Russie : mariage pour les hydrocarbures annulé entre ROSNEFT et BP (avril 2011)
jeudi 28 avril 2011, par Nicolas Lévilidane
La décision juridique
Le tribunal arbitral de Stockholm a décidé le 24 mars 2011 d'annuler le contrat qui prévoyait
la prise de participation de BP dans ROSNEFT, groupe public russe, premier extracteur de pétrole en Fédération de Russie, à hauteur de 9,5%,
celle de ROSNEFT dans BP à hauteur de 5%.
Ce contrat prévoyait la création d'une filiale commune destinée à explorer et à exploiter les gisements d'hydrocarbures de l'océan Arctique russe, qui contiendrait 5 milliards de tonnes de pétrole et 3 000 milliards de m3 de gaz.
La motivation juridique
Le tribunal de Stockholm a donné raison à trois oligarques russes établis à Londres, Len Blavatnik propriétaire du groupe Access, Mikhaïl Fridman propriétaire du groupe Alfa et Viktor Vekselberg propriétaire du groupe Renova.
En effet la société TNK-BP qu'ils ont fondée en 2003 avec BP, possède l'exclusivité des projets réalisés par ses actionnaires sur les territoires russe et ukraïnien.
Une décision amendable
La question pourrait se résoudre simplement si BP dédommageait d'une part l'Etat russe et d'autre part les trois oligarques.
L'Etat russe a besoin des technologies off-shore occidentales : BP les maîtrise et sera un partenaire d'autant plus apprécié qu'il est aux abois financièrement après la marée noire du golfe du Mexique et après ce nouveau coup du sort.
Mikhaïl Fridman, qui entretient de bons rapports avec le Kremlin, a besoin de liquidité pour participer à la privatisation de l'opérateur public russe de télécoms, ROSTELEKOM.
Igor Setchine (1), vice-premier ministre russe, proche de Vladimir Poutine, n'en est pas à son premier coup d'essai : la Fédération de Russie serait gagnante sur deux tableaux, les dédommagements directs de BP et l'argent de la privatisation de ROSTELEKOM.
La Russie, champ de mines politiques et juridiques pour les investisseurs étrangers ?
Cette situation devrait dissuader les investisseurs étrangers d'opérer sur le territoire russe (2). C'est pourtant tout le contraire. Le français Total débourse 4 milliards de dollars pour acquérir 12% du producteur de gaz NOVATEK. L'américain Exxon Mobil signe un accord d'exploration sur une partie de la mer Noire avec ROSNEFT. L'anglo-néerlandais Shell négocie avec le même ROSNEFT pour l'océan Arctique.
Qu'en pensent les actionnaires de BP, qui subissent la troisième querelle avec leurs partenaires russes dans la coentreprise commune TNK-BP ?
Notes :
(1) Igor Setchine mène également les négociations avec la France pour l'achat de navires de guerre français, Mistral BPC.
(2) L'américain Chevron n'a pas échappé, lui non plus, aux désaccords politiques et juridiques : une filiale commune avec ROSNEFT devait explorer une partie de la mer Noire, le litige porte sur le lieu du tribunal -en Russie ou à l'étranger- saisi en cas de litige.
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