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Pologne : pour résoudre la crise politique, des élections législatives et sénatoriales auront lieu le 21 octobre 2007


mercredi 3 octobre 2007

Après plusieurs mois de crise politique, le Parlement polonais a décidé de s'autodissoudre le 7 septembre dernier. La Constitution requiert le vote de la majorité des 2/3 des membres de la Diète, soit 307 sur 460. 377 députés se sont prononcés en faveur de la dissolution, contre 54 et 20 abstentions.

La dissolution de la Diète entraîne automatiquement celle du Sénat. Le gouvernement disposait alors de 45 jours pour organiser de nouvelles élections législatives et sénatoriales. Le président, Lech Kaczynski (Droit et justice, PiS), a décidé que celles-ci se dérouleraient le 21 octobre prochain. A cette date, plus de 30 millions d'électeurs renouvelleront les 460 membres de la Diète et les 100 membres du Sénat. "Je veux vous exprimer ma joie de la décision du Parlement de s'autodissoudre. Ces élections offrent aux Polonais la chance de décider s'ils veulent continuer sur le chemin de la transition ou s'ils veulent continuer sur celui de la loi de l'oligarchie", a déclaré le Premier ministre.

Le système politique polonais

Le Parlement est bicaméral et comprend la Diète (Sejm), Chambre basse qui compte 460 députés et le Sénat, Chambre haute composée de 100 membres. Les élections législatives ont lieu normalement tous les 4 ans au scrutin proportionnel selon le système d'Hondt. Toute formation politique, à l'exception des listes représentant les minorités nationales, doit recueillir au moins 5 % des suffrages exprimés pour être représentée à la Diète (8 % pour une coalition). Le Sénat est également élu tous les 4 ans au scrutin proportionnel, le même jour que le scrutin législatif. Pour ces deux élections, la Pologne est divisée en 40 circonscriptions. Les candidats doivent être âgés d'au moins 21 ans pour accéder au poste de député et de 30 ans pour devenir sénateur.

6 formations politiques sont actuellement représentées à la Diète :

-  Droit et justice (PiS) du Président de la République Lech Kaczynski et du Premier ministre, son frère jumeau Jaroslaw Kaczynski. Fondé le 13 juin 2001, le PiS, à la fois étatiste et libéral, compte 155 députés ;

-  la Plateforme civique (PO), formation d'opposition libérale créée en mars 2002 et qui regroupe des anciens membres de l'Union de la liberté et de l'Action électorale Solidarité (AWS). Elle possède 133 sièges.

-  l'Alliance de la gauche démocratique (SLD), créée en 1999 à partir de plusieurs formations sociales-démocrates, est présidée, depuis juin 2005, par l'ancien ministre de l'Agriculture, Wojciech Olejniczak. Une partie de ses membres sont issus de l'ex-Parti ouvrier unifié (POUP). La formation compte 55 députés.

-  Autodéfense-Samoobrona (SO) est un parti populiste d'extrême gauche fondé en 1992 et dirigé par Andrzej Lepper. Membre du gouvernement dirigé par Droit et justice jusqu'à août dernier, le parti possède 53 sièges.

-  la Ligue des familles (LPR), dirigée depuis le 30 mai 2001 par Roman Giertych, est une formation populiste d'extrême droite opposée à l'intégration de la Pologne dans l'Union européenne. Membre du gouvernement dirigé par Droit et justice jusqu'à août dernier, elle compte 34 députés.

-  le Parti populaire (PSL) représente les intérêts des agriculteurs. Il est la plus ancienne des formations politiques (sa création date de 1895) et compte le plus grand nombre de membres (120 000). Son président est l'ancien Premier ministre (1992 et 1993-1995) Waldemar Pawlak. La formation possède 25 sièges.

