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Russie : éléments de démographie au 1er novembre 2010


samedi 13 novembre 2010, par Nicolas Lévilidane

La population de la Fédération de Russie diminue régulièrement depuis une vingtaine d'années : elle est passée de 148,3 millions en 1992 à 141,9 millions en 2010. Les facteurs de cette évolution sont principalement la baisse de l'espérance de vie, la baisse de la natalité et la baisse de l'immigration, secondairement la hausse de l'émigration.

Espérance de vie

La baisse de l'espérance de vie pour les hommes (65 ans en 1960, 59 ans en 2000) provient de différentes causes

-  l'absence de médecine préventive,

-  la précarité des conditions de vie (30% de la population vivaient sous le seuil de subsistance en 2000, 10% ne bénéficiaient pas encore de l'eau potable en 2010),

-  l'augmentation du nombre de suicides,

-  l'augmentation du nombre de morts accidentelles ou criminelles, souvent associée à l'alcoolisme,

-  la mauvaise qualité des secours d'urgence.

L'espérance de vie pour les femmes, quant à elle, stagne autour de 73 ans depuis une cinquantaine d'années.

Malgré les préoccupations exprimées à ce sujet au plus haut niveau , Vladimir Poutine déclare en 2005 devant la Douma "Nous ne pouvons nous satisfaire du fait que les femmes et les hommes russes vivent respectivement près de dix et seize ans de moins que dans les pays d'Europe occidentale", cette tendance se confirme année après année. Toujours en 2005, le nombre de décès (2,3 millions) dépasse largement celui des naissances (1,5 million).

Natalité

Les difficiles conditions de vie -notamment le problème du logement- ont considérablement ralenti l'évolution du modèle familial : la natalité a fortement chuté jusqu'au début des années 2000 (indice de fécondité de 1,19). Les mesures ponctuelles décidées par les autorités, comme l'attribution d'un capital de 10 000 dollars à la naissance du 2e enfant en 2006, ont permis d'inverser la tendance (indice de fécondité de 1,49 en 2008), mais sont insuffisantes pour assurer le renouvellement des générations.

La mortalité infantile a également diminué à partir des années 2000, mais reste élevée en comparaison à celle des pays développés.

Immigration

Les données relatives à l'immigration sont particulièrement complexes, mêlant les retours "définitifs" et les entrées plus "provisoires" (pour quelques années ou pour une saison) : 11 millions de personnes ont officiellement immigré de 1989 à 2008 en Fédération de Russie.

Le flux se décompose en plusieurs segments

-  les personnes d'ethnie russe en provenance des républiques de l'ex-URSS (par ordre décroissant, Ukraine, Kazakhstan, Ouzbékistan, Biélorussie, Azerbaïdjan, Kirghizistan, Tadjikistan, Géorgie, Moldavie, Arménie, Turkménistan, Estonie, Lettonie, Lituanie), pour qui la Fédération de Russie constitue un "refuge",

-  les personnes d'ethnies non russes en provenance de ces mêmes républiques voyant en la Fédération de Russie "l'héritière" de l'ex-URSS et optant pour un passeport russe,

-  les personnes d'ethnies non russes en provenance de certaines républiques de l'ex-URSS (principalement Arménie, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Tadjikistan) ou de Chine, à la recherche de meilleures conditions économiques que dans leur pays,

-  les demandeurs d'asile fuyant les conflits de leur pays (Afghanistan, Abkhazie, Haut Karabakh, Ossétie du Sud, Tadjikistan, Transnistrie, ...).

Ces deux dernières immigrations ne sont pas sans poser de problème à une population russe touchée par le chômage (9%) ; Sporadiquement des chasses aux "tchorni jop" -littéralement "culs noirs"- sont organisées dans les grandes villes par des groupements ultra-nationalistes. Quelques 150 groupes néonazis sont actifs en Fédération de Russie : leur idéologie repose sur l'intolérance ethnique et religieuse. Le nombre de crimes en relation avec cette idéologie est passé de 356 en 2007 à 548 en 2009 et à 370 au 1er trimestre 2000 (1).

