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"L'Ukraine, terre de crispation et d'espoir entre l'Union européenne et la Russie" par Jeanne CAVELIER (décembre 2008)


lundi 15 décembre 2008

Proximité, interdépendance et incertitude caractérisent les relations entre Union européenne et Russie. Ces deux entités très différentes se considèrent depuis près de quinze ans comme des partenaires stratégiques -dans leur discours. Mais l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en Russie, et plus encore l'intégration d'anciens pays du bloc soviétique au sein de l'UE en 2004 et 2007, ont altérés les relations entre les deux grands voisins.

L'un doute de la nature de l'UE : quelle est cette entité, at-elle une cohérence politique, n'est-elle qu'une composante du "clan occidental" dirigé par les Etats-Unis ? L'autre s'interroge sur les velléïtés de la Russie : quelles sont ses intentions, ses ambitions à l'est du continent européen ? Cette incompréhension se traduit particulièrement sur le terrain par deux points de crispation, la Géorgie et l'Ukraine. Les réactions aux "révolutions" des roses d'abord (novembre 2003) puis orange (novembre 2004) sont édifiantes. Analysées en général par les Européens comme une nouvelle indépendance, ells ont été vécues par les Russes comme une démonstration de l'impérialisme occidental. Plus précisément, comme une manifestation de la volonté américaine de pousser la Russie dans ses retranchements, en finançant des mouvements de contestation politique dans ses anciens satellites.

Le pari perdu de la Géorgie contre la Russie ...

A cette incertitude mutuelle, la Géorgie trouvait une première réponse, catégorique, par la voix de son président, Mikheïl Saakachvili. La même que celle des Etats-Unis : la Russie chercherait à recréer son empire et l'UE devrait faire corps avec l'Otan. L'Ukraine pouvait être tentée de jouer la même carte. Cependant, ce point de vue a toujours fait l'objet d'un débat dans un pays bien plus tiraillé entre ses liens profonds avec le "grand frère" russe et son aspiration à la prospérité et aux valeurs européennes. Précipitant son pays dans une guerre avec la Russie, Mikheïl Saakachvili a fait naître une crise qui a décrédibilisé sa théorie. En prenant possession des territoires sud-ossète et abkhaze indépendantistes au nez et à la barbe des Russes, ainsi mis devant le fait accompli, peut-être pensait-il intégrer l'Otan plus rapidement ? La persistance des conflits territoriaux est en effet l'un des obstacles majeurs à l'adhésion de la Géorgie.

Si son calcul avait réussi, le monde aurait assisté au triomphe d'un petit pays luttant contre "l'hégémonie russe", armé par les Etats-Unis et dont le président tient ses discours devant le drapeau européen. La démarcation entre UE et Otan serait encore devenue plus floue. La Russie aurait été perçue comme un "tigre de papier" n'ayant pas les moyens de ses ambitions. L'Ukraine aurait sans doute, dans un avenir proche, adhéré au MAP (membership action plan), première étape d'intégration dans l'Otan, et peut-être définitivement rallié la vision géorgienne des relations UE - Russie.

... arbitré par l'Union européenne ...

Mais le dangereux pari de la Géorgie a échoué. Non seulement les autorités russes -qui n'attendaient qu'un faux pas- ont réagi immédiatement à l'attaque, mais encore les soutiens américain et européen, qui lui semblaient acquis, ont failli. L'UE n'a pas sacrifié ses intérêts économiques et géopolitiques avec la Russie pour défendre un petit Etat du Caucase. Nicolas Sarkozy, président européen en exercice, a pris l'initiative, rétabli la paix et obtenu un retrait des forces russes à leur position initiale. Il a damé le pion aux Américains et trouvé en un temps record une issue au conflit, quitte à bousculer quelque peu le schéma classique de prise de décision. Les dirigeants russes ont constaté, malgré une crise profonde de ses institutions, que l'UE pouvait fonctionner et se montrer réactive et indépendante. Les dirigeants européens sont partagés : la Russie a certes reconnu l'indépendance des entités sécessionnistes de Géorgie mais s'est retirée assez vite du reste du territoire, écartant la crainte d'une occupation militaire.

... sert les intérêts de l'Ukraine

Dans ce contexte, les Ukrainiens peuvent espérer garder de bonnes relations avec la Russie - ce que souhaite une grande partie de la population- sans abandonner leur aspiration européenne. Pour autant, les inquiétudes sur le devenir de la Crimée ou sur leur dépendance énergétique n'ont pas disparu. Deux mois après la crise géorgienne, la crise financière mondiale est venue confirmer ce qui semblait évident : les Etats-Unis n'ont plus les moyens d'imposer leur modèle politique et économique, désormais profondément discrédité. Si l'UE parvient à poursuivre la dynamique engagée par la présidence française, ses relations avec la Russie devraient s'approfondir. L'Ukraine pourrait alors envisager d'intégrer l'espace européen avec l'assentiment russe, mais abandonner la perspective d'adhérer à l'Otan. Ce pays ne serait donc plus le symbole de la crispation des relations UE - Russie mais celui de leur réconciliation. L'adoption le 12 décembre 2008 par les Vingt-Sept de la politique de "partenariat oriental", visant une coopération plus étroite avec cinq pays de l'ex-URSS dont l'Ukraine, pourrait être un signe de cette nouvelle dynamique.

Jeanne CAVELIER

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