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La Russie obtient de l'Ukraine une prolongation de 25 ans du bail pour ses bases militaires en Crimée (avril 2010)


jeudi 22 avril 2010, par Nicolas Lévilidane

Le précédent président ukrainien Viktor Iouchtchenko (1) l'avait refusé, le nouveau président ukrainien Viktor Ianoukovitch (2) l'a accepté : Dmitri Medvedev (3), le président russe, s'est déplacé en personne en Ukraine afin de signer un accord russo-ukrainien stipulant que la location des bases militaires de Crimée serait prolongée.

L'accord russo-ukrainien du 21 avril 2010

Dmitri Medvedev et Viktor Ianoukovitch ont signé le 21 avril 2010, à Kharkov, dans une province russophone et russophile de l'Est de l'Ukraine, un accord en deux points,

-  la prolongation du bail des bases militaires établies par le régime soviétique à Sébastopol en Crimée (rattachée à l'Ukraine depuis 1954, par Nikita Khroutchev) au profit de la Russie. Le précédent bail -d'un montant annuel de 90 millions de dollars- arrivait à expiration en 2017 : il est prolongé jusqu'en 2042, voire 2047. Ces bases militaires sont composées d'une base navale abritant une partie de la flotte russe (une trentaine de navires de guerre dont le croiseur lance-missiles Moskova, utilisée lors du conflit russo-géorgien d'août 2008), d'un base d'infanterie de marine, d'une base d'infanterie aérienne, d'un Centre de communications et d'un hôpital militaire (4),

-  la diminution tarifaire de 30% du gaz russe livré à l'Ukraine par l'intermédiaire des gazoducs destinés à l'Union européenne et transitant par le territoire ukrainien (soit une ristourne de 100 dollars pour 1 000 m3, à la condition d'importer annuellement au moins 30 milliards de m3), ainsi que l'abandon des pénalités réclamées par la partie russe pour non-importation des quantités contractuelles (années 2009 / début 2010).

La ratification de l'accord par les Parlement ukrainien et russe devrait s'effectuer avant la fin avril.

Les implications bilatérales

L'Ukraine, endettée, exangue sur le plan économique, est dépendante à 100% de la Russie pour les hydrocarbures : elle parvient difficilement à règler ses factures et la tension entre les deux pays s'est traduite à plusieurs reprises par des interruptions de livraison de gaz décidées par Moscou et qui ont touché non seulement Kiev mais toutes les capitales de l'Union européenne. Par cet accord sur le prix du gaz, elle desserre un peu le noeud coulant qui enserre son budget national et répond un peu mieux aux critères financiers que le Fonds monétaire international (FMI) lui impose afin de bénéficier d'une aide de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

La Russie avait progressivement augmenté le tarif de ses livraisons de gaz à l'Ukraine pour les porter au prix du marché mondial (330 dollars pour 1 000 m3), et non plus au prix préférentiel accordé aux pays de l'ex-URSS. En contre-partie de la ristourne de 30% spécifiée dans l'accord du 21 avril 2010, elle obtient une prolongation de 25 ans du bail de ses bases navales en Crimée et une diminution significative du loyer payé. Outre l'avantage de pouvoir conserver et moderniser ses infrastructures militaires dans cette partie de la mer Noire, cet accord lui laisse le temps de les multiplier plus au Sud-Est, en Abkhazie comme annoncé récemment.

Les implications géopolitiques

Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et Silvio Bernusconi seront certainement ravis d'apprendre qu'en attendant que le gazoduc russo-germano-français North Stream (5) et que le gazoduc russo-italien South Stream (6) ne soient opérationnels, les livraisons de gaz russe pour leurs pays pourront s'effectuer normalement, sans crise et sans interruption de la part de Moscou.

Dmitri Medvedev, et Vladimir Poutine, coupent un peu plus l'herbe sous le pied aux gazoducs, ou voies de transit, européens de rechange, Nabucco (7) et White Stream (8). Ils affirment surtout que rien ne se fera en Ukraine sans leur accord, illustrant ainsi la stratégie russe de "la souveraineté limitée" qu'ils entendent appliquer aux pays qui les entourent, la Biélorussie, la Moldavie (avec la main mise sur la Transnistrie), l'Ukraine (avec la présence en Crimée), la Géorgie (avec la main mise sur l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud), l'Arménie (avec une base militaire russe à Gumri), voire les pays d'Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan) qui lorgnent pourtant vers la Chine.

Il s'agirait de reconstituer une ex-URSS du XXIe siècle, sous forme de "Communauté des Etats indépendants" (C.E.I.) dans laquelle les intérêts de la Russie post-soviétique seraient essentiels et la souveraineté des autres pays membres limitée, en particulier pour les empêcher toute association ou adhésion à l'OTAN.

Il faudra certainement trouver un nouveau terme pour cette nouvelle "guerre froide", à moins que comme l'a déclaré publiquement à plusieurs reprises le président français, "il est normal que la Russie défende ses intérêts".

Notes :

-  (1) Viktor Iouchtchenko, ancien président ukrainien (2005 à 2010)

-  (2) Viktor Ianoukovitch, président ukrainien

-  (3 Russie : biographie de Dmitri Medvedev, Premier ministre

-  (4) La base navale russe de Sébastopol devrait accueillir trois sous-marins et deux corvettes supplémentaires. Il n'est pas pour l'instant précisé si elle accueillera les navires de guerre BPC Mistral en cours de négociation par la Russie auprès de la France.

-  (5) Le gazoduc North Stream du russe GAZPROM (avril 2010)

-  (6) Le gazoduc South Stream du russe GAZPROM (décembre 2009)

-  (7 Le projet de gazoduc européen NABUCCO (mars 2010)

-  (8) Nouvelle voie de transit du gaz caspien pour l'Europe : WHITE STREAM II (2010)

Voir aussi Achat d'un (ou de quatre) navire(s) de guerre français BPC Mistral : Moscou prendra sa décision prochainement (2010)



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