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Géorgie et France : Achille Tsitsichvili de Panaskhet (1916-2010), architecte


jeudi 9 juin 2011, par Mirian Méloua

Achille Tsitsichvili de Panaskhet est né le 17 juillet 1916 à Borjomi, en Kartlie, dans une famille princière dont les quartiers de noblesse remontent au 8e siècle.

L'exil en France

L'invasion de la Géorgie par l'Armée rouge en 1921 surprend son père à Marseille où il effectue une mission pour une société pétrolière franco-anglaise. Grâce aux employés de la société restés en Géorgie, sa mère peut quitter Tbilissi avec ses trois enfants : elle gagne Constantinople et rejoint son mari à Paris. L'exil est difficile pour la famille Tsitsichvili de Panaskhet comme pour toutes les autres familles géorgiennes.

Les études, la vie militaire et les campagnes d'Alsace, d'Allemagne et d'Autriche

D'abord en pension à Notre-Dame de Boulogne, il obtient son baccalauréat au Lycée Saint Louis à Paris. Il réussit en 1935 son concours d'entrée aux Beaux-Arts, section architecture.

La guerre le rattrape : il est enrôlé comme seconde classe avant d'intégrer l'école des Elèves-Officiers de Saint Cyr. Il en sort en avril 1940. Après la défaite française, convaincu quîl faut continuer à se battre, il cherche sa voie à Pau, puis à Bayonne : il réussit le 21 juin à embarquer sur un bateau suédois, le Taborg, pour Casablanca. Il rejoint ensuite la Légion étrangère à Sidi-bel-Abbès, en Algérie, puis à Meknès : il occupe les fonctions d'instructeur jusqu'en janvier 1942, date à laquelle il est démobilisé par le régime de Vichy.

Il reprend ensuite ses études aux Beaux-Arts, à Paris, non sans avoir été longuement interrogé par la Gestapo, rue des Saussaies, sur son passage dans la Légion étrangère.

En 1943, il se marie avec Nathéla Jordania, avec qui il aura trois filles.

En septembre 1944, il s'engage à nouveau et rejoint la Légion étrangère à Sidi-bel-Abbès. De février à mai 1945, il participe aux campagnes d'Alsace et d'Allemagne : il est blessé à Nordheim, reçoit la Croix de guerre et termine sa carrière militaire par la campagne d'Autriche.

Démobilisé, la nationalité française lui est proposée pour fait d'armes : il accepte avec gratitude et ne cessera d'être reconnaissant à la France de l'avoir accueilli.

L'architecture

Il obtient son diplôme d'architecte DPLG en 1946. Un cabinet de Gap, dans lequel oeuvrent ses amis Georges Languin et Paul Roques, cherche un collaborateur pour la conception d'une Maison de l'Agriculture (aujourd'hui Conservatoire de musique) : il accepte, séduit par l'idée de contribuer à la reconstruction après les affres de la guerre.

Le village de Cervières a été détruit : 130 familles doivent être relogées. En 1950, le chantier architectural lui est confié : il dessine à l'adret les nouvelles fermes pour une opération considérée jusqu'à maintenant comme exemplaire.

Le village de Savines-le-Lac doit disparaître sous les eaux de la Durance dans le cadre de la construction du barrage hydroélectrique de Serre-Ponçon. En 1956, le préfet le désigne pour ériger "un nouveau Savines". Il s'occupe de tout, de l'implantation du village, du tracé des rues, de la construction des maisons, de la salle des fêtes, de la gendarmerie, de la maison de retraite, de la mairie. Il trace surtout les plans de l'emblématique église, dont le profil de navire, les vitraux originaux, le baptistère en cristal de roche et pête de verre, les boiseries et les murs clairs sont uniques en leur genre.

"Sa grande fierté était d'apporter quelque chose d'architectural toujours en harmonie avec les montagnes et la lumière des Alpes. Mais il était tout aussi fier de construire des maisons individuelles quand il voyait combien elles correspondaient aux gens qui lui en commandaient la conception "(1).

Baptisé le "bâtisseur des Alpes", il accompagne de nombreux stagiaires et beaucoup de jeunes futurs bâtisseurs dans leur démarche. Il contribue pleinement au développement culturel et urbanistique des Hautes-Alpes dont il est une personnalité marquante (2).

Il se remarie avec une jeune femme du pays, Jacqueline Eyglument, dont il aura deux filles.