Les enjeux des élections législatives et sénatoriales

Droit et justice (PiS) avait beaucoup de raison de souhaiter organiser des élections législatives et sénatoriales anticipées. Tout d'abord, les crises politiques à répétition que connaît la Pologne depuis de nombreux mois ont fini par rendre le pays ingouvernable. Ensuite, l'opposition menaçait sérieusement de constituer rapidement une commission chargée d'enquêter sur les activités du Bureau central anticorruption (CBA) au sein du ministère de l'Agriculture. Le Bureau central anticorruption est une structure mise en place par le gouvernement en juin 2006 chargée de lutter contre la corruption. Le CBA comprend 600 fonctionnaires, issus pour la plupart de la Cour des comptes, de la police, des douanes et des services de renseignement. Son directeur est nommé par le Premier ministre. "Coûteux, surpuissant, inutile, purement politique", tels sont les mots utilisés par le sociologue Grzegorz Makowski pour qualifier le Bureau central anticorruption.

Le 8 août dernier, le ministre de l'Intérieur Janusz Kaczmarek (PiS) a été limogé du gouvernement, accusé d'avoir fait échouer une opération du Bureau central anticorruption contre le parti Autodéfense-Samoobrona. Le ministre est soupçonné d'avoir révélé des secrets d'Etat à l'un des hommes d'affaire les plus riches de Pologne, Ryszard Krauze. Il a été arrêté le 30 août (comme Konrad Kornatowski, ancien chef de la police, et Jaromir Netzel, président du plus grand groupe d'assurance, PZU) pour entrave à l'enquête relative aux fuites qui ont compromis l'action du CBA au ministère de l'Agriculture et pour faux témoignage. Après avoir plaidé non coupable et refusé de témoigner, Janusz Kaczmarek a été relâché le lendemain sous caution.

L'ancien ministre accuse désormais le gouvernement, auquel il a appartenu, d'abus de pouvoir et de "méthodes totalitaires". Devant une commission parlementaire, il a affirmé que le ministre de la justice Zbigniew Ziobro, enregistrait les conversations téléphoniques des journalistes et que les services de police avaient l'habitude d'enquêter sur les membres de l'opposition qui étaient mis sur écoute, notamment l'ancien Président de la République (1995-2000), Aleksander Kwasniewski et le fils de Lech Walesa, le député Jaroslaw Walesa (PO). Le Premier ministre, Jaroslaw Kaczynski, a nié en bloc toutes ces accusations.

Si la date des élections législatives et sénatoriales n'a été connue que le 7 septembre, jour de l'autodissolution de la Diète, la campagne électorale avait, de fait, débuté depuis plusieurs semaines. Tout au long de ses deux années au pouvoir, les gouvernements de PiS ont connu des difficultés de plus en plus nombreuses à se maintenir au pouvoir, tensions et désaccords se succédant entre les différentes composantes de l'équipe gouvernementale. Entre septembre 2005 et septembre 2007, Droit et justice (PiS) a gouverné soit en minorité soit allié à Autodéfense-Samoobrona et à la Ligue des familles.

En 2006, le leader d'Autodéfense-Samoobrona, Andrzej Lepper, était nommé vice-Premier ministre, chargé de l'Agriculture. La formation obtenait également les portefeuilles du Travail et des Affaires sociales. En septembre 2006, Jaroslaw Kaczynski, désigné comme Premier ministre deux mois auparavant, décide alors de limoger Andrzej Lepper, celui-ci s'opposant au projet de budget et ayant exprimé son désaccord sur la présence des troupes polonaises en Afghanistan. S'ensuivra une crise politique qui obligera le gouvernement de Jaroslaw Kaczynski à céder et à finalement réintégrer Andrzej Lepper au sein du gouvernement en octobre 2006. Celui-ci en sera de nouveau évincé le 9 juillet dernier, le Premier ministre l'accusant d'être impliqué dans une affaire de corruption. Le 5 août, le leader d'Autodéfense-Samoobrona annonçait que son parti quittait la majorité parlementaire. 8 jours plus tard, les ministres de l'Education, Roman Giertych (LPR), de l'Economie maritime, Rafal Wiechecki (LPR), de la Construction, Andrzej Aumiller (SO) et du Travail, Anna Kalata (SO), étaient limogés, le gouvernement de Jaroslaw Kaczynski se retrouvant donc minoritaire après cette rupture de la coalition.

