».

Enfin, le quatrième alinéa précise que, dans ce cas, « la compétence de jugement incombe à la haute Cour de Cassation et de Justice. Le président est démis de droit à la date où la décision de condamnation demeure définitive ».

C'est la première formule que l'opposition a choisi de mettre en oeuvre. Il ne s'agit pas d'accuser le président de « haute trahison » (concept très grave, mais aussi très vague), mais de tenter d'abord de le « suspendre » pour « violation de la Constitution » et de le faire ensuite destituer par les électeurs.

Dans une première phase, l'opposition actuelle, composée des socialistes et de l'extrême droite du PRM, a pu réunir 182 signatures. Elle a donc largement dépassé les exigences constitutionnelles (1/3 des parlementaires).

La procédure de destitution alors engagée a suivi plusieurs étapes : sur la proposition du parti conservateur (PC) [16], le parlement a tout d'abord décidé de créer le 28 février une commission d'enquête de 15 membres (à la proportionnelle des groupes parlementaires, mais sans aucun représentant du Parti démocrate qui soutient le président). Cette décision a été prise par une majorité de 258 parlementaires (76 voix contre et 21 abstentions). Dans le rapport qu'elle a rendu, cette commission a estimé que le président Basescu a violé la constitution.

Informé officiellement des faits qui lui sont imputés, le président de la République a ensuite répondu par écrit au parlement pour indiquer que toutes les actions et les déclarations qu'il a pu faire depuis son élection « sont conformes à l'ordre constitutionnel » et que sa présence au parlement, lors de la discussion de la proposition de destitution, « n'est pas nécessaire ».

Comme la Constitution le prévoit enfin, la Cour constitutionnelle a été saisie et a rendu début avril son avis consultatif. Bien qu'ambigu, celui-ci est considéré comme plutôt favorable au président Basescu. La Cour estime en effet que, si la proposition de destitution se réfère à des faits de violation de la Constitution commis par le président au cours de son mandat, ceux-ci ne peuvent pas, par leurs contenus et leurs conséquences, être qualifiés de « graves » et donc être susceptibles d'entraîner une suspension par le parlement. La Cour conclut néanmoins son appréciation en indiquant « qu'il appartient au Parlement de décider de la suite de cette procédure ».

Dans une deuxième phase, le Parlement a suspendu le 19 avril le président Basescu par 322 voix contre 108 et 10 abstentions (il y avait 20 parlementaires absents). Cette décision du Parlement a été validée sur le plan juridique par la Cour constitutionnelle et, conformément à l'article 97 de la Constitution, c'est le président du Sénat, N. Vacaroiu (PSD) qui assure désormais l'intérim de la fonction.

Dans une troisième phase, un referendum doit être désormais organisé dans les trente jours [17]. Ce sont donc les Roumains eux-mêmes qui vont trancher le conflit qui oppose la classe politique roumaine au président de la République [18]. La question qui se pose désormais est de savoir si elle est en mesure de convaincre l'opinion publique de la nécessité de destituer le président par référendum ? Rien n'est moins sûr, pour le moment du moins.

Personne n'est véritablement en mesure de faire un pronostic sur la conclusion de cette crise politique et institutionnelle. La décision du Premier ministre de reporter à l'automne les élections des représentants roumains au Parlement européen, initialement prévues le 13 mai, est un signe supplémentaire de sa gravité. Une chose est sûre, quelle que soit son issue - et au-delà d'une inévitable redistribution des cartes politiques - la pratique du modèle semi-présidentiel roumain devrait se préciser sans que l'on sache encore si cette « clarification » se fera en faveur du président ou du Parlement.

Tout semble indiquer, selon les sondages, qu'elle renforce pour l'instant le camp du « populisme » et de son principal représentant, le richissime « homme d'affaires », George Becali [19] qui se dit « proche » du président Basescu et prétend soutenir sa politique.

Face aux développements de cette « vendetta » politique, l'Union européenne devrait certainement réagir - indirectement évidemment - puisqu'elle doit évaluer au mois de juin les progrès accomplis par la Roumanie depuis son adhésion le 1er janvier 2007. Il serait pour le moins étonnant que la Commission fasse comme si rien ne se passait en Roumanie et se contente de pointer négligemment les « retards techniques » les plus visibles sans s'interroger sur leurs motifs politiques.

François Frison-Roche. Chargé de recherche au CNRS, CERSA-Université Paris 2

NOTES

[1] Cf. Roumanie : biographie de Traian Basescu, président de la république

[2] Directement issu du Front de Salut National (créé par Ion Iliescu en 1990) et que l'on peut qualifier de principal « parti héritier » de l'ancien parti communiste.

