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Historique de la Paroisse orthodoxe géorgienne Sainte Nino de Paris


mercredi 9 juin 2010, par Tariel Zourabichvili

Allocution prononcée le 8 avril 2010 lors des cérémonies du 80e anniversaire de la fondation de la Paroisse, au titre du Conseil paroissial.

Notre Paroisse Sainte Nino a été fondée pour être celle des Géorgiens orthodoxes réfugiés en France après l'invasion en 1921 de leur pays, redevenu indépendant en 1918, par les forces bolchéviques. Ces Géorgiens ont voulu maintenir hors des frontières nationales la tradition de la chrétienté géorgienne datant de plus de 16 siècles.

C'est en effet vers 337 que la religion chrétienne devient religion d'Etat en Géorgie, sous l'impulsion d'une femme, Sainte Nino, sous le patronnage de laquelle nous nous sommes placés. Sainte Nino, connue aussi en Occident sous le nom de Sainte Chrétienne. Les premières actions d'évangélisation, sous la conduite de Saint André, remontaient à une date antérieure, mais les chrétiens qui pratiquaient leur culte dans diverse régions étaient souvent persécutés.

Les initiateurs de notre paroisse ont oeuvré sous l'impulsion en particulier du prince Ilamaz Dadéchkéliani, secrétaire de la légation de la République géorgienne en France (qui rappelons le est restée reconnue jusqu'en 1933), et qui avait depuis longtemps acquis une grande connaissance de l'histoire de la religion et de ses dogmes. Il avait en particulier recueilli l'expérience de son père, qui avait lui-même participé en 1917 à la délégation de l'Eglise de Géorgie auprès du gouvernement provisoire de Russie, lequel avait repris les obligations de l'Etat russe envers l'Eglise orthodoxe pour établir les bases de la relation entre les deux églises de Russie et de Géorgie. Les fondateurs de notre association (Ilamaz Dadéchkéliani, Joseph Kémoularia, Lévan Zourabichvili) ont longuement mûri ce projet pour lui donner, après consultation de la hiérarchie orthodoxe, les bases canoniques les plus sûres.

Ceci avec le triple souci de :

1) créer une structure totalement respectueuse des règles canoniques de l'Eglise orthodoxe,

2) assurer que la nouvelle église ne puisse pas être fragilisée par les évènements se déroulant dans la mère-patrie, où l'Eglise nationale était soumise à une pression de plus en plus forte de l'occupant,

3) la compatibilité avec les lois et règlementations du pays d'accueil, la France.

Conformément aux canons du IVème Concile oecuménique (Chalcédoine), la Paroisse Sainte Nino a été créée selon le principe territorial de la limitation des églises locales. Elle s'est placée sous la juridiction et la protection du diocèse orthodoxe de Thyatire, sis alors à Londres, Exarcat du Patriarche oecuménique . Depuis. les statuts ont été modifiés en 1977 pour prendre en compte son rattachement à la Métropole de France qui n'existait pas à la date de sa création. Il n'est ni dans la vocation ni de la compétence du Conseil paroissial actuel de débattre de ce principe fondateur. Disons simplement ici que, tant que la question n'aura pas fait l'objet d'une décision collégiale des plus hautes autorités orthodoxes, il ne se considère pas autorisé à remettre en cause l'analyse de ses prédécesseurs.

La situation canonique de l'Eglise Sainte Nino est fondée par trois actes normatifs qui sont :

1) l'épitre du Patriarche oecuménique Basile II en date du 29 avril 1929. Celle-ci autorise le principe de la constitution et de l'érection canonique d'une Paroisse orthodoxe géorgienne en France, et donne au Métropolite de Thyatire, Exarque du Patriarcat oecuménique pour l'Europe occidentale et du Nord, pouvoir d'en régulariser la réalisation,

2) les statuts de l'Association cultuelle, avec pour appellation Paroisse ou Eglise orthodoxe de Sainte Nino. Cette association fut déclarée le 23 août 1929,

3) la ratification accordée aux dits statuts le 17 septembre 1929 par l'Exarque du Patriarcat oecuménique pour l'Europe occidentale et du Nord.

Ces statuts précisent que l'Eglise Sainte Nino est également l'émanation de l'Eglise orthodoxe de Géorgie ; qu'il maintiendra donc avec celle-ci et son chef, une liason suivie pour la perpétuation constante de ses us et coutumes, avec l'évocation des Saints canonisés par elle, l'intercession pour la Géorgie, son clergé et le peuple croyant, l'évocation de sa Sainteté le Patriarche de Géorgie étant faite chaque dimanche. La langue liturgique est bien-sûr le géorgien.