Les élections législatives et sénatoriales du 21 octobre prochain opposeront, comme en septembre 2005, les deux principales formations politiques depuis les années 2000 : la Plateforme civique, parti libéral, et Droit et justice, au pouvoir depuis deux ans, formation souverainiste partisane d'un Etat social fort. Si les deux partis sont favorables à une économie libérale, ils sont en désaccord sur des sujets importants, par exemple la santé et la fiscalité. "L'Europe a tort de considérer Droit et justice comme une formation de droite. Certes, sur le plan de la morale, dans sa haine de l'homosexualité, son opposition à l'avortement, elle est profondément conservatrice. Mais sa politique économique, sa méfiance face à l'Europe, son protectionnisme, son penchant pour un Etat paternaliste n'ont rien de libéral", déclare l'analyste politique, Pawel Wronski.

La campagne électorale

Le Premier ministre Jaroslaw Kaczynski affiche fièrement le bilan de son gouvernement : 6 % de croissance du PIB et un taux de chômage d'environ 12 % (contre 17 % en septembre 2005). L'information selon laquelle les administrations infranationales - voïvodies (provinces), powiaties (districts) et municipalités- ont dégagé l'an passé un excédent de 11,3 milliards de zlotys alors qu'un déficit de 6 milliards de zlotys était attendu est venue confirmer la bonne santé économique du pays. Si celle-ci est bien réelle, il reste que, selon de nombreux économistes, la Pologne a, ces deux dernières années, manqué les nombreuses opportunités qui lui étaient offertes par sa croissance économique. Le gouvernement a ainsi échoué à réformer les finances publiques et à mettre en place la nécessaire réforme des retraites, il n'a également pas réorganisé le système de santé pourtant obsolète, a accru la dette nationale de 60 milliards de zlotys en deux ans et les dépenses de l'État de 13,7 %. Enfin, contrairement aux promesses faites par le PiS avant les dernières élections législatives et sénatoriales, aucune baisse d'impôts n'a été réalisée.

En revanche, le Premier ministre a accepté, en août, la demande du syndicat Solidarité et annoncé qu'en cas de victoire le 21 octobre prochain, il ferait passer en 2008 le salaire minimum, actuellement de 899 zlotys, à 1 126 zlotys. Cette mesure a été critiquée par les ministres des Finances, Zyta Gilowska, et de l'Economie, Piotr Wozniak, qui estiment que cette hausse va être préjudiciable aux petites entreprises, notamment celles installées en milieu rural, ainsi qu'aux travailleurs non qualifiés et aux jeunes qui constituent une grande partie des chômeurs. Jaroslaw Kaczynski a promis d'augmenter les salaires de la fonction publique de 9,3 points en 2008 et s'est engagé à ne pas modifier la loi sur les retraites avant un an.

Le Premier ministre prône toujours un "Etat fort, capable de combattre la corruption et les autres pathologies du communisme" et en appelle à la "solidarité sociale". "Notre agenda entier est consacré à la meilleure façon de combiner croissance économique et justice sociale", répète-il ajoutant "la Pologne ne doit pas être le pays des riches".

Le PiS a de nouveau placé la lutte contre corruption et contre la criminalité au cœur de sa campagne électorale, une tactique qui lui avait particulièrement réussi lors des élections législatives et sénatoriales du 25 septembre 2005. Le 15 septembre dernier à Cracovie, le ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro, a présenté les succès du gouvernement dans la lutte contre la corruption et le crime affirmant que celui-ci a diminué de 16 % entre 2005 et 2007 et que la corruption a chuté de 100 %. Ces deux dernières années, les frères Kaczynski ont également entrepris la lustration de la Pologne en décidant d'examiner le passé de 700 000 Polonais suspectés d'avoir eu des liens avec le régime communiste. Toutefois, "la publication des archives communistes a été reportée après les élections législatives et sénatoriales", a déclaré le 21 septembre dernier le responsable de l'Institut de la mémoire nationale (IPN), Janusz Kurtyka, ajoutant : "Aucune donnée concernant les acteurs de la vie politique actuelle ne sera publiée avant les élections pour que l'Institut de la mémoire nationale ne soit pas accusé de participer d'une quelconque façon à la campagne électorale".