Emigration

5,5 millions de personnes ont émigré entre 1989 et 2008 à partir de la Fédération de Russie. Cette émigration a eu d'abord un caractère politique encouragé par "l'ouverture" des frontières ; elle a ensuite rapidement pris un caractère ethnique et un caractère économique.

Les émigrations vers l'Allemagne, vers Israël et vers les Etats-Unis (1,2 million) ont souvent concerné des personnes d'ascendance allemande et juive.

Les émigrations vers les pays d'Asie centrale et du Caucase du Sud ont concerné des personnes dont l'origine ethnique se situait dans ces pays, même si elles n'y étaient pas nées.

Les émigrations à caractère économique concernent des personnes d'ethnie russe : elles se sont d'abord concentrées sur les pays dont les politiques d'accueil étaient favorables (Australie, Canada, Finlande, Grèce, Pologne,...) et se sont ensuite étendues vers les pays d'Europe occidentale, avant que les conditions d'entrée ne se durcissent.

Plusieurs segments de population sont à distinguer

-  les "professionnels", à haut niveau d'éducation (scientifiques), à haut niveau artistique (musiciens, chanteurs, danseurs, cinéastes, peintres,...) ou à haut niveau sportif, à la recherche de notoriété et de réussite, envisageant un retour à terme,

-  les classes les moins favorisées, souvent en relation avec les différentes mafias russes contrôlant les filières de transit clandestin ou les trafics (stupéfiants, armes, prostitution, blanchiment, ...),

-  les classes les plus favorisées, nouvellement enrichies, disposant de fortune à l'étranger (Royaume Uni, Suisse, France, Emirats du golfe persique, ...).

Les émigrations à caractère politique concernent essentiellement les populations du Caucase du Nord (Tchétchénie, Ingouchie ...) fuyant le cycle attentats / répression instauré depuis deux décennies, ponctuellement des intellectuels et des journalistes d'opposition.

Solde migratoire

Au final, de 1989 à 2008, le solde migratoire a été positif de 5,5 millions de personnes : sans cet apport, la population de la Fédération de Russie aurait chuté de 148,3 millions à 136,4 millions.

La tendance est pourtant de moins en moins favorable. Durant les années 1990, le solde migratoire annuel a atteint un maximum d'un million. Durant les années 2000, il est parfois passé sous la barre des 100 000.  

Evolution à terme


Le déclin démographique de la Fédération de Russie pourrait être enrayé par l'augmentation de l'espérance de vie des hommes, ou l'augmentation de la natalité, voire le retour partiel des personnes d'ethnie russe vivant encore dans les républiques de l'ex-URSS (25 millions initialement).

L'absence de réforme du système de santé, l'échec des différentes campagnes de lutte contre l'alcoolisme, l'amélioration trop lente des conditions de vie, le succès en demi-teinte des mesures d'encouragement à la natalité, le regard dubitatif porté sur les "compatriotes" de l'étranger (sont-ils encore de bons Russes ?) sont autant de freins à une évolution positive.

La xénophobie et l'ethnophobie, qui s'expriment à la moindre occasion, y compris à la Douma (2), empêchent une contribution plus significative venant de l'immigration.

Il est pourtant probable que seule une Fédération de Russie multiculturelle, garantissant les droits de tous ses citoyens, quelles que soient leurs origines ethniques, permettrait une stabilisation démographique (3).

Notes

(1) Cette photographie au 28 octobre 2010 des groupes néonazis émane de l'Institut de recherche du ministère russe de l'Intérieur.

(2) A l'été 2006, la Douma a voté l'interdiction des vendeurs étrangers sur les marchés russes.

(3) Le recensement de population engagé en octobre 2010 par 670 000 agents comporte des questions relatives à l'état-civil et aux revenus, mais également des questions d'ordre ethnique et religieux (formulaire de 10 pages).

Source principale : "La Russie contemporaine" sous la direction de Gilles Favarel-Garrigues et Kathy Rousselet, Editions Fayard, Paris 2010. Sources secondaires : médias russes et français.

Voir aussi Russie : l'alcoolisme fléau national séculaire (2011)



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