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Rapport Bosnie-Herzégovine 1996 : le pluralisme politique et la démocratie


jeudi 24 avril 2003

Extrait du Rapport pour 1996 du Fonds européen pour la liberté d'expression.

 

II. LE PLURALISME POLITIQUE ET LA DÉMOCRATIE


Jusqu'en 1990, lorsque furent organisées les premières élections multipartites, la Bosnie-Herzégovine était un Etat à parti unique, qui appartenait à la Yougoslavie. Sur les 20 partis qui s'étaient portés candidats, 12 furent représentés au parlement. Ce sont les partis nationalistes des trois peuples "constitutifs" de la B-H qui l'ont emporté : le Parti de l'Action Démocratique (SDA), le Parti Serbe Démocratique (SDS) et la Communauté Croate démocratique (HDZ), ce qui fut l'expression d'une certaine méfiance à l'égard de l'ancien système communiste, mais aussi la conséquence d'une forte homogénéisation nationale, ce qui devait bientôt entraîner la guerre.

La scène politique en B-H n'a pas été modelée selon les critères politiques occidentaux. Les trois partis nationalistes se targuaient d'être des mouve-ments nationaux, tout en rejetant ou ignorant l'existence d'une opposition au sein de leurs propres nations. D'un autre côté, il n'y eut ni le temps ni l'occasion de développer des partis puissants et démocratiques. Ceux-ci se sont en fait ensuite créés à travers la transformation de l'ancienne Ligue des communistes.

Pendant la guerre, les trois partis nationalistes se sont comportés comme les véritables chefs de leur nation respective. La vie politique s'est déroulée différemment sur les trois territoires contrôlés par les armées en conflit. Dans les territoires occupés par l'armée serbe, la vie politique a complètement cessé d'exister : les partis de l'opposition ont été étouffés ou se sont mis au service du parti au pouvoir. Le SDS a imposé son slogan "patriotique" : une nation, un Etat, un parti, une armée, une religion, un chef. Sur les territoires formant aujourd'hui la fédération de B-H, la vie politique avait aussi un double caractère. Là où le pouvoir était entre les mains du HDZ, il ne pouvait exister pratiquement aucun autre parti. Sur le territoire contrôlé par l'Armée de B-H, le principe du pluralisme politique était plus répandu, ceci malgré le fait que le SDA se comportait lui aussi comme l'unique représentant des intérêts de son peuple. Dans les grands milieux urbains et dans la mesure où les conditions le permettaient, plusieurs partis d'opposition sont entrés en action.

Après la signature des accords de Dayton, la vie politique a repris. De nouveaux partis ont été créés en RS. Ce fait qui fut aussitôt condamné par le pouvoir comme un acte antipatriotique, mais la pression internationale était trop forte. Ce n'est que dans les régions situées au nord-ouest et nord-est de la RS que de nouveaux partis ont fait leur apparition. Dans les autres, il n'existe toujours qu'un seul parti, le SDS. Dans la partie de la Fédération contrôlée par le HDZ (Communauté démocratique Croate), la situation n'a pas vraiment changé. Dans l'autre région, à majorité boshniaque, plusieurs anciens partis se sont réactivés et de nouveaux ont été formés. Jusqu'aux élections du mois de septembre 1996, il y avait en B-H deux parlements : le Parlement de la RS et l'Assemblée nationale de la Fédération de B-H. Le rôle dominant revenait aux partis au pouvoir. C'est eux qui prenaient les décisions, qui étaient ensuite adoptées formellement par leurs parlements. Tous les conflits qui ont éclaté su sein de la Fédération de B-H (entre les structures politiques boshniaques et croates) ont été résolus exclusivement par des accords entre les deux partis nationalistes, c'est-à-dire en-dehors de l'Assemblée et du gouvernement, et sans participation de l'opposition. L'influence de l'opposition a été marginalisée (malgré le fait qu'elle était majoritaire au sein de la Présidence), car toutes les décisions étaient prises par le SDA (Parti de l'Action démocratique), ou le HDZ. L'opposition avait pourtant accès à la plupart des médias indépendants, mais aussi aux médias publics, grâce surtout à la pression exercée par la communauté internationale.

Il n'existe pas en B-H de commission d'arbitrage chargée de statuer sur d'éventuelles situations politiques conflictuelles. La Cour constitutionnelle de l'Etat de B-H (de la Fédération et de la RS) est chargée d'arbitrer entre les différents pouvoirs de l'Etat. Dans la fédération, il y a des ombudsmen contrôlés par la communauté internationale. Dans l'entité serbe, leur présence n'a pas été acceptée). Selon les accords de Dayton, des Cours des droits de l'homme seront créées dans la Fédération et dans l'Etat de B-H, mais pas en RS, car cela n'est pas prévu par sa constitution.

Une loi sur les organisations politiques, adoptée à la veille de la guerre (août 1991), est toujours en vigueur en B-H, dans les deux entités. Cette loi est extrêmement libérale : toute organisation politique doit, pour être enregistrée, présenter une liste de 50 membres fondateurs, et il existe certaines clauses interdisant la formation de toute organisation politique dont le programme serait centré sur un changement par la force de l'ordre constitutionnel en place, la violation de l'intégrité territoriale et de l'indépendance de l'Etat, des droits de l'homme ou des libertés humaines. C'est sur cette base que le SDS (Parti Démocratique Serbe) a été interdit au début de la guerre. Officiellement, il existe en B-H une totale liberté politique, mais qui se voit considérablement restreinte par le comportement de l'actuel régime au pouvoir et les conséquences de la guerre.