La sécurité nationale constitue l'autre point central de l'action politique du PiS. Le Premier ministre s'est fait une spécialité d'attaquer l'Allemagne et ses dirigeants, rendus responsables de tous les maux de la Pologne. Au niveau européen, la Pologne s'est querellé avec son partenaire allemand sur les privatisations, les questions d'environnement et surtout sur la Constitution européenne, puis, ensuite, sur le traité européen simplifié. Le gouvernement a également critiqué les liens unissant le gouvernement allemand à la Russie, notamment la décision de l'ancien Chancelier Gerhard Schröder (Parti social-démocrate, SPD) de construire un gazoduc reliant son pays à la Russie et passant par la mer Baltique. Il y a quelques mois, la ministre des Affaires étrangères, Anna Fotyga, accusait encore la presse allemande "d'être à l'origine d'une attaque massive contre la Pologne". Enfin, le Premier ministre est allé jusqu'à déclarer, lors de la discussion sur le système de vote en vigueur au sein de l'Union européenne, en juin dernier à Bruxelles, que la population polonaise serait deux fois plus importante si les nazis allemands n'avaient pas tué tant de Polonais.

"Les frères Kaczynski jouent sur des ressentiments antiallemands pour des raisons de politique intérieure. Leur politique antiallemande est en nette contradiction avec les rapports entre les deux sociétés. Les sondages montrent bien que les Polonais éprouvent des sentiments de plus en plus positifs à l'égard des Allemands", affirme Beata Ociepka, politologue à l'université de Wroclaw. En effet, une enquête d'opinion, réalisée par l'institut GfK Polonia et publiée le 14 septembre dernier dans le quotidien Rzeczpospolita, révèle que la moitié des Polonais (50 %) considèrent que la rhétorique anti-allemande est mauvaise pour l'image du PiS. Le parti accuse l'opposition, qui "a fait beaucoup de mal à la Pologne et ne représente que les oligarques", et notamment la Plateforme civique, "d'être dépendante de l'Allemagne et d'accepter la domination allemande" et de faire partie d'une conspiration qui réunirait d'anciens communistes, des hommes d'affaires et des libéraux qui veulent agir contre la Pologne. "Les frères Kaczynski sont convaincus qu'eux seuls ont raison, que tous les autres sont des ennemis et qu'il ne faut jamais faire de compromis. Ils ont de bonnes idées mais leur approche de la politique est complètement personnelle", analyse Lena Kolarska-Bobinska, directrice de l'Institut des affaires publiques. "Leur grande erreur a été de transformer la politique en une guerre civile permanente", analyse le politologue Aleksander Smolar.

L'opposition dénonce les promesses non tenues par le PiS, tels les 3 millions d'appartements sociaux non construits, l'absence de réforme des finances publiques et de baisses d'impôt, la gestion catastrophique du système de santé ou la ridiculisation de la Pologne sur la scène internationale. Cependant, si une grande partie des électeurs appartenant aux catégories socioprofessionnelles les plus favorisés se sont détournés du PiS, tel n'est pas le cas de l'ensemble de l'électorat qui semble encore sensible au programme des frères Kaczynski. "Les électeurs de Droit et justice se moquent de la démocratie. Outrepasser les lois pour remplir ses objectifs n'est pas vu comme un crime puisque quand ils sont arrivés au pouvoir il y a deux ans, la corruption était omniprésente", affirme Jadwiga Staniszkis, sociologue de l'université de Varsovie. "L'atout de Droit et justice est la loyauté de ceux qui se sont senti abandonnés par les changements intervenus depuis la fin du communisme : les retraités ou tous ceux qui ont d'abord voté pour la gauche puis pour la droite et que Droit et justice a veillé à ne pas décevoir", souligne Kazimierz Kik, analyste à l'Institut de science politique de Kielce. "Ces dernières années, nous avons eu de gros problèmes : la majorité des médias étaient opposées au gouvernement et les insultes et les attaques contre nous se sont succédé sans fin. La campagne électorale nous donne une chance d'atteindre les gens de nous adresser à l'opinion publique", a déclaré Jaroslaw Kaczynski particulièrement confiant dans la performance de sa formation le 21 octobre prochain.