L'Eglise Sainte Nino a effectivement commencé à fonctionner avec la désignation en 1931 de son premier prêtre, l'hiéromoine Grigol Péradzé, ordonné en la Cathédrale Saint Etienne de Paris le 24 mai. Mon successeur à cette tribune vous parlera de lui en détails. Les premières célébrations du culte ont été accueillies dans un local de l'Eglise méthodique à Paris rue Denfert Rochereau. Puis la présence à Paris du Père Péradzé ne fut plus permanente puisque, comme il vous le sera dit, il partagea son temps entre la France, l'Allemagne, et surtout la Pologne où promu Archimandrite, il enseigna à la Faculté de Théologie orthodoxe, et où il mourut au camp d'Auschwitz en 1942. Il fut canonisé en 1995 par les Eglises orthodoxes de Géorgie et de Pologne.

Jusqu'en 1938, les célébrations des fêtes de Noël et de Pâques, et des messes lors des visites périodiques à Paris du Père Peradze furent alors accueillies par l'Eglise évangélique du Luxembourg rue Madame à Paris, et parfois même dans les familles de la Paroisse. Les difficultés inhérentes à l'époque conduisirent à une mise en sommeil de la Paroisse de 1939 à 1943.

La succession de l'Archimandrite Péradzé fut assurée après que son décès ait été connu, par l'Archiprêtre Nicolas Zabakhidzé. Celui-ci avait été ordonné prêtre en Géorgie en 1919, avant de devoir quitter le pays après l'insurrection de 1924 à laquelle il avait participé. Dès 1935 le Conseil paroissial avait pris contact avec lui pour assurer un éventuel interim du Père Péradzé. A cette occasion il fut recommandé, et la certification de sa qualité de prêtre fut faite au Métropolite de Thyatire par le Patriarche de Géorgie Callistrate, consulté par le Patriarcat oecuménique. Mais ce n'est finalement qu'en 1943 qu'il prit ses fonctions (difficulté pour venir de la zone libre). Il co-célébra d'abord de manière régulière en l'Eglise orthodoxe ukrainienne située alors boulevard Blanqui à Paris (célébration bilingue ukrainien-géorgien). Puis courant 1944, une première petite chapelle propre à la Paroisse fut installée dans une villa du XVIéme arrondissemnt. Juste avant la libération de Paris, elle déménagea (à pied, comme s'en souvient bien votre orateur) pour la rue François Gérard où elle occupa jusqu'en 1972 une grande salle / jardin d'hiver. Le Père Zabakhidzé y officia jusqu'en 1949, date de son départ à l'étranger pour accompagner un groupe de paroissiens.

C'est l'Archiprètre Elie Mélia, que tant de vous ont connu, qui lui succéda alors. Né en Géorgie en 1915, sa famille lui fit quitter clandestinement le pays en 1922 pour la Turquie, puis la Belgique avec son frère et sa soeur. Il y fit toutes ses études, en partie chez les Jésuites, jusqu'à la faculté de philosophie et lettres de Namur. De 1936 à 1940 il étudia à l'Institut théologique orthodoxe Saint Serge à Paris, où il présenta un mémoire de licence sur la Papauté au Moyen Age. Il fut ordonné prêtre en 1943 par le Métropolite Euloge en la cathédrale Saint Alexandre Nevski. Dans sa première paroisse de Belfort il desservait également d'autres communautés orthodoxes régionales d'émigrés de l'Est. Il y cacha et protégea aussi des résistants recherchés par l'occupant. En 1945 il prit en charge la Paroisse de Colombelles en Normandie constituée à l'origine par des militaires russes émigrés après la première guerre mondiale. En mai 1949 il reçut de sa hiérarchie l'autorisation de devenir Recteur de notre Paroisse Sainte Nino, avec confirmation par l'Exarchat du Patriarcat oecuménique en 1950. Au sein de notre Paroisse il fut jusqu'à son décès en 1988, non seulement le directeur de conscience, mais aussi un phare pour toute la communauté géorgienne, pratiquante ou non, en France comme à l'étranger (il a notamment été invité à officier en Allemagne ainsi qu'aux Etats-Unis). Il se remit à la pratique de la langue géorgienne, peu utilisée depuis son enfance et apprit l'écriture liturgique géorgienne, le khoutsouri. En paralléle il fut l'un des délégués à l'oecuménisme du Comité inter-épiscopal orthodoxe en France et participa à de nombreuses actions en faveur du rapprochement des chrétiens. Elevé à la dignité d'archiprêtre en 1963, il enseigna à partir de 1964 à l'Institut Saint Serge, chargé des cours d'histoire de l'Eglise ancienne et de Théologie pastorale. En plus de la communauté géorgienne, il s'occupait des maisons de retraite et des pensionnats d'autres communautés orthodoxes, grecque, russe, etc. A cette époque, c'est à vélomoteur qu'on pouvait voir circuler sa haute silhouette dans Paris et ses environs ! Il rencontra le Patriarche Ephrem II de Géorgie lorsque celui-ci vint à Paris en 1962, puis sa Sainteté Ilia II à Genève en 1979, lui transmettant alors l'invitation de la Paroisse Sainte Nino qui put l'accueillir solennellement en février 1980. C'est en grande partie son aura qui a permis, sous l'impulsion de Lévan Zourabichvili, l'un des co-fondateurs de l'Association cultuelle et alors président de l'Association géorgienne en France, un local puisse être acquis par la Paroisse en 1972, grâce à la générosité des Géorgiens résidants en France comme à l'étranger (des Etats.Unis jusqu'à la Turquie), qui à l'époque n'étaient pas bien nombreux. C'est cette même chapelle, consacrée par le Métropolite de France Mélétios en septembre 1973, que vous connaissez aujourd'hui.

