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L'Iran est-il un menace réelle pour l'Europe ?


mardi 23 février 2010, par Nicolas Lévilidane

Issue d'une culture vieille de 3 000 ans, ancienne puissance régionale en Asie mineure, en Asie centrale et au Caucase, islamisée au VIIe siècle, aujourd'hui regorgeant de pétrole (1) et de gaz (2), puissance régionale du Moyen-Orient, forte de plus de 71 millions d'habitants, dotée de missiles de portée intermédiaire, en cours de dotation de l'arme nucléaire, la République islamique d'Iran est-elle une réelle menace pour l'Europe ?

Les missiles militaires iraniens peuvent d'ores et déjà atteindre Ankara, Amman, Bagdad, Bakou, Damas, Erevan, Karachi, Koweit, Ryad, Tbilissi, Tel-Aviv et bien d'autres capitales de ces régions : il leur manque peu de puissance pour pouvoir atteindre les capitales de l'Europe orientale.  

Les aspects militaires


Depuis 1985, avec les Shabab-1 et 2, Téhéran maîtrise les missiles de courte portée (300 à 600 kilomètres) : Scud de conception soviétique, fabriqués en Corée du Nord, avec une précision de l'ordre du kilomère, ils sont capables de menacer les voisins immédiats de l'Iran dans le Golfe persique. Cinq cents missiles seraient disponibles, ainsi qu'une quarantaine de lanceurs.

Depuis 2003, avec les Shabab-3, dérivés des Nodong nord-coréens, Téhéran maîtrise les missiles de moyenne portée (1300 à 1500 kilomètres) : ils pourraient atteindre pratiquement l'ensemble du Moyen-Orient. Leur version longue portée -toujours à propulsion liquide- a été testée en septembre 2009 : elle pourrait atteindre l'ensemble du bassin de la mer Caspienne et la mer Noire (3). Une centaine de missiles seraient disponibles, ainsi qu'une quarantaine de lanceurs.

Avec le test en décembre 2009 du Sejil-2, missile à propulsion solide, d'une longueur de 19 mètres, d'un poids de 26 tonnes, porteur d'une charge d'une tonne, d'une portée de 2000 à 2500 kilomètres, muni de systèmes anti-interception et anti-radar, Téhéran pourrait viser non seulement le Moyen Orient, les bassins de la Caspienne et de la mer Noire, mais aussi les villes du Sud de la Fédération de Russie et les capitales de l'Europe orientale.

Il est généralement admis que l'Iran ne maîtrisera pas avant une décennie les techniques de missiles de portées intermédiaires (2 à 5 000 kilomètres) et celles de missiles longues portées (plus de 5 000 kilomètres), qui pourraient atteindre l'Europe occidentale.  

La question nucléaire


Pour la plupart des experts, la République islamique d'Iran a choisi la stratégie de se doter de l'arme nucléaire.

Les expertises et contre-expertises, les négociations annoncées et retardées, les déclarations diplomatiques soufflant le chaud et le froid, les divisions entre les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies seraient utilisées au mieux afin de faire avancer les techniques de l'enrichissement de l'uranium.  

Les aspects économiques


La Chine et la Russie ne s'engageront pas sur un programme de sanctions vis-à-vis de l'Iran, pour des raisons économiques.

La Chine et l'Iran ont échangé pour 25 milliards de dollars de marchandises en 2009 : Pékin a trop besoin de pétrole (13% des importations chinoises proviennent d'Iran) et Téhéran a trop besoin de produits manufacturés "refusés" par le marché occidental.

La Russie a exporté pour 2 milliards de dollars d'armement à l'Iran en 2009 (4) : le complexe militaro-industriel russe a besoin de clients étrangers payant rubis sur l'ongle afin de moderniser l'équipement de l'armée russe, obsolète pour une large part (5).

Financée par les dollars issus de l'exportation du pétrole et du gaz, régulant rigoureusement la consommation intérieure, la République islamique d'Iran peut ainsi consacrer ses efforts budgétaires à la mise au point de l'arme nucléaire et à celle des vecteurs associés.  

Les aspects politiques


L'ennemi déclaré est certes Israël, déjà muni de l'arme nucléaire, mais l'enjeu est beaucoup plus important pour Téhéran, acquérir une meilleure position dans le monde musulman.