Sa fidélité professionnelle à cette région soufre de quelques exceptions outre-atlantique. En 1994, il réalise un ensemble de résidences à Stonehouse Mountain, zone forestière naturelle du New Hampshire. Il dessine aussi un ensemble hôtelier à Friar's Bay, à Saint Martin, aux Antilles.

La peinture

En 2001, il part se reposer dans le Var où il continue à peindre d'après nature.

Ses peintures, ses esquisses et ses dessins sont autant l'expression de longues ballades sur la route de chantiers souvent inaccessibles -Lac de Pelautier aux coquelicots, Manteyer et Pic de Bure- que celle de promenades en famille -Lac de Charance, Plateau de Valensole- ou de voyages sur le chemin des ouvenirs -sous la Raïma au Maroc, le Pont Neuf à Paris, Gremi et Metekhi en Géorgie.

Il peint d'après ses souvenirs d'enfance et ses voyages.

En octobre 2003, il expose une rétrospective de ses oeuvres au château Sellier de Cogolin.

L'Homme

Il s'éteint le 6 mai 2010 à Cogolin et est est inhumé à Gap, selon son souhait.

"Au-delà de l'architecte bien connu des autorités des services publics, avec lesquels Achille de Panaskhet a contribué à reconstruire les Alpes, il y avait un homme.

Un gentilhomme sensible, généreux, fantaisiste, iconoplaste, en perpétuelle création, toujours à l'écoute de ceux qui venaient le consulter, des jeunes en particulier.

Un esthète en fête, qui dans les années 40, a fait résonner Gap de ses carnavals extravagants et se réveiller les paysans par des théâtres en liberté.

Un amoureux de la nature, détaché des mondanités et des parisianismes, qui vivait en véritable harmonie avec les grands lacs et les villages oubliés de nos montagnes, paysages qu'il arpentait sans fatigue, pour les peindre avec délicatesse, à l'abri de son atelier.

Un patriote d'adoption, plus français que beaucoup, qui, bien avant que l'on parle de développement durable, se battait pour que les jeunes appréhendent l'avenir dans le respect des droits de l'homme, de la valorisation du patrimoine et de la préservation de l'environnement. Pour que les jeunes d'aujourd'hui apprennent à regarder et prennent le goût à l'art.

De par ses travaux et son originalité, il nous apprend à construire des ponts par dessus les préjugés et surtout qu'il ne faut jamais abandonner ses rêves.

Sa seule devise, jusqu'au bout a été Honneur, Courage et Loyauté" (3).

Notes :

(1) Selon sa fille Irène Tsitsichvili de Panaskhet.

(2) Parmi les bâtiments public et monuments conçus par Achille de Panaskhet, peuvent être cités, outre le village de Cervières et celui de Savines-le-Lac (dont l'église Saint Florent), l'urbanisation d'Embrun, les bâtiments pour les handicapés de France, le stade nautique Fontreyne, l'hôpital et la Sécurité sociale de Gap, la restauration du château de Montmaur, la création de la station de ski de La Joue du Loup, la réalisation du village des Hauts de Gigaro à La Croix Valmer, le foyer pour personnes âgées de la Meige à Briançon, mais aussi la réforme et la modernisation de la Banque de France à Gap comme celles du Siège à Paris. Un millier de constructions lui sont parfois attribuées.

(3) Selon sa fille Sophie Tsitsichvili de Panaskhet. Elle ajoute : " Mon père a servi dans la Légion étrangère sous les ordres de Guiorgui Odichélidzé, avec qui il entretenait des relations intègres et affectueuses. Il a toujours gardé le contact avec la plupart des Géorgiens de Paris, ses amis d'enfance qu'il aimait sincèrement. Il est retourné plusieurs fois en Géorgie retrouver ses racines dont il était fier. Il aurait voulu contribuer à la reconstruction, et dans ce dessein, il avait conçu l'idée d'un vaste complexe architectural, à vocation culturelle et sociale. Il était triste de voir la situation en Géorgie se dégrader, comme son impuissance à faire valoir la beauté et la grandeur de ce pays. Toutes ces dernières années, il nous parlait en géorgien pour mieux nous témoigner de son attachement à sa patrie d'origine".

*

Sources diverses, dont Françoise et Révaz Nicoladzé ("Des Géorgiens pour la France") et le Dauphiné Libéré.



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