La Plateforme civique (PO) a officiellement débuté sa campagne électorale le 15 septembre dernier à Gniezno, capitale historique de la Pologne. Donald Tusk, rival malheureux de Lech Kaczynski à l'élection présidentielle des 9 et 23 octobre 2005 (45,53 % des voix au 2e tour), accuse les frères Kaczynski "d'avoir trahi les électeurs et ridiculisé la Pologne sur la scène internationale". La PO reproche également au PiS d'avoir, durant ses deux années à la tête du pays, divisé les Polonais. Donald Tusk a promis que cette campagne électorale serait "une grande bataille". "La bataille à venir ne se joue pas entre des partis politiques ou des politiciens ambitieux. Il s'agit d'un choix de civilisation : pour ou contre la civilisation occidentale", a-t-il affirmé mi-septembre. La PO tente de convaincre les Polonais qu'un nouveau mandat du PiS serait très préjudiciable à la Pologne.

La principale formation d'opposition a enregistré un coup dur lorsque Jan Rokita, candidat au poste de Premier ministre aux élections du 25 septembre 2005 et pressenti pour affronter le ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro, dans la circonscription de Cracovie, a décidé de se retirer de la vie politique. Son épouse, Nelly, a accepté sa nomination de conseillère aux affaires féminines et à la promotion des femmes auprès du Président de la République, Lech Kaczynski. "Ma femme s'est sacrifiée pour ma carrière politique durant plusieurs années. C'est aujourd'hui à mon tour de me retirer et de me sacrifier pour elle", a déclaré Jan Rokita, qui a été remplacé sur les listes électorales de la PO par le sénateur Jaroslaw Gowin. Pour de nombreux observateurs de la vie politique (et 69 % des Polonais interrogés dans une enquête d'opinion), le retrait de Jan Rokita ne doit cependant pas être pris au sérieux. Beaucoup mettent en avant le fait que celui-ci estime que ses compétences ne sont pas vraiment reconnues au sein de son parti et qu'il est marginalisé par Donald Tusk. La nomination de son épouse constituerait donc l'événement dont il avait besoin pour reprendre sa liberté. S'il assure la PO de son soutien (et de son futur vote) ne pouvant se permettre d'apparaître comme responsable d'une éventuelle défaite qui serait attribuée à Donald Tusk, Jan Rokita pourrait, en cas de victoire de sa formation, entraîner plusieurs de ses membres à faire scission et fonder un nouveau parti plus à droite, voire à faire alliance avec le PiS pour gouverner. En effet, même si elle arrivait en tête au soir du 21 octobre prochain, la PO ne devrait pas être en mesure de gouverner seule et devrait donc alors se tourner soit vers le PiS soit vers Gauche et démocratie (LiD), formation de gauche créée en 2006 et actuellement en troisième position dans les enquêtes d'opinion. Cette dernière option apparaît la plus probable, mais pourrait s'avérer dangereuse en ce qu'elle entraînerait très certainement une scission au sein du parti libéral.

La PO a enregistré récemment le ralliement de plusieurs membres du PiS. Ainsi, l'ancien ministre de la Défense (2005-février 2007) et chef du Conseil de sécurité nationale, Radoslaw Sikorski, sera candidat à Bydgoszcz. "Je dois admettre, le coeur lourd, que j'ai été déçu par le Premier ministre Jaroslaw Kaczynski", a-t-il déclaré après avoir été démis de ses fonctions de chef du Conseil de sécurité nationale le 18 septembre dernier. Antoni Mezydlo a également choisi de rallier la PO et sera sa tête de liste à Torun. Il a souligné qu'il avait pris sa décision de quitter le PiS en constatant le rapprochement du PiS avec le Père Tadeusz Rydzyk, directeur de Radio Maryja. "Lorsque j'ai rejoint Droit et justice, je n'ai pas rejoint le parti du Père Tadeusz Rydzyk", a-t-il indiqué. Ironie du sort : Antoni Mezydlo affrontera à Torun Anna Sobecka, ancienne présentatrice de Radio Maryja, qui est la candidate du PiS dans cette circonscription. Enfin, Bogdan Borusewicz, président du Sénat, a rejoint les listes électorales de la PO pour qui il concourra pour un siège de sénateur à Gdansk. Elu le 25 septembre 2005 avec le soutien de la PO et du PiS, Bogdan Borusewicz a donc décidé de s'éloigner de cette dernière formation à qui il reproche également son alliance avec Radio Maryja ainsi que son virage vers l'extrême droite.

