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Géorgie, Russie et Grande-Bretagne : Badri Patarkatsichvili, oligarque (1955-2008)


vendredi 29 février 2008, par Mirian Méloua

Littéralement "fils du petit homme" en français, Badri Patarkatsichvili était présenté tour à tour comme ingénieur soviétique, oligarque russe, homme recherché par la justice russe, ou milliardaire géorgien actif dans l'économie, les médias, le mécénat, les sports ... et la politique.

C'est beaucoup, même pour cet homme d'origine juive qui arborait de magnifiques moustaches blanches à l'ancienne et qui ne perdait jamais l'occasion d'apparaître sur le devant de la scène !

Le parcours en Russie

Son parcours personnel est mal connu, il est né à Tbilissi le 31 octobre 1955. On lui attribue un début de carrière aux Jeunesses communistes à Tbilissi, un diplôme d'institut polytechnique, avant qu'il ne saute le pas vers la Russie et vers une filature publique de laine transformée en entreprise privée (1991).

Il s'associe à l'oligarque russe Boris Berezovsky. En 1992, il oeuvre pour le groupe LogoVAZ group (automobiles Lada) comme vice-président, en 1995 pour la télévision publique ORT-TV comme directeur adjoint et en 2001 pour TV6. Il a également des intérêts chez le pétrolier Sibneft et l'industriel de l'aluminium Rusal. Sa réussite lui permet d'amasser une fortune sous l'oeil bienveillant de la "famille" Eltsine (1).

En mars 1995, il est néanmoins inquiété dans le cadre de l'enquête sur la mort du directeur général d'ORT-TV. En juin 2001, la justice russe le recherche pour avoir aidé à l'évasion d'un directeur d'Aeroflot.

En octobre 2001, il se réfugié à Tbilissi, la position de Boris Berezovsky et la sienne s'étant détériorées avec l'arrivée de Vladimir Poutine.

Le parcours en Géorgie

Le 16 novembre 2001 sa propriété de Tbilissi brûle.

En octobre 2002, la justice russe le condamne pour vol à grande échelle dans l'usine utomobile AvtoVAZ (2000 voitures) et lance un mandat d'arrêt international. Edouard Chévardnadzé n'honore pas la demande de la Russie, pas plus que Mikheïl Saakachvili ne l'honorera après la Révolution des Roses.

Il continue à travailler avec la Russie, à distance : il achètera en février 2006 les parts de Boris Berezovsky dans la Maison d'édition Kommersant (Journal "Kommersant", magazines "Vlast" et "Dengi") et les revend en août pour 300 millions de dollars.

Il investit, joue parfois avec la majorité présidentielle en place, parfois contre. La tension monte avec l'équipe du président Saakachvili dès 2006. Il transfère une partie de ses avoirs à Londres début 2007 et laisse entendre qu'il se retire économiquement de la Géorgie afin d'y mieux oeuvrer politiquement. Il s'estime persécuté, accusé à tort de collusion avec certains milieux russes.

Economie

Le président Chévardnadzé déclare publiquement le 29 décembre 2001 que Badri Patarkatsichvili est le bienvenu en Géorgie afin de développer des activités commerciales : il ne s'en prive pas, touchant aux domaines bancaires, portuaires, touristiques et technologiques.

En avril 2003, il prête intérêt à la compagnie aérienne Georgian Airlines, en crise depuis l'assassinat de son président Kakhi Assatiani. En août 2003, il inaugure son complexe touristique sur la mer Noire, à Ouréki. En avril 2004, il est élu président de l'Union Géorgienne des Payeurs d'Impôts qui devient la Fédération Géorgienne des Patrons d'Entreprises. En mars 2005, la banque ABG (Agro Business Bank of Georgia) est vendue à son fonds d'investissement Salford pour 7,4 millions de lari (2).

En août 2006, il vend sa participation dans le terminal pétrolier de Koulévi (mer Noire). Malgré son annonce de retrait de l'économie géorgienne, il possède toujours en août 2007, par l'intermédiaire de Salford, l'ancienne activité en Géorgie de la compagnie américaine Metromedia (34,5 % de l'opérateur de mobiles MagtiCom, 85 % de la télévision cablée Aytey, 30 % de Telecom Georgia).

En novembre 2007, l'exploitation du parc de loisirs Mtatsminda est retirée par la Municipalité de Tbilissi à l'une de ses compagnies, Lynx, en dépit d' une concession courant sur 50 ans.

Il avait du quitter en octobre la présidence de l'organisme patronal, sur fond de crise politique.

Médias

Il lance la chaîne privée de télévision IMEDI TV en mars 2003 et bâtit un groupe de médias, IMEDI Radio, journal Mtavari Gazeti, agence Interpress.

Il ferme l'agence en 2006, fait entrer Rupert Murdoch -le magnat international des médias- au capital du groupe IMEDI et laisse entendre son désengagement.

IMEDI TV joue un rôle clé lors des manifestations de l'opposition en novembre 2007, à l'image de l'autre chaîne privée de télévision Rustavi2 lors de la Révolution des Roses. Les locaux sont investis le 7 novembre par les forces spéciales de sécurité et fermés.

Le 14 novembre, la Cour de Justice de Tbilissi suspend la licence d'exploitation pour trois mois, en raison d'une "incitation au renversement du gouvernement".

A quelques semaines de l'élection présidentielle, Badri Patarkatsichvili trouve l'appui de la communauté internationale afin de faire ré-ouvrir la "seule" télévision d'opposition. La médiation du Polonais Adam Michnik, soutenue par l'Union européenne, aboutit à une ré-ouverture le 12 décembre.

