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Géorgie : le peintre Niko Pirosmani (1862-1918)


PIROSMANICHVILI OU PIROSMANISHVILI, NIKALA OU NIKOLAY
lundi 28 avril 2008, par Mirian Méloua

La vie de Niko Pirosmanichvili, mal connue de son vivant, l'est également de ceux qui ont essayé de la reconstituer. La légende a magnifié l'homme qui aurait mis en faillite son commerce de produits laitiers pour venir en aide aux malheureux, le Géorgien amoureux d'une danseuse française dont il aurait couvert de fleurs la résidence et la rue, le peintre autodidacte rejeté par les peintres académiques.

L'enfance

Il serait né le 5 mai 1862 dans le village de Mirzaani, dans la région de Kiziki, en Kakhétie. L'état civil tenu par l'église orthodoxe mentionne quatre naissances au nom de Nikala Pirosmanichvili ente 1860 et 1870 ; les archives des chemins de fer transcaucasiens ont fait néanmoins retenir cette hypothèse.

Il naît dans une famille de quatre enfants, Georges (décédé à 15 ans), Mariam, Pépoutsa et Niko. Son père Aslan est paysan, sa mère Teklé Toklikachvili fabrique des tapis.

A la mort de son père, en 1870, il part rejoindre à Tiflis sa soeur Mariam et son mari. Une épidémie de choléra emporte Mariam. Son beau-frère le place alors dans la famille Kalantarov qui s'occupe de son éducation. Il apprend la langue russe, s'initie à la culture géorgienne, s'intéresse à la poésie et à la peinture (1) : la légende veut qu'il commence à dessiner sur les murs afin de satisfaire son goût de la création artistique.

Très jeune homme, on lui prête une amourette avec une riche veuve chez qui il s'emploie un temps. Il fonde ensuite un atelier de peinture avec un autre peintre, sans succès.

Les chemins de fer, le commerce de produits laitiers

Il entre aux chemins de fer transcaucasiens vraisemblablement en 1882 pour y rester une dizaine d'années pour les uns, une vingtaine d'années pour les autres, comme serre-frein (mais peut-être aussi comme vaguemestre) : des documents d'archive montrent sa présence en 1888 et attestent d'une demande de départ pour raison de santé en 1894. Il y trouvera une certaine inspiration, outre des portraits de collégues, il peint "Batoumi", "La mer Noire", "Le train de Kakhétie".

Il ouvre ensuite un commerce de produits laitiers : il en profite pour orner la boutique de dessins champêtres et de bovins colorés. L'affaire fonctionne suffisamment bien pour qu'il en tire assez d'argent et fasse construire une maison dans son village natal, Mirzaani (2).

Auprès des femmes, il a la réputation d'être un bel homme : tantôt habillé à la circassienne, tantôt habillé à la russe ou à l'européenne, il accorde importance à l'aspect vestimentaire. Auprès des hommes, il a plus mauvaise presse : fier, révolté, n'aimant pas l'église, prêt à peindre pour un verre de vin, il ne supporte pas les suggestions de ses compatriotes sur ses créations.

En 1905, il tombe amoureux d'une Française venue à Tiflis, danseuse et chanteuse de cabaret, Marguerite. Il inonde de fleurs sa loge, sa maison et sa rue, créant ainsi une légende et exécutant différents tableaux d'elle dont "L'actrice Marguerite" (3). Son retour en France "brise la vie de l'artiste" (4).

Il met le commerce en faillite, aidé par le peu de cas qu'il fait des règlements clientèle.

Les estaminets de Tiflis

Il se loue ensuite dans les estaminets de Tiflis et y rencontre toutes les classes de la société. Pour plaire aux clients cultivés, il peint les figures historiques géorgiennes, "La Reine Tamar", "L'écrivain Chota Roustavéli", "Le héros national Guiorgui Saakadzé", "Le Roi Irakli II". Pour plaire aux clients moins cultivés, il peint les scènes de la vie quotidienne, se remémorant aussi sa lointaine Kakhétie. Ses oeuvres sont parfois achetées, souvent échangées contre le gîte ou le couvert.

Une reconnaissance éphémère

En 1913, trois membres du mouvement futuriste russe, Mikhaïl Le Dentu, Kirill et Ilia (5) Zdanévitch font exposer à Moscou quatre tableaux de Niko Pirosmani lors d'une manifestation réservée aux peintres autodidactes : le talent de l'artiste est relevé par la presse russe. Cette même année, le journal géorgien "Thémi" mentionne certaines de ses oeuvres. Quelque temps après, les frères Zdanévitch exposent plusieurs de ses tableaux dans leur résidence de Tiflis et invitent toute la bonne société transcaucasienne. Rien n'y change, la vie du peintre reste aussi difficile d'estaminet en estaminet.

