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"Russie : une presse sous contrôle étroit du pouvoir, mais avec des marges de manoeuvre" par Fabrice POZZOLI - MONTENAY


lundi 19 janvier 2009

Le rapport 2007 de Reporters Sans Frontières "La liberté de la presse dans le monde" souligne les meurtres non élucidés de 21 journalistes depuis l'année 2000 et les prises de contrôle de médias par des intérêts proches du Kremlin dont le développement "menace sérieusement la diversité d'informations et la liberté d'expression" en Russie. Les classements de la liberté de la presse mondiale produits en 2006 par Freedom House place la Russie à la 158ème place des 194 pays et décrit son statut comme "non libre".

Cependant, la Russie possède un marché des médias dynamique et très diversifié avec approximativement 1 400 entreprises de télévisions, allant d'énormes groupes nationaux aux petites stations locales servant les communautés. Il y a environ 3 000 stations de radio et 25 000 journaux, magazines et revues, du journal majeur de couverture nationale et à grande diffusion au journal de village. L'usage d'Internet croît rapidement, le pourcentage d'utilisateurs de plus de 18 ans a augmenté de 16% (ou 20, 9 millions de personnes) en 2004 à 19% en 2005, selon les chiffres publiés par la Fondation de l'opinion publique dans l'Index de durabilité des médias, Irex.

Le marché de la publicité russe est l'un dont la croissance est la plus rapide en Europe, augmentant en valeur de plus de 50% par an. La production de programmes de télévision prospère également, avec des productions russes ayant complètement pris les heures de grande écoute aux films étrangers et autres séries.

La concentration des médias est un problème grandissant, spécialement au regard des entreprises de média fortement concentrées et aux mains de l'Etat ou des entreprises dites indépendantes mais loyales au pouvoir. Par exemple, depuis la prise de NTV par Gazprom media, les trois télévisions fédérales sont passées sous contrôle de l'Etat.

Des agressions régulières contre les journalistes

Trop souvent, les journalistes sont agressés dans le cadre de leurs activités. Dernier exemple en date : le rédacteur en chef de Khimkinskaya Pravda, Mikhaïl Beketov, travaillait sur l'implication de la famille du maire de Khimki (à 20 km au nord de Moscou) dans les affaires de la ville. Il a été agressé le 13 novembre 2008 et grièvement blessé : amputé d'une jambe et des doigts de la main, il a aussi été opéré du cerveau. C'est un exemple parmi d'autres et pas le plus tragique.

Le procès des complices supposés de l'assassinat d'Anne Politkovskaïa rappelle qu'en Russie les journalistes ne sauraient impunément braver les interdits officiels ou enquêter sur les pratiques douteuses du pouvoir et les turpitudes de ses détenteurs. Anna Politkovskaïa s'efforçait de dire la vérité sur la guerre de Tchétchénie et de débusquer la corruption. Elle n'est pas la seule, dans les médias russes, à avoir payé de sa vie son courage.

Un contrôle renforcé de l'information

Des journalistes indiquent que le Kremlin a mis en place une nouvelle arme anti-crise : empêcher les médias de rapporter la gravité de la situation à la population. Le Kemlin fait passer le message lors de rencontres avec les patrons de presse, rapportent anonymement des journalistes russes. Par ailleurs, le Premier ministre Vladimir Poutine souhaite valider une loi qui permettrait de condamner les critiques en tant que "traîtres". Le texte permettrait d'étendre la notion de "trahison" à ceux qui "portent atteinte à l'ordre constitutionnel russe, à sa souveraineté ou à son intégrité territoriale". La trahison est condamnée de 20 ans d'emprisonnement.

La presse critique, une "soupape de sécurité" ?

Il existe en Russie des médias critiques : l'Echo de Moscou reste la radio la plus libre et la plus impertinante du pays. Pourtant, elle est détenue en majorité par Gazprom, où Poutine fait la pluie et le beau temps.

Malgré les assasinats de journalistes, l'investigation reste possible. Il existe des titres qui font un travail d'information et de recherche, parfois soutenus par un oligarque local désireux de faire entendre des points de vue différents de ceux du gouvernement. Mais les limites sont souvent incertaines, comme le montre l'agression de Mikhaïl Beketov. La Novaya Gazeta (le journal où travaillait Anna Politkovskaya) est par exemple soutenue par Mikhaïl Gorbatchev et l'oligarque Alexandre Lebedev (49% des actions à eux deux, 51% pour le personnel). Roman Shleinov, directeur de l'investigation à Novaya Gazeta, déclarait en janvier dernier : "Vous pouvez critiquer le président et le Kremlin dans les mass médias, tant que les gens comme vous (la presse internationale, NDLR) n'y prêtent pas trop attention.

Les médias critiques, qui restent, serviraient ainsi de soupape pour les mécontents et les intellectuels.

Internet, contrôlé et en liberté

Nicolas Kyser-Brill, de "Windows on the medias" fait le constat suivant : "Depuis 10 ans, la rumeur veut que Poutine prépare un web à la chinoise. Et depuis 10 ans, tout reste libre. Le nombre de bloggeurs emprisonnées reste très faible comparé aux assassinats de journalistes traditionnels (les chiffres varient selon les sources, mais moins de 10 personnes ont été emprisonnées ou tuées suite à une publication en ligne). Même Anton Krasovsky, bloggeur nihiliste qui m'a affirmé, en me regardant droit dans les yeux que "rien n'avait changé depuis 1930 dans les médias russes" a été obligé de reconnaître que le web connaissait moins la censure que les autres médias. Le harcèlement vient plutôt des organisations nationalistes paragouvernementales, qui inondent les blogs ou les forums de messages proKremlin.

Fabrice POZZOLI - MONTENAY

*

Sources :

-  Reuters,

-  http://moscou89.blogspot.com/ Moscou 89,

-  http://www.utne.com/2008-01-01/Medi...,

-  http://windowonthemedia.com/,

-  http://www.ajefrance.com/article-21... "Goodbye to freedom ?",

-  www.rsf.org Reporters Sans Frontières,

-  http://blog.lefigaro.fr/russie/ blog de Laure Mandeville et de Fabrice Nodé - Langlois.

*

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