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L'Elysée et le Kremlin à la poursuite conjointe du statut hypothétique de grande puissance (2010)


mercredi 28 juillet 2010, par Nicolas Lévilidane

Qu'est-ce-qui a fait courir Nicolas Sarkozy à Saint-Pétersbourg le 19 juin 2010 et tomber dans les bras de Dmitri Medvedev ? Pourquoi les deux présidents se recherchent-ils régulièrement sur la scène internationale ?

La popularité en France du Premier ministre François Fillon est certes supérieure à celle du président Nicolas Sarkozy, la popularité en Russie du Premier ministre Vladimir Poutine est certes supérieure à celle du président Dmitri Medvedev, mais est-ce la véritable raison ?

Pour les esprits malins, ni François Fillon ni Vladimir Poutine ne sont pleinement Premiers ministres : l'un dispose d'une chaise étroite, l'autre d'un large fauteuil.

Qu'est-ce qui motive le rapprochement entre le locataire de l'Elysée et celui du Kremlin ?

L'amitié personnelle

"J'apprécie la relation particulière que j'ai avec Nicolas Sarkozy" répète Dmitri Medvedev à tous les médias du monde qui veulent bien l'entendre,

-  oubliée la "colère" de Vladimir Poutine en août 2008, à Moscou, lorsque Nicolas Sarkozy "négociait" le retrait de l'armée russe du territoire géorgien.

-  oubliée "l'insistance" du même Vladimir Poutine le 11 juin 2010, à Paris, à vouloir disposer de deux porte-hélicoptères français MISTRAL, mais aussi du transfert de technologies réclamé par le complexe militaro-industriel russe,

-  oubliée la "réponse" de Vladimir Poutine , ce même 11 juin 2010, au journaliste de France Télévisions questionnant sur le statut des journalistes en Russie, "la France a souvent cherché à donner des leçons, alors que les instances internationales la condamne sur bien des points, dont les prisons ...".

Les intérêts économiques des deux pays

Le russe GAZPROM a récemment repêché le français GDF-Suez en lui accordant une participation au gazoduc russo-germanique NORTH STREAM que Vladimir Poutine et Gehard Schröder avaient initié au mépris des intérêts des pays baltes et de la Pologne.

Le français EDF a également été repêché pour le gazoduc russo-italien SOUTH STREAM que Vladimir Poutine et Silvio Berlusconi avaient initié au mépris de la stratégie énergétique européenne et du gazoduc européen NABUCCO.

EDF a signé avec l'agence publique russe de l'énergie atomique ROSATOM (1) un accord portant sur la recherche et le développement, le combustible nucléaire, la formation et les visites de sites industriels.

ALSTOM a confirmé son alliance avec le russe Trans Mach Holding pour la fabrication de 200 locomotives destinées au Kazakhstan et espère la signature d'un contrat équivalent avec les chemins de fer russes.

Le Fonds d'investissement russe HERMITAGE a déclaré son intention de construire deux tours de 320 mètres à la Défense, à Paris, pour livraison en 2016.

Les croisements de participation n'avaient pourtant pas attendu les présidents actuels, RENAULT a par exemple pris un maximim de risques chez AVTOVAZ.

La quête d'une reconnaissance internationale personnelle

Vingt années après l'effondrement de l'URSS, la Russie post-soviétique doit sa survie aux matières premières de son vaste territoire, hydrocarbures, métaux, charbon, parfois exploitées dans des conditions anachroniques (90 morts dans les mines de Kemerovo en Sibérie, le 9 mai 2010) (2) et (3) et au profit d'une poignée de privilégiés (dont les députés et les sénateurs ne sont pas exclus). La corruption est présente dans toute l'administration selon Transparency International (4), plus particulièrement au sein de la police et du personnel pénitencier. Les prisons sont un "enfer" (4 150 prisonniers y sont morts en 2009). La liberté de la presse régresse régulièrement selon Reporters Sans Frontières (5) : les intimidations de journalistes sont fréquentes, les assasinats impunis ne sont pas l'exception.

Dimitri Medvedev parle et publie (lutte contre la corruption, déblocage de la modernisation économique, restructuration du tissu social, ...), revisite et modifie les lois (libération sous caution des prisonniers économiques, publication des biens et revenus des hommes public, ...). L'impression dominante est que la situation intérieure de la Russie n'évolue guère, que les "hommes à épaulettes" veillent et qu'il est tout juste laissé au président la possibilité "d'exister internationalement", C'est bon pour l'image de la Russie.

La France, désindustrialisée, fragilisée sur le plan social, empêtrée dans les conséquences de la crise financière et économique mondiale, humiliée après sa ré-intégration à l'OTAN sans en avoir touché le moindre dividende, subit difficilement la comparaison avec sa voisine allemande, vertueuse sur le plan comptable et tirant sa puissance des exportations.

Nicolas Sarkozy a lui aussi besoin d'exister internationalement. L'heureux hasard des calendriers -arraché à Barack Obama qui a mieux à faire que de s'occuper d'une Europe et d'une Russie marginalisées- lui fera présider en 2011 le G7 devenu G8, puis G20, soit à la veille des élections présidentielles françaises ! Il recherche l'aide du Kremlin, après avoir passé par pertes et profits les atteintes aux droits de l'homme en Russie, la guerre de Tchétchénie ("une affaire intérieure russe"), l'occupation militaire de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud ("il ne fallait pas provoquer l'ours russe").

L'illusion

Français et Russes, avec leurs deux sièges permanents au Conseil de sécurité des Nations Unies, résisteraient mieux au désintérêt américain, à la pression de la Chine, de l'Inde, du Brésil et des autres pays émergents. En rassemblant les nations du Vieux continent dans un Partenariat stratégique commun à l'Union européenne et à la Russie, ils conserveraient -un temps ?- l'illusion d'appartenir au club des grandes puissance du XXIe siècle (6).

*

Notes :

(1) ROSATOM, l'agence publique russe de l'énergie atomique, est un concurrent direct du français AREVA sur le marché des réacteurs nucléaires. Elle est par ailleurs alliée à l'allemand SIEMENS, sorti récemment d'AREVA.

(2) En 1996, la Russie extrayait 257 millions de tonnes de charbon avec 412 000 mineurs. En 2009, elle extrait 300 millions de tonnes avec 165 000 mineurs. Les cadences seraient devenues démesurées au point de conduire à la transgression des consignes de sécurité.

(3) En 2007, 148 personnes avaient trouvé la mort dans deux mines voisines de Kemerovo.

(4) La Russie à la 146ème place mondiale en termes de perception de la corruption (2009)

(5) Liberté de la presse : la Russie stagne autour de la 140ème place mondiale (sur 173) depuis 6 années, selon RSF

(6) Au début du XXe siècle, l'alliance entre la Russie tsariste et la IIIe République française vola en éclat avec la Ière Guerre mondiale : la Russie soviétique n'y voyait pas son intérêt. Après la IIe Guerre mondiale, le pacte entre l'URSS et la IVe République n'empêcha pas les deux "alliés" de rejoindre les camps opposés de la guerre froide.



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