En 1916, Dito Chévardnadzé crée la Société des artistes géorgiens et y fait figurer Pirosmani au titre d'artiste national : il a en effet été particulièrement séduit par les décorations qui ornent les boutiques aux alentours de la gare de Tiflis. Lors de la première réunion, un appel est lancé à la Société géorgienne d'histoire et d'ethnographie afin qu'elle réunisse les fonds nécessaires à l'aide de Niko Pirosmani. Cette demande est signée des grands noms de l'art géorgien comme Lado Goudiachvili, Iosséb Gogolachvili, Mossé Toidzé et Guigui Zaziachvili, en vain. Le 24 mai, Niko Pirosmani est retrouvé par Mossé Toidzé et Guigui Zaziachvili, et est invité à rejoindre la société des artistes géorgiens. Avec l'argent donné par Dito Chévardnadzé, 10 roubles, Il achète les matériels nécessaires et peint "Mariage du temps passé en Géorgie".

Pourtant une caricature signée G.Z., attribuée à Guigui Zaziachvili, publiée dans la "Feuille du Peuple", "Sakhalkho Pourtséli", met fin à cette collaboration : elle représente un vieil homme peignant une girafe, auprès duquel se tient un jeune écrivain célébre (6) et tenant les propos suivants "Tu peux apprendre mon frère. Un homme de ton âge peut encore travailler. Dans dix ou vingt ans, tu deviendras un bon peintre". Niko Pirosmani est profondément blessé.

La mort

La Première Guerre Mondiale mobilise les esprits, Niko Pirosmani ne trouve plus de client. Il se réfugie dans l'un des quartiers les plus pauvres de Tiflis, Malakan Bazar. Ne pouvant plus payer de loyer, il dort sous les escaliers ou dans les fondations des maisons, qu'il rejoint après la nuit tombée. L'hiver de 1917 à 1918 est rude. Il est retrouvé inconscient et transporté à l'hôpital par Ilia Mgaloblichvili : il meurt la veille de Pâques.

L'oeuvre

Sur les 2000 tableaux vraisemblablement produits par Pirosmani, seuls 200 sont connus aujourd'hui, natures mortes, animaux, portraits, scènes de la vie quotidienne. De son vivant, les estaminets de Tiflis étaient ornés de toiles cirées signées Pirosmani, les boutiques de Tiflis arboraient des enseignes décorées par Pirosmani.

Il a été le peintre de Tiflis, carrefour entre l'Orient et l'Occident, et de ses "doukani" (7), il a aussi été celui des campagnes transcaucasiennes, Kakhétie et paysages parcourus en chemin de fer. Il a été le peintre du temps passé avec ses dessins à la byzantine ou à la persane, mais il a aussi été celui de son temps présent avec un chromatisme à la manière des peintres français de la fin du XIXème siècle.

Naïf pour les uns, primitif pour les autres, Pirosmani reste l'un des peintres géorgiens les plus connus dans le monde : ses oeuvres font l'objet d'expositions régulières à l'étranger, par exemple à Nantes en mars 1999 et à Vézelay en septembre 2008.

Notes :

(1) Niko Pirosmani aurait suivi des cours de dessin à l'âge de 12 ans (selon Ilia Zdanévitch).

(2) Niko Pirosmani retourne rarement à Mirzaani, son village natal. La maison qu'il y fait construire abrite sa soeur Pépousta.

(3) En 1969, lors d'une exposition Pirosmani à Paris, une femme âgée se présente devant le tableau de Marguerite et demande à être photographiée devant lui. La ressemblance est frappante : la vielle dame déclare que "Pirosmani l'a aimé comme un chevalier courtois" et disparaît (selon Chalva Amiranichvili, directeur du Musée des Beaux Arts de Tbilissi).

(4) La date de retour en France de Marguerite correspond à la fin d'une relative prospérité pour Niko Pirosmani (selon Kirill Zdanévitch).

(5) Ilia Zdanévitch (1894-1975). dit Iliazd, repose "au carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge. A sa demande, Picasso accepta d'exécuter en 1972 un portrait de Pirosmani qu'il n'avait jamais connu.

(6) Il s'agit de Grigol Robakidzé (1884-1962) contre qui la caricature aurait été destinée. Grigol Robakidzé repose lui aussi à Leuville-sur-Orge.

(7) "Doukani", boutique de Tiflis, estaminet où l'on venait boire et manger, que l'on soit géorgien, arménien, azéri, russe ou étranger, cultivé ou inculte, riche ou démuni.

Sources multiples

-  Géorgie, bibliographie : arts et traditions

-  Sites Internet dont Pirosmani (Nino Tchokobava)



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