En réponse à l'OTAN, la Russie renforce ses liens avec l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud (avril 2008)
jeudi 17 avril 2008, par Mirian Méloua
Vraisemblablement en réponse à la prise de position des 26 pays de l'OTAN, à Bucarest, le 3 avril 2008, concernant le principe de l'adhésion de la Géorgie à l'alliance, à terme, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a demandé le 16 avril au gouvernement russe de renforcer les liens entre la Russie, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.
Le 6 mars, la Russie avait levé unilatéralement les sanctions décidées par la Communauté des Etats Indépendants en 1996 vis-à-vis de l'Abkhazie, en particulier les restrictions à l'entrée de matériels et de troupes militaires.
Le 16 avril, Vladimir Poutine demande au gouvernement russe d'établir des liens officiels avec les autorités de fait d'Abkhazie (1) et d'Ossétie du Sud (2) dans les domaines économiques, sociaux, scientifiques, de l'information et de l'éducation.
Désormais, les régions de la Fédération de Russie sont encouragées à établir, à leur niveau, des relations avec les régions séparatistes géorgiennes.
Les compagnies et les entreprises enregistrées en Abkhazie et en Ossétie du Sud seront considérées comme légales sur le territoire de la Fédération de Russie.
Les autorités fédérales russes seront habilitées à établir des liens avec l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud afin d'apporter leur support en droit civil et criminel.
Les bureaux du ministère russe des affaires étrangères de Krasnodar et d'Alania (Ossétie du Nord) seront habilités à fonctionnet comme des consulats pour les citoyens résidant en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
Réaction des régions séparatistes
Les chargés d'affaires étrangères, Mourat Djioev pour l'Ossétie du Sud, déclare que "c'est le début de la reconnaissance de l'indépendance", Sergueï Chamba pour l'Abkhazie que "la reconnaissance est un long processus, le précédent du Kosovo l'a accéléré".
Réaction de la Géorgie
Le ministre des Affaires étrangères, David Bakradzé, déclare que la Russie effectue "une tentative de légaliser l'annexion de deux régions géorgiennes, en violation des lois internationales".
Le président de la République, Mikheïl Saakachvili, demande le retrait du plan russe et annonce plusieurs initiatives diplomatiques, les unes menées en Europe par Guiorgui Baramidzé, vice-premier ministre, en particulier vers l'Allemagne et la France, et les autres menées aux Etats-Unis par David Bakradzé.
Réactions internationales
Le Secrétaire Général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, appelle la Russie à "revenir sur des mesures qui sapent la souveraineté de la Géorgie".
Le président de l'OSCE, Alexander Stubb, se déclare "opposé aux décisions que la Fédération de Russie a prises d'établir des liens officiels avec l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud".
Le Haut Représentant aux relations extérieures et à la sécurité de l'Union européenne, Javier Solana, se dit "préoccupé par les décisions russes" et rappelle "le soutien européen à l'intégrité territoriale de la Géorgie".
Le porte parole du Département d'Etat américain, Sean McCormack, réitère "le support indéfectible des Etats-Unis à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de la Géorgie" et informe que le plan de la Russie sera examiné avec la plus grande attention.
Le représentant spécial de la Grande-Bretagne au Caucase du Sud, Sir Brian Fall, estime que "les mesures unilatérales prises par la Russie n'aboutiront qu'à accroître les tensions dans la région".
Analyse
Le bras de fer engagé par Vladimir Poutine afin de ne pas laisser l'OTAN s'approcher plus encore de la Russie à l'Ouest et au Sud, continue. A Bucarest, les pays de la "vieille Europe", dépendante énergétiquement de la Russie, avaient tempéré les vélléités américaines en ce sens.
Le sort des 100 000 habitants d'Abkhazie (dont 50 000 d'ethnie abkhaze) et des 50 000 d'Ossétie du Sud s'inscrit dans une logique qui leur échappe : ces populations s'éloignent de la Géorgie année après année et leur russification s'accentue.
Le retour des 2 à 300 000 Géorgiens expulsés manu militari d'Abkhazie dans les années quatre-vingt dix n'est pas pour demain.
Notes :
(1) Depuis des années, le groupe des "Amis du Secrétaire Général des Nations Unies" (Allemagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) ne parvient pas à faire progresser de solution pacifique au conflit abkhaze. L'Assemblée générale a voté récemment la reconduction de la mission des Nations unies (MONUG), ce qui entérine de fait la présence de "forces de paix" russes : les autorités géorgiennes demandent leur remplacement par des forces internationales.
(2) La Commission de Contrôle Mixte, réunissant Russie, Ossétie du Nord, Ossétie du Sud et Géorgie, sous l'égide de l'OSCE, ne parvient pas, elle non plus, à faire progresser de solution pacifique au conflit ossète. La présence de "forces de paix" russes est ici aussi contestée par les autorités géorgiennes.
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