"J'ai l'honneur de représenter non seulement l'opposition démocratique aux communistes mais aussi tous ceux qui viennent de la gauche d'avant 1989" affirme l'ancien Président de la République (1995-2005), Aleksander Kwasniewski, leader de Gauche et démocratie (LiD). Cette formation, créée en 2006, rassemble d'anciens membres du Parti démocrate (PD), du Parti social-démocrate (SDPL), de l'Alliance de la gauche démocratique (SLD), et de l'Union du travail (UP) et se présente comme le seul parti à être capable de battre le PiS. "Gauche et démocratie dépasse les divisions historiques et est une réponse à la grave crise politique que connaît la Pologne depuis 1989", affirme Aleksander Kwasniewski.

L'ancien Président de la République a donné un coup de projecteur sur un problème important de la Pologne : l'émigration d'un grand nombre de ses citoyens. Selon Aleksander Kwasniewski, les élections législatives et sénatoriales anticipées vont entraîner une nouvelle vague d'émigration. "Nous vivons une tragi-comédie. Si vous vivez dans une ambiance délétère et que vous ne pouvez penser, agir ou vivre librement, vous partez. Aujourd'hui, deux millions de jeunes Polonais vivent à l'étranger, ils seront bientôt plus nombreux encore. Avec les Kaczynski, la Pologne n'a aucune chance de profiter de toutes les opportunités que lui offre l'Union européenne", affirme l'ancien Chef de l'État. Ce thème de l'émigration a été repris par Donald Tusk qui a exhorté les Polonais à se rendre aux urnes avec leurs enfants, "faute de quoi dans une semaine ou dans un mois, ils auront eux aussi quitté le pays", mais également par le Premier ministre Jaroslaw Kaczynski qui a déclaré le 20 septembre dernier qu'il allait mettre en œuvre une nouvelle commission gouvernementale chargée de lutter contre cette émigration estimée à 1,2 million de Polonais. Le gouvernement promet d'organiser des forums pour l'emploi et d'augmenter les liens entre les établissements éducatifs polonais et les universités étrangères.

L'ancien Premier ministre de l'Alliance de la gauche démocratique (2001-2004), Leszek Miller, a quitté sa formation le 15 septembre dernier après avoir été évincé de la liste présentée par le parti à Lodz. Il sera finalement candidat sur la liste présentée par Autodéfense-Samoobrona dans cette même circonscription de Lodz où il affrontera le leader de l'Alliance de la gauche démocratique, l'ancien ministre de l'Agriculture Wojcieh Olejniczak. Leszek Miller, dont le nom reste associé à plusieurs scandales qui ont entaché la législature de l'Alliance de la gauche démocratique, a cependant affirmé qu'il ne rejoignait pas la formation populiste mais avait l'intention de créer son propre parti, La Gauche polonaise (PL) qui rassemblera toutes les personnes "qui ne sont pas intéressées par la gauche actuelle" qu'il qualifie de "peureuse et dépendante". "Je veux bâtir un parti qui ne demandera pas éternellement pardon pour la République populaire de Pologne", indique t-il.

La Ligue des familles présentera pour les élections législatives et sénatoriales du 21 octobre prochain des listes conjointes avec le Droit de la République de Pologne (PR), fondé par Marek Jurek, ancien président de la Diète, et l'Union de la vraie politique (UPR). La Ligue des familles cherche à prouver qu'elle est la seule formation de droite en Pologne, le Parti populaire se présente comme un parti de consensus et de compromis.