Il n'y a pas non plus de limitation en ce qui concerne le financement des partis politiques. Aux termes de la loi, les partis sont financés par les cotisations de leurs membres, les contributions, les dons, le budget de l'Etat, ainsi que par toutes autres sources conformes à la loi.

Les élections qui se sont tenues en B-H au mois de septembre 1996 se sont déroulées sous contrôle international. L'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) a défini elle-même les règles électorales, en a contrôlé l'application et a organisé les élections. Selon ces règlements, le financement de la campagne électorale ne pouvait être assuré par des ressources illicites - ce que l'on entendait par lê n'est pas très clair, mais c'est un fait bien connu qu'un grand nombre d'hommes d'affaires, tant de l'étranger que de l'intérieur, ont financé celle de certains partis. L'OSCE avait alloué à chacun des partis en lice une certaine somme pour qu'ils puissent louer des bureaux et organiser leur campagne, et elle s'est chargée d'en contrôler la bonne utilisation. L'Office publique des paiements et les services de l'inspection des finances contrôlaient la circulation de l'argent sur les comptes. Sur le plan moral, le contrôle était assuré par les médias et l'opinion publique.

En B-H le système parlementaire vient tout juste de se constituer dans des conditions normales de paix. Jusqu'à présent les membres du parlement de B-H étaient rétribués, et il n'y avait par ailleurs aucune limitation concer-nant d'éventuelles autres ressources. Bien que cela ait été possible, d'un point de vue formel, il n'y avait pratiquement pas de parlementaires professionnels (sauf dans le cas des hauts fonctionnaires). Ils n'ont bénéficié d'aucun avantage après la guerre, mais on a noté récemment quelques initiatives pour que leur soit reconnu un statut identique à celui des membres des forces armées. On évoque souvent dans la presse des cas d'enrichissement personnel de hauts fonctionnaires (profiteurs de guerre). Mais on ne connaît aucun cas ayant fait l'objet de poursuites judiciaires.

Les rapports entre les pouvoirs constitutionnels, exécutifs et judiciaires ont été régularisés selon les normes démocratique en vigueur en occident. Les conditions de nomination des juges sont fixées par la loi. Le Ministère de la justice n'a aucun droit d'ingérence dans les enquêtes portant sur des affaires politiques ou financières. Dans les deux entités, le parti au pouvoir et le gouvernement actuel se sont arrangés pour que les juges soient choisis parmi leurs rangs. Tels qu'ils ont été définis dans l'accord de Dayton, les rapports entre la présidence de l'Etat, le conseil des ministres commun, les gouvernements des deux entités, les cantons et les parlements sont tellement spécifiques qu'ils ne peuvent être comparés à aucun autre système, dans aucun autre pays. Les organes centraux ont vu leurs compétences extrêmement réduites, et toutes les questions les plus importantes doivent faire l'objet d'un consensus national. Par ailleurs les décisions adoptées par vote majoritaire peuvent être annulées par veto. 49 partis ont participé aux dernières élections de 1996. L'OSCE avait adopté des lois électorales basées sur les normes démocratiques en vigueur en occident, y compris le droit pour tous les partis d'être également représentés dans les médias. Ces élections se sont déroulées dans des conditions désastreuses, c'est là un fait bien connu. La liberté de circulation n'a pas été assurée, les systèmes de communication sont resté interrompus, les réfugiés ne sont pas rentrés chez eux, de plus ils ont fait l'objet de pressions, se voyant dicter où et pour qui ils devaient voter. Certains leaders politiques ont même fait l'objet d'attaques physiques, ainsi que leurs biens. L'OSCE a tout fait pour que l'opposition puisse disposer d'une pleine liberté d'action et jouir d'un traitement ê peu près égal dans les médias. Ces élections ont eu lieu neuf mois seulement après la fin de la guerre, et ce délai était trop court pour que puissent être créées des conditions plus favorables, plus sûres surtout, et plus démocratiques.

La participation des citoyens à la vie politique n'est pas très importante. Elle s'était vue réduite au cours de la guerre, en raison des opérations militaires. La majorité des partis étaient représentés par leurs dirigeants, qui organisaient des conférences de presse. Selon la constitution de Dayton, le principe du référendum n'est pas prévu dans l'Etat de B-H, ce qui ne veut pas dire qu'il soit interdit. Le système juridique est toujours en voie de formation.

Il n'existe pas de loi, en B-H, pour juger des cas de comportement illégal dans l'ancien régime. Les processus de réhabilitation, tels que l'on en rencontre dans les autres pays ex-socialistes ne sont pas ici fréquents, parce que ces cas avaient déjà fait l'objet d'un jugement ou avaient été moralement condamnés par l'ancien régime lui-même.

De manière formelle, tous les partis sont démocratiques. En raison de la guerre, ils ont été dans l'impossibilité d'organiser régulièrement leurs congrès ou de se réunir fréquemment.

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