Russie : Vladimir Poutine voulait-il éliminer Mikheïl Saakachvili en août 2008 ?
DÉCLARATIONS D'ANDRÉÏ ILLARIONOV
samedi 8 novembre 2008
Selon Andréï Illarionov (1), l'ancien sherpa de Vladimir Poutine (2), le Premier ministre russe aurait conçu le plan d'éliminer le président géorgien Mikheïl Saakachvili (3) en août 2008 et de le remplacer par un ancien responsable de la Sécurité géorgienne, Igor Guiorgadzé (4) aujourd'hui exilé à Moscou.
Le plan initial russe
Il aurait consisté
1) à masser des forces militaires au Nord Caucase, à proximité de la frontière géorgienne, sous couvert de manoeuvres,
2) à faire pénétrer chars et troupes russes en Ossétie du Sud,
3) à faire évacuer le population civile de Tskhinvali en prévision des combats,
4) à envoyer ensuite les blindés russes à Tbilissi,
5) à renverser Mikheïl Saakachvili et son gouvernement,
6) à mettre en place une autorité pro-russe dirigée par Igor Guiorgadzé.
Les trois premières étapes du plan auraient été réalisées (présence en Ossétie du Sud de 200 chars russes et de 20 000 hommes / évacuation par les autorités ossètes de la population de Tskhinvali dès le 3 août), la réaction géorgienne aurait empêché le déroulement des étapes suivantes.
La réaction géorgienne
L'armée géorgienne ne pouvait aligner que 42 chars et 4000 hommes face à une offensive venant d'Ossétie du Sud, les autres forces se positionnant face à l'Abkhazie et 2000 soldats géorgiens se trouvant en Irak.
Le 7 août 2008, informé des renforts militaires russes présents en Ossétie du Sud et du danger immédiat qu'ils représentaient pour Tbilissi, Mikheïl Saakachvili aurait lancé l'attaque sur Tskhinvali afin de retarder l'avancée russe et de laisser le temps à la communauté internationale de sauver la capitale géorgienne (et se sauver lui-même).
La stratégie de substitution
L'échec de la stratégie initiale de Vladimir Poutine l'aurait conduit
a) à faire détruire un maximum d'équipements militaires géorgiens (Poti, Sénaki, Haut Kodori, Gori, Marnéouli ..),
b) à reconnaître les indépendances de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie (reconnaissance non prévue à l'origine),
c) à entâcher la réputation internationale de Mikheïl Saakachvili par une guerre médiatique l'accusant de la destruction de Tskhinvali et du génocide des Sud Ossètes (5).
Les affirmations d'Andréï Illarionov sont en évidente contradiction avec la thèse officielle de Moscou.
Notes
(1) Andreï Illarionov fut conseiller économique des gouvernements russes dans les années 1990 et de Vladimir Poutine de 2000 à 2005 ; à ce titre, il est son sherpa pour les sommets du G8. Il démisionne pour absence de libéralisme dans la politique économique retenue en Russie. Il est aujourd'hui consultant pour une structure de réflexion, think thank, à Washington, le CATO Institute.
(2) Russie : biographie de Vladimir Poutine, président
(3) Géorgie : Mikheïl Saakachvili, président de la République
(4) Igor Guiorgadzé, ancien responsable de la Sécurité géorgienne, est soupçonné d'avoir organisé dans les années 1990 un attentat contre Edouard Chévardnadzé. Recherché par la justice géorgienne, il s'est réfugié à Moscou. Il anime à distance un parti politique, le Parti de la Justice, interdit sous l'ère Saakachvili : un certain nombre de ses cadres ont rejoint le Parti de l'Espoir, qui présentait un candidat aux élections présidentielles géorgiennes de janvier 2008 (moins de 1% des suffrages exprimés) et qui s'opposait à la demande d'adhésion à l'OTAN (validée par 72,9% des suffrages exprimés). Voir aussi Géorgie : les partis politiques (de 1991 à 2009)
(5) L'un des arguments d'Andréï Illarionov est la surestimation du nombre de victimes ossètes lors du bombardement de Tskhinvali par les forces géorgiennes : de 2000 victimes dans les premières heures, il serait en définitive de 134, à 80% constitué de militaires. Ce serait la preuve d'après l'économiste russe, d'une part que Tskhinvali aurait été évacué de sa population civile à la demande des autorités antérieurement à l'attaque géorgienne, d'autre part que la propagande aurait été orchestrée à l'avance afin d'accréditer un génocide ossète loin de la réalité des faits.
Voir aussi :
http://www.lemonde.fr/archives/arti... par Natalie Nougayrède.
une autre analyse "Après la guerre en Géorgie, peut-on stabiliser la poudrière caucasienne ?", conférence de Jean RADVANYI (octobre 2008)
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