[3] Les élections ont été remportées par le parti social-démocrate allié au « parti humaniste » (132 députés et 57 sénateurs) arrivés en tête, mais c'est la coalition formée par le parti national libéral (PNL) et le parti démocrate (PD) sous l'étiquette « Alliance pour la Justice et la Vérité » (65 députés et 29 sénateurs pour le PNL et 47 députés et 20 sénateurs pour le PD) qui a été en mesure de former la coalition gouvernementale la plus large en s'alliant notamment avec l'Union Démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR) (22 députés et 10 sénateurs) et quelques députés des minorités nationales (18 sièges automatiquement attribués aux minorités qui désignent leur représentant).

[4] Calin Popescu Tariceanu est né le 14-01-1952. Il est ingénieur en hydrologie. Elu député en 1996 (Bucarest). Avant de devenir Premier ministre, il a été ministre de l'Industrie et du Commerce dans le gouvernement Ciorbea (96-97). Il est Vice-président du parti européen libéral, démocrate et réformateur au Parlement européen.

[5] Pour mieux percevoir la dimension politique de certains griefs invoqués, il semble nécessaire d'indiquer que lors de l'élaboration de la constitution de 1991, la position du Premier ministre est restée (volontairement ?) ambiguë. Les articles 85 et 102 de la constitution roumaine indiquent, tout d'abord, que le président « désigne un candidat à la fonction » ; l'article 102-1 précise toutefois que cette désignation s'effectue « à la suite de la consultation du parti ayant la majorité absolue au parlement ou, si cette majorité n'existe pas, des partis représentés au parlement ». L'article 85 indique, ensuite, que le président « nomme le gouvernement sur la base d'un vote de confiance accordé par le parlement ». Sans entrer dans les détails, on peut estimer que l'influence du président est donc réelle dans la nomination d'un Premier ministre, surtout en cas d'émiettement des forces politiques au sein du parlement. Jusqu'à la réforme constitutionnelle de 2003, rien n'était dit sur l'éventuelle capacité - directe ou indirecte - du président dans une « démission-révocation » du Premier ministre. C'est la raison pour laquelle un nouvel article (106-1) précise, depuis 2003, que « le président ne peut pas révoquer le Premier ministre ».

[6] Le Premier ministre saisit la Cour constitutionnelle qui a indiqué dans une décision que, selon l'article 85-2 de la constitution, le président n'a pas le pouvoir d'empêcher une nomination mais seulement le droit de demander au Premier ministre de renoncer à cette nomination s'il constate que la personne désignée ne réunit pas les conditions légales pour être membre du gouvernement. En l'espèce, la Cour indique toutefois que le président a déclenché à cette occasion un conflit juridique de nature constitutionnelle mais que celui-ci a cessé d'exister à la suite de la signature ultérieure des décrets nécessaires.

[7] Malgré une chute de 10 points en l'espace d'un mois, le président Traian Basescu reste encore, avec un taux de confiance de 41 %, la personnalité la plus populaire de Roumanie. Il se situe néanmoins juste avant le dirigeant (populiste) du Parti nouvel génération (PNG), G. Becali (40%). Le Premier ministre n'atteint que 23 % d'opinions favorables. En mars 2007, 65 % des Roumains se déclaraient opposés à la destitution du président Basescu.

[8] Le PRM, Parti Romania Mare (Grande Roumanie), représente une droite extrémiste et populiste. Il dispose de 48 députés et 21 sénateurs.

[9] Le PC, Parti Conservateur (ex Parti humaniste, PUR) de Dan Voiculescu qui a fait alliance avec le PSD lors des dernières élections législatives, dispose de 17 députés et 11 sénateurs. Il participe néanmoins à l'actuel gouvernement avec e ministre, B. Pascu, en charge des entreprises et des PME.

[10] Le président serait en mesure de la contrôler partiellement dans la mesure où cette Agence dépendrait du « Conseil suprême de Défense » que préside le président, commandant des Forces armées (Art. 92). Signalons également que c'est le président qui propose au parlement les directeurs des différents services de renseignement (Art. -62-2-g) ! Pour une analyse des pouvoirs des présidents de la République en Europe post-communiste, voir F. Frison-Roche, « Les chefs d'Etat dans les PECO. Pouvoirs constitutionnels et poids politique » in Le Courrier des pays de l'Est, La Documentation française, 2004, p.52-66 et F. Frison-Roche, Les « pouvoirs périphériques » des présidents d'Europe post-communiste : symboles ou pouvoirs réels ?, Revue d'études comparatives Est-Ouest, à paraître en 2007.

