Ukraine : liberté de la presse en 2007
RAPPORT ANNUEL REPORTERS SANS FRONTIÈRES
mercredi 7 mai 2008
Si depuis l'arrivée au pouvoir de Viktor Iouchtchenko en 2005, les pressions du monde politique sur les médias se sont faites moins nombreuses, la polarisation de la presse et de la société en général ne facilite pas la mise en oeuvre d'une ligne éditoriale indépendante.
Le pays est en proie à une instabilité politique tenace. En avril 2007, le président a dissous le Parlement puis limogé le premier ministre Viktor Ianoukovitch. En septembre, les élections législatives ont abouti au retour de Ioulia Timochenko, figure de la révolution orange, au poste de Premier ministre qu'elle avait occupé de 2004 à 2005.
En mars 2007, la chaîne de télévision publique UT-I a retiré de ses programmes l'émission de débat politique Toloka. Cette décision est survenue soudainement, après la diffusion, le 19, d'une édition à laquelle, Ioulia Timochenko et Viatcheslav Kirilenko (leader du parti pro-présidentiel Notre Ukraine) étaient invités. Lancée un an auparavant, Toloka était la seule émission de débat politique de la chaîne UT-I et n'avait, jusque-là, jamais subi de pressions, selon le producteur. La rediffusion prévue de l'émission incriminée a été annulée. Le président de la chaîne a justifié sa décision par le manque de professionnalisme du présentateur et déclaré n'avoir subi aucune pression du gouvernement. Plusieurs membres du Parlement ont condamné cette décision dans laquelle ils ont vu un retour à l'époque de la censure.
Egalement soumis à des pressions, le rédacteur en chef du quotidien indépendant Gazeta 24, Vitali Portnikov, a donné sa démission en octobre, justifiant sa décision dans une lettre ouverte aux journalistes et aux lecteurs du quotidien. Le rédacteur en chef avait déjeuné peu de temps auparavant avec l'un des principaux actionnaires, qui lui avait annoncé sa volonté d'exercer un contrôle sur la ligne éditoriale du journal et en particulier sur les pages politiques.
Par ailleurs, en janvier, l'hebdomadiare indépendant Djerjinets, dans la ville de Dnieprodzerjinsk, a été fermé et les biens de sa propriétaire saisis pour payer une amende de 140 660 hryvnias (19 000 euros), pour "diffamation" à l'encontre d'un chef de la police locale accusé de corruption. La rédactrice en chef, Margarita Zakora, n'a pas pu assister aux audiences, dont elle a eu connaissance qu'après coup. Elle a découvert la fermeture du journal en se rendant à la rédaction et en découvrant l'ordre du tribunal apposé sur la porte. Les autorités ont refusé de considérer son recours en appel, arguant que le délai légal était dépassé.
Des journalistes exposés à la violence
Les journalistes, quand ils sont victimes de violence dans le cadre de leur activité professionnelle, ne sont pas toujours correctement défendus par la justice, C'est le cas de Vlad Isaïev, photojournaliste pour le bi-hebdomadaire Rivne Vechirne. En février, il a été menacé de mort par l'homme d'affaires Anatoli Pekhotin, alors qu'il couvrait une dispute entre celui-ci et les employés d'un parking dont il revendiquait la propriété. Anatoli Pekhotin a ouvert le feu touchant des véhicules. Lorsqu'il a aperçu le photographe en train de prendre des clichés, il l'a mis en joue. Il a ensuite pointé le canon de son arme sur le cou du journaliste avant de menacer de le tuer s'il continuait à écrire des articles sur lui. Vlad Isaïev a porté plainte immédiatement après l'incident. Mais, le 15 mars, le procureur a rejeté sa plainte pour manque de preuves malgré plusieurs témoignages et la production des photos prises par le journaliste.
En août, un photographe du quotidien Sevodnia a été frappé alors qu'il couvrait un meeting du bloc d'opposition de Ioulia Timochenko, à Odessa. Cette agression est survenue trois jours seulement après l'évacuation des locaux du titre en raison d'une alerte à la bombe, et plusieurs menaces téléphoniques. Le rédacteur en chef, Igor Goujva, est convaincu que ces menaces sont liées à l'action en justice intentée par le journal contre Olexandre Tourtchinov, membre du principal parti d'opposition , "ByuT". Accusé par celui-ci d'avoir publié de fausses informations sur Ioulia Timochenko, Igor Goujva avait porté plainte.
L'assassinat de Géorgiy Gongadzé toujours en attente de jugement
Sept ans après l'assassinat de Géorgiy Gongadzé, le 16 septembre 2000, et trois ans après les promesses du président Viktor Ioutchenko de faire de cette affaire un symbole du changement de régime, rien n'a avancé. Depuis son ouverture, le 9 janvier 2006, le procès est jalonné d'obstacles et sans cesse ajourné. Le 24 juillet, le parquet a ordonné la conduite de nouvelles expertises médicales sur les trois policiers accusés d'avoir tué le journaliste. Le procès ne reprendra qu'après celles-ci. L'ex-procureur général Mikhaïl Potebenko qui, en 2000, avait refusé à Géorgiy Gongadzé la protection qu'il avait demandée, a été décoré de l'ordre de "Iaroslav le Sage", la plus haute distinction nationale, par Viktor Iouchtchenko lui-même. C'est le même procureur qui vait affirmé que les enregistrements Melnytchenko, qui impliquaient l'ancien président Léonid Koutchma dans la mort du journaliste, étaient des faux, et qui s'est opposé par tous les moyens possibles à la manifestation de la vérité dans cette affaire.
Voir aussi http://www.rsf.org/
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