La direction politique d'IMEDI TV et six journalistes démissionnent le 26 décembre, "soucieux de ne pas être mêlés aux sâles jeux politiques" : ils entraînent la suspension de fait des émissions.

Mécénat

La popularité de Badri Patarkatsichvili vient d'abord de sa réussite financière, mais certainement aussi de ses actions de mécénat et dans les sports. Il a d'abord financé le rapatriement en Géorgie d'icônes orthodoxes vendues en Europe et des reliques de Sainte Kéthevane, une reine torturée à mort au XVIIème siècle en Perse.

Il a ensuite prêté, ou plutôt donné, des fonds pour l'action publique à diverses reprises, par exemple en décembre 2001 pour règler les dettes d'approvisionnement en gaz russe de la Municipalité de Tbillissi (un million de dollars), en janvier 2004 pour équiper de trois voitures la police de la capitale.

Sports

Il a enfin offert, en août 2004, quatre cent mille lari (2) au judoka Zourab Zviadaouri et à l'haltérophile Guiorgui Asanidzé pour les deux premières médailles d'or de la Géorgie aux Jeux Olympiques.

Le Comité Olympique Géorgien l'élit président en décembre 2004 : il présente, sans succès, le dossier de la Géorgie (Borjomi et Bakouriani) pour les Jeux Olympiques d'hiver de 2014.

Il doit en quitter la présidence, sur fond de crise politique, en octobre 2007.

Politique

En avril 2003, il soutient deux partis d'opposition Les Nouvelles Droites (David Gamkrélidzé et Levan Gatchétchiladzé) et l'Union des Démocrates (Zourab Jvania), Il se ravise en septembre et décide de financer la campagne de la majorité présidentielle aux élections législatives. Durant la révolution des Roses, il aide à la constitution d'une alliance entre Edouard Chévardnadzé et Aslan Abachidzé, maître de l'Adjarie.

En mars 2004, il renouvelle ses propositions d'intermédiation, cette fois entre Mikheïl Saakachvili et Aslan Abachidzé. Après la mort de Zourab Jvania, Premier ministre, dont il se dit proche, il envisage de quitter la Géorgie.

En février 2006, IMEDI TV diffuse un reportage sur la mort de Sandro Guirvliani, dans laquelle des hauts niveaux du ministère de l'Intérieur seraient impliqués. C'est une déclaration de guerre. Le pouvoir met en avant le dépit de Badri Patarkatsichvili d'avoir perdu des marchés (en particulier deux terminaux du port de Poti), l'intéressé révèle que la Fédération Géorgienne des Patrons d'entreprises a financé un fonds pour l'armée, à hauteur de 160 millions de lari. En août, Badri Patarkatsichvili refuse la proposition des Nouvelles Droites de conduite d'une liste aux élections municipales de Tbilissi.

En septembre 2007, Mikheïl Saakachvili est accusé publiquement par l'un de ses anciens ministres, Irakli Okrouachvili, d'avoir cherché à faire assassiner Badri Patarkatsichvili. Le malaise social, consolidé par la ligne éditoriale d'IMEDI TV et le financement du milliardaire, aboutit aux manifestations de masse du 2 au 7 novembre. Il y prend la parole, avec pour tout programme "Une Géorgie sans Saakachvili, une Géorgie sans terreur", avant de repartir à l'étranger. Sa maison de Tbilissi est perquisitionnée pour constitution de bande armée.

Le 26 novembre, Badri Patarkatsichvili fait acte de candidature aux élections présidentielles anticipées sans soulever l'enthousiasme des partis d'opposition. Le 23 décembre, il rencontre en Grande- Bretagne un responsable du ministère géorgien de l'Intérieur, Irakli Kodoua. Les versions de l'entretien diffèrent. Le 25 décembre, les autorités géorgiennes publient un enregistrement dans lequel Badri Patarkatsichvili propose à Irakli Kodoua de neutraliser le ministre de l'Intérieur et de laisser les manifestants exprimés leur mécontentement le soir du vote, pour une contre-partie de 100 millions de dollars. Le 5 janvier 2008, il obtient 140 826 voix, soit 7,1% des suffrages exprimés.

L'exil et la mort

Depuis le 2 novembre 2007, Badri Patarkatsichvili s'était bien gardé de revenir en Géorgie : il partageait son temps entre la Grande-Bretagne et Israël.

Le 15 janvier 2008, la Cour de Justice de Tbilissi l'inculpe de tentative de coup d'Etat et le condamne à deux mois de prison préventive, par contumace. Une partie de ses avoirs en Géorgie est saisie.

Le 12 février, il décède d'une crise cardiaque dans sa résidence de Leatherhead dans le conté du Surrey : l'autopsie effectuée par les autorités britanniques conclut à une mort naturelle.

Le 28 février, un dernier hommage lui est rendu par plusieurs milliers de Géorgiens aux abords de sa résidence de Tbilissi, Arcadia, l'ancien "Palais des Mariages". Il y est inhumé après une cérémonie de rites juif et orthodoxe, en présence de sa veuve Ina, de ses deux filles et du Patriarche de l'Eglise orthodoxe géorgienne, Ilia II.

*

Sources multiples :

-  médias géorgiens dont La Vie en Géorgie et Civil Georgia

-  médias internationaux.

Notes :

-  (1) voir Géorgie : les grandes fortunes en 2006

-  (2) Un euro vaut 2,4 lari en novembre 2007.



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