Fin août, le jour du 27e anniversaire de Solidarité, l'ancien ministre des Affaires étrangères, Bronislaw Geremek, l'ancien Président de la République (1990-1995), Lech Walesa, et l'ancien Premier ministre (1989-1991), Tadeusz Mazowiecki, ont publié la "Déclaration de Gdansk de 2007". "La situation actuelle requiert des changements au plus haut niveau. Il est nécessaire de jeter une lumière sur les événements qui se sont déroulés ces derniers mois. De nouvelles élections législatives et sénatoriales sont nécessaires" écrivent-ils. "Les calomnies et les disputes ont détruit la confiance des citoyens dans la politique, les autorités et les institutions qui au lieu de veiller sur l'application de la loi sont devenus des instruments dans les mains de ceux qui détiennent le pouvoir. Des signes sérieux montrent que l'on s'est servi de ces institutions contre les citoyens. La scène politique polonaise doit être nettoyée et débarrassé de la saleté, de la haine et de l'obstination et une nouvelle génération doit pouvoir avoir sa chance" peut-on lire dans la "Déclaration de Gdansk de 2007". Le rédacteur en chef du quotidien Gazeta Wyborcza, Adam Michnik, écrivait le 31 août que les frères Kaczynski ont "franchi le Rubicon qui sépare la loi démocratique du coup d'état rampant". Enfin, Lech Walesa affirme que le comportement des frères Kaczynski "provient de l'héritage stalinien". "Ils font tout ce qu'ils peuvent pour garder le pouvoir et détruire leurs adversaires" affirme l'ancien Président de la République.

Longtemps en tête des enquêtes d'opinion, la PO est dorénavant menacée par le PiS. Selon un sondage publié le 17 septembre dernier par le quotidien Gazeta Wyborcza, la PO remporterait les élections législatives et sénatoriales du 21 octobre prochain avec 30 % des suffrages, talonnée par le PiS qui obtiendrait 29 % des voix. Gauche et démocratie recueillerait 12 % des suffrages, l'ensemble des autres formations restant au-dessous des 5 % nécessaires pour être représentées à la Diète. Le 17 septembre, le Groupe d'études (PGB) plaçait le PiS en tête des intentions de vote avec 35 % des voix, suivi par la PO (30 %), Gauche et démocratie (18 %), la Ligue des familles (7 %) et le Parti populaire (5 %).

Deux enseignements se dégagent de ces différentes enquêtes d'opinion : aucune des deux principales formations ne devraient être en mesure de gouverner seule et Gauche et démocratie pourrait bien se retrouver dans la position de faiseur de roi. "La PO ne peut faire alliance avec le PiS. Une alliance avec Gauche et démocratie ne constitue pas non plus une option. Nous ne pouvons accepter que le PiS reste au pouvoir ni que la PO rejoigne une coalition anti-PiS parce que cela signifierait gouverner avec Andrzej Lepper et Roman Giertych" a déclaré Donald Tusk il y a quelques jours. De son côté, le Premier ministre Jaroslaw Kaczynski a affirmé le 16 septembre dernier : "Nous formerons une grande coalition au nom du PiS Je tends la main à tous ceux qui veulent travailler au bien de la Pologne".

Autodéfense-Samoobrona et la Ligue des familles (et surtout leurs leaders respectifs) jouent leur survie politique le 21 octobre prochain. Donald Tusk n'a pas d'autre choix que de remporter ces élections sous peine de voir, avec une troisième défaite (après les élections législatives et sénatoriales du 25 septembre 2005 et l'élection présidentielle des 9 et 23 octobre de la même année), ses ambitions personnelles (par exemple, succéder en 2010 à Lech Kaczynski au poste de Président de la République) réduites à néant. Enfin, les formations de gauche doivent montrer qu'elles constituent des forces d'avenir. L'ensemble des faiblesses de ses adversaires constituent les principales forces du PiS.

Le niveau de participation sera déterminant lors de ces élections aux allures de référendum sur les frères Kaczynski. "L'électorat est très, très instable. Jusqu'à récemment, il était politiquement correct de dire que vous alliez voter pour la PO parce que les gens étaient très critiques envers la façon dont le PiS opère dans sa politique anti-corruption. L'électeur polonais est assez inconstant. Regardez comment la gauche est tombée de 40 % en 2001 à 11 % aux dernières élections législatives et sénatoriales de septembre 2005" souligne Rafal Trzaskowski, politologue au Collège de Natolin.

Corinne Deloy/Fondation Robert Schuman



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