Après le décès du Père Mélia le 15 mars 1988, la Paroisse reçut aide et protection du Métropolite de France Jérémie, afin de trouver un successeur au sein de la communauté géorgienne. Dans cette attente, l'Archiprêtre Gabriel Henry fut nommé pour la desservir. A son décès prématuré en septembre 1988, c'est l'Archimandrite Méthodios Alexiou qui lui succéda jusqu'en 1993. La Paroisse garde de son ministère un souvenir ému : il s'impliqua en effet totalement dans sa vie et ses soucis, mais aussi dans ceux de l'ensemble de la communauté géorgienne. En particulier il avait fait l'effort, alors que le culte avait lieu par la force des choses en français, d'apprendre certaines prières en géorgien.

C'est en 1993 que la Paroisse a renoué complètement avec la tradition géorgienne avec la nommination comme recteur de l'Archiprêtre Artchil Davrichachvili. Né à Paris, Père Artchil a passé son enfance en France avant un séjour de sa famille en Géorgie de 1974 à 1978. Dès son jeune âge il s'intéressa à la vie religieuse et auprès du Père Elie Mélia acquit ses premières connaissances de liturgie. En Géorgie il fut en contact suivi avec le Patriarcat, et après l'avènement de Sa Sainteté Ilia II, il participa comme enfant de choeur aux célébrations en la Cathédrale de Tbilissi. Il fit ainsi l'apprentissage direct de la célébration liturgique en géorgien, et put apprendre le khoutsouri. A son retour en France il suivit les cours de l'Institut de théologie Saint Serge de 1979 à 1983. En 1991 il fut ordonné diacre, puis prêtre en 1992, en la Cathédrale Saint Etienne et prit en 1993 ses fonctions actuelles, d'abord aux côtés de l'Archimandrite Méthodios.

Notre Eglise Sainte Nino a ainsi pu être, depuis sa constitution et jusqu'aux années 1990, le seul lieu de célébration du culte en langue géorgienne hors des frontières de la Géorgie. Elle reste sous la dépendance canonique du Patriarche oecuménique mais, comme elle l'a toujours fait, en liaison avec l'Eglise de Géorgie, demeure un témoin privilégié de l'antique chrétienté géorgienne.

C'est tout ce passé que la Paroisse a souhaité célébrer en ce quatre-vingtième anniversaire ... sans attendre le centième, pour pouvoir profiter de la présence des quelques paroissiens originels qui sont encore parmi nous. La Paroisse, fondée par la première génération qui dut quitter la Géorgie en 1921, s'est depuis enrichie de tous les autres arrivants depuis la Mère Patrie : réfugiés après l'insurrection de 1924, victimes de la deuxième guerre mondiale, réfugiés politiques au temps de l'occupation soviétique, et depuis que la Géorgie a retrouvé sa souveraineté en 1991, tous ceux qui ont souhaité ajouter à leur propre culture une partie de celle de la France. C'est cette union et cette coopération de toutes les générations qui lui ont donné et lui donneront encore la force de maintenir sa vocation, et lui permettre, nous l'espérons, de vous accueillir aussi nombreux dans vingt ans.

Voir aussi site de la paroisse :

-  http://saintenino.org/.



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