Aujourd'hui dominé à 80% par l'islam sunnite, et l'Arabie saoudite, le monde musulman offre des alliés "naturels" à la République islamique d'Iran, les chiites. Ils sont majoritaires en Azerbaïdajn, à Bahreïn et en Irak, minoritaires en Afghanistan, en Arabie saoudite, en Egypte, aux Emirats Arabes Unis, au Koweit, au Liban, au Pakistan, au Qatar, en Syrie, en Turquie et au Yémen.

La République islamique d'Iran, centre mondial de l'islam chiite, y joue déjà un rôle important : elle veut asseoir son influence dans cette région.  

La République islamique d'Iran menace-t-elle pour autant l'Europe ?


Tant que, comme la Chine et la Russie, l'Union europenne n'entrave pas ce dessein régional, certainement pas.

Avec la menace des sanctions diplomatiques et économiques -pour le moment peu efficaces- brandies par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, certainement.

Avec la condamnation du non-respect des droits de l'homme en Iran -tout aussi inefficace-, certainement aussi.

Grâce aux pétrodollars amassés auprès de ses partenaires commerciaux (dont la Chine, l'Allemagne et l'Italie), la République islamique d'Iran entend redevenir une puissance respectée dans le monde musulman. Le protectorat de fait exercé sur Israël par les Etats-Unis l'en empêche.

Elle compte bousculer l'équilibre traditionnel des forces en présence dans cette région du monde, instable autour de trois pôles, le pôle pro-russe (Russie, Arménie et peut-être Ukraine), le pôle pro-américain (Israël, Turquie, Géorgie et implicitement Arabie saoudite) et un pôle "musulman" hétérogène (Azerbaïdjan hésitant, pays d'Asie centrale se tournant vers la Chine (6), pays du Moyen-Orient omnubilés par la question israélienne).

Selon toute vraisemblance, l'arme nucléaire, et les vecteurs associés, dont la République islamique d'Iran se dote, sont d'abord une dissuasion à toute attaque du pôle pro-américain sur son territoire national, ensuite un moyen de fédération autour d'elle d'un pôle "musulman".

A défaut de défense commune européenne, l'UE, divisée par les intérêts nationaux, pèsera peu dans le dénouement. Pourquoi la République islamique d'Iran s'en pendrait à elle, sauf peut-être pour les pays membres qui entreraient dans le jeu américain (7) ?

Notes :

-  (1) L'Iran est le 3ème producteur de pétrole au monde, et le 2ème exportateur des pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).

-  (2) L'Iran possède la 2ème plus grande réserve de gaz au monde, et en est le 6ème producteur.

-  (3) Il est symptomatique de constater que depuis quelques années défilent à Téhéran dirigeants arméniens (à la recherche d'un désenclavement de leur pays par l'Iran), dirigeants azerbaïdjanais (d'ethnie azérie comme 20 à 30 millions d'Iraniens et à la recherche de sources complémentaires d'approvisionnement pour le projet de gazoduc européen), dirigeants géorgiens (dont la culture fut anciennement imprégnée de culture persane, à la recherche d'un nouvel équilibre politique régional au grand dam des Etats-Unis) et dirigeants turcs (Empire ottoman et Empire perse furent pourtant longtemps adversaires).

-  (4) Russie : développement continu des exportations d'armes (novembre 2008)

-  (5) L'armée russe, une difficile modernisation (mars 2009)

-  (6) Le Turkménistan se libére de la tutelle russe pour l'exportation du gaz au profit de la Chine.

-  (7) Afin de contrer la "menace" irianienne, et après avoir prévu un bouclier antimissile composé d'intercepteurs en Pologne et de stations radars en République tchèque, les Etats-Unis semblent s'orienter vers des intercepteurs plus petits, Ils seraient basés dans un premier temps à bord de navires de guerre croisant au large du continent européen et dans un deuxième temps (2015 ?) dans deux pays du Nord et du Sud de l'Europe. La pression diplomatique de la Russie n'est pas étrangère à ce changement de cap. La Roumanie pourrait être choisie comme pays d'accueil pour une base d'interception.



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