[11] Pour une analyse des ces ambiguïtés juridiques et de leurs conséquences politiques, voir F. Frison-Roche, Le « modèle semi-présidentiel » comme instrument de la transition en Europe post-communiste : Bulgarie, Lituanie, Macédoine, Pologne, Roumanie et Slovénie, Bruylant, 2005, 560 p.

[12] Il va sans dire que ces quelques mots d'explication n'épuisent pas la discussion, voire souvent la polémique, sur les avantages et/ou les inconvénients des différents modes de scrutin.

[13] À titre de comparaison, on peut signaler que l'ensemble des nouvelles constitutions des pays d'Europe post-communiste a prévu des mesures relativement identiques. Le 6 avril 2004, par exemple, le Parlement lituanien (Seimas) a destitué le président Rolandas Paksas (élu au suffrage universel direct en 2003) après que la Cour constitutionnelle l'ait jugé coupable de violation de la constitution.

[14] C'est-à-dire, sur un total de 469 parlementaires aujourd'hui (332 députés et 137 sénateurs), 235 parlementaires.

[15] C'est-à-dire 157 parlementaires.

[16] Le président de cette commission d'enquête, Dan Voiculescu (PC), est l'un des opposants les plus farouches au président Basescu.

[17] Au cours du mois de mars, le Parlement a ajouté à la confusion, déjà grande, en adoptant une modification de la procédure de référendum de destitution et, pour contrecarrer le projet du président de la République sur le mode de scrutin, en conditionnant dans le temps la tenue d'un referendum ordinaire. Sur un plan juridique, si cette modification avait été définitivement adoptée et validée par la Cour constitutionnelle, elle aurait permis en effet de calculer les résultats d'un référendum de destitution, non plus par rapport au nombre des électeurs inscrits mais seulement par rapport à celui des suffrages exprimés. La destitution éventuelle du président aurait été facilitée par ce seuil moins contraignant. Cette loi visait également à empêcher la tenue d'un referendum ordinaire six mois avant ou six mois après une échéance électorale régulière (à l'époque, les élections des représentants roumains au Parlement européen étant prévues pour le 13 mai, cette mesure aurait empêché le referendum décidé par le président). Il se trouve que la Cour a jugé que cette réforme était non conforme à la Constitution. Lors du référendum sur la destitution du président, celle-ci ne sera donc effective que si elle recueille plus de 50 % des inscrits. La Cour a également rejeté l'article décidant qu'un référendum ordinaire ne peut avoir lieu six mois avant ou après une consultation électorale régulièrement programmée. Ces décisions de la Cour constitutionnelle ont conforté la position politique du président Basescu.

[18] Ajoutant à la confusion politique, le président Basescu a hésité sur la position qu'il allait adopter face à cette suspension. Dans un premier temps, il indiqua publiquement que si le parlement votait sa suspension, il démissionnerait « dans les 5 minutes qui suivraient » afin de provoquer une élection présidentielle anticipée à laquelle il participerait. Des rumeurs indiquant que le parlement pourrait rapidement modifier la loi sur l'élection présidentielle de manière à interdire à un président suspendu de pouvoir se présenter, le président Basescu a, dans un second temps, abandonné cette idée de démission et accepté le principe de ce referendum sur sa destitution.

[19] Dans la situation politique déliquescente actuelle, George Becali pourrait jouer un rôle important. Né le 25 juin 1958 à Zagna (district de Braila), il appartientàla minorité aroumaine. Il n'a pas fait d'études. Président de plusieurs sociétés commerciales, sa fortune personnelle, réalisée grâce à de fructueuses opérations de spéculation immobilière au début des années 1990 (notamment avec des terrains appartenant à l'armée), est estimé à environ 1 milliard de $. Il est actionnaire principal du plus grand club de football du pays, le « Steaua Bucarest ». Il se lance en politique en devenant, début 2004, le président du PNG-CD (parti de la nouvelle génération-chrétien démocrate), une petite formation créée en 2000 par l'ancien maire de Bucarest, Viorel Lis. Candidat à l'élection présidentielle de 2004, il obtient 1,77 % des suffrages. Ses nombreuses prises de position, provocatrices, douteuses et souvent grossières, le font assimiler par les observateurs politiques à un extrémiste de droite, raciste et xénophobe, proche idéologiquement du mouvement des « légionnaires » d'avant guerre. D'après plusieurs sondages, il est l'une des personnes les plus populaires du pays.

Source : Site Internet de la Fondation Robert Schuman. Article paru sous le titre :« Roumanie : une crise politique qui débouche sur une crise constitutionnelle ». Cf. http://www.robert-schuman.eu/questi...



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