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Arménie et Turquie, négociations en cours (2009)


CONSÉQUENCES POUR L'UNION EUROPÉENNE
lundi 27 avril 2009, par Mirian Méloua

Depuis mai 2008, en Suisse, plusieurs séances de négociations secrètes se sont déroulées entre l'Arménie et la Turquie.

Le 6 avril 2009, à Istanbul, en marge d'un Forum des Nations Unies Micheline Calmy-Rey, Conseillère helvétique pour les Affaires étrangères, rencontrait avec le président américain Barack Obama ses homologues arménien et turc, Eduard Nalbandian et Ertugul Apakan.

Le 22 avril, deux jours avant la date anniversaire du génocide de 1915, la Suisse, l'Arménie et la Turquie diffusaient un communiqué commun précisant :

-  que "les deux parties concernées s'étaient mises d'accord sur un cadre général pour aboutir à une normalisation des relations bilatérales".

-  qu'"une feuille de route avait été établie".

Analyse

Pour certains Arméniens, en particulier ceux des diasporas implantés à l'étranger et souvent descendants des rescapés du génocide perpétré par l'Empire ottoman, la reconnaissance officielle de ce génocide par la Turquie d'aujourd'hui est un préalable incontournable. Pour le gouvernement arménien, l'enclavement du pays est une préoccupation permanente. Les voies de communication par la Turquie et par l'Azerbaïdjan (pour cause du conflit gelé du Haut Karabagh) étant fermées, celles par l'Iran étant difficiles et celles par la Géorgie subissant les conséquences de la guerre russo-géorgienne d'août 2008 (en particulier les bases militaires russes en Arménie ne seraient plus ravitaillées), un rapprochement avec la Turquie permettrait une ouverture économique.

Pour la Turquie, l'enjeu est d'un autre ordre. Une normalisation des relations avec l'Arménie, et un certain niveau de reconnaissance des évènements de 1915, lèveraient le préalable mis à l'adhésion turque à l'Union européenne. Reste que le paiement de dommages, et pourquoi pas les rectifications frontalières, sont des écueils qu'Ankara veut certainement éviter. Reste également la question du soutien accordé jusqu'à présent par la Turquie à l'Azerbaïdjan, dans le conflit gelé du Haut Karabagh.

Pour l'Azerbaïdjan, la reconquête du Haut Karabagh, perdu en 1993 face à l'armée arménienne et à l'armée russe, est une priorité officielle, même si les présidents azerbaïdjanais Ihlam Aliev et arménien Sergueï Sarkissian négocient depuis peu une solution. Le soutien diplomatique d'Ankara est indispensable à Bakou, au point que l'Azerbaïdjan menace de couper l'approvisionnement de la Turquie en pétrole et en gaz. Au delà des gesticulations diplomatiques du moment, l'Azerbaïdjan a toujours recherché auprès de la Turquie un allié non seulement sur le plan culturel, mais aussi sur le plan politique afin d'éviter que la province azerbaïdjanaise de l'Iran -peuplée elle aussi de populations turcophones et chiites- ne lui pèse trop.

Pour l'Iran, la situation actuelle convient. La rivalité Empire ottoman / Perse s'est perpétuée en une rivalité Turquie (sunnite, adhérant à l'OTAN et voulant rejoindre l'Union européenne) / Iran (chiite et plutôt alliée avec la Russie). L'enclavement de l'Arménie fait de ce pays un allié potentiel : le territoire iranien constitue une voie naturelle de communication qui pourrait être plus utilisée, en particulier pour les approvisionnements russes. Un rapprochement entre la Turquie et l'Arménie présenterait certainement le risque de voir Erevan regarder de plus en plus vers l'Occident et de moins en moins vers Téheran et Moscou.

Pour la Russie, même si elle encourage le règlement du conflit du Haut Karabagh, ce risque est réel : les importantes diasporas arméniennes en Europe et aux Etats-Unis sont favorables à une Arménie "occidentalisée". La logique de basculement de cette région du monde est forte, après la Turquie, après l'Azerbaïdjan qui a besoin de clients pour écouler ses hydrocarbures (et est en concurrence directe avec la Russie), après la Géorgie, l'Arménie s'amarrerait à la sphère européenne.

Les Etats-Unis ne peuvent qu'encourager cette hypothèse, conforme à leur vision de l'Europe. Elle rendrait la Turquie redevable et la ramènerait peut-être à de meilleurs sentiments au sujet des bases arrières des armées américaines au Moyen - Orient.

La Géorgie y perdrait peut-être un statut privilégié de pays de transit entre la Turquie et l'Azerbaïdjan (après l'oléoduc Bakou - Tbilissi - Ceyhan et le gazoduc Bakou - Tbilissi - Erzéroum, une voie ferrée est en cours de reconstruction), entre la Russie et l'Arménie (un gazoduc traverse le territoire géorgien et une voie routière d'approvisionnement également). Elle y gagnerait une stabilité de proximité et un degré d'ancrage supplémentaire à l'Europe.

Le vent des Etats-Unis soufflerait un peu plus fort dans les voiles de l'Union européenne : Turquie membre de l'OTAN, Géorgie candidate à l'OTAN, Arménie et Azerbaïdjan déjà en relation avec l'OTAN. Serait-ce un prélude aux adhésions européennes ? L'absence de politique européenne de défense pèse. De politique européenne de voisinage en partenariat oriental, la vraie question sera un jour celle de l'adhésion de ces pays à l'Union européenne.

Voir aussi Union européenne : partenariat oriental avec 6 pays de l'Est (avril 2009).



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