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Géorgie et France : Joseph Eligoulachvili (1890-1952), figure de la communauté juive


mardi 28 février 2012

Joseph Eligoulachvili est né le 12 novembre 1890 à Koutaïssi, en Géorgie occidentale, dans une famille juive dont le père, Aaron, est le patriarche, et au sein d'une fraterie de trois soeurs et de sept frères (1).

Des études à Moscou

Après ses études primaires et secondaires en Géorgie, il étudie l'économie à l'Institut du commerce de Moscou.

Ses idées progressistes, en opposition avec le régime politique instauré par le tsar Nicolas II, lui valent d'être arrêté et jeté dans les prisons de l'Empire russe.

Libéré, il assiste en octobre 1917, à Moscou, à la prise de pouvoir par la force des bolchéviks.

Des responsabilités politiques durant la Ière République de Géorgie

Il retourne en Géorgie et adhère au Parti ouvrier social démocrate géorgien.

Après le 26 mai 1918, date de la restauration de l'indépendance et de la proclamation de la Ière République de Géorgie -dont il signe l'acte-, il est chargé d'une mission économique en Europe.

En février 1919, il est élu à l'Assemblée constituante, ainsi que deux autres députés de confession juive.

Il est ensuite nommé secrétaire d'Etat aux finances auprès du ministre des Finances, du commerce et de l'industrie, Constantiné Kandélaki (2), dans le troisième gouvernement -homogène social démocrate- présidé par Noé Jordania (3).

En février 1921, devant l'avancée des armées de la Russie soviétique, il participe au sauvetage du trésor national géorgien conduit par Ekvtimé Takhaïchvili (4), qui sera abrité en France durant 25 ans.

Une figure de la communauté juive géorgienne en France

Il quitte la Géorgie pour ne plus jamais y revenir, d'abord pour Constantinople, puis pour Paris où le rejoindront la quasi totalité de ses frères et soeurs.

Il fonde et dirige une entreprise de bonneterie et de soierie, devient une figure de la communauté juive au sein de l'émigration géorgienne en France.

En 1926, après le suicide à Leuville-sur-Orge de Nicolas Chéidzé -président de l'Assemblée constituante et du Parlement géorgien- (5), la famille Eligoulachvili et particulièrement Joseph apporte une aide morale et matérielle à sa veuve et à sa fille Véronique, toutes deux dans une grande détresse. Cette fidélité au meilleur tribun, et chef de l'opposition, à la Douma russe dans les années 1910, ne sera jamais démentie : les archives familiales de Véronique Cheidzé, devenue Grassmann, en témoignent.

[... Dès octobre 1940, Adrien Marquet, ministre du maréchal Pétain (ancien membre de la SFIO et de la délégation socialiste ayant visité la Géorgie en 1919) intervient auprès d'Evguéni Guéguétchkori (6) pour l'informer du danger qui menace les juifs géorgiens exilés en France. Quelques mois plus tard, Michel Kédia (homme politique géorgien en exil proche des autorités allemandes) (7) est sollicité pour une intervention. Les juifs géorgiens sont dispensés de la mention "JUIF" sur leur pièce d'identité ...

... Joseph Eligoulachvili (8) oeuvre avec Sacha Korkia (9) et Sossipatré Assathiany (10) au sein d'un comité restreint afin "d'élargir" le champ d'application de la mesure d'exception. Ils sauvent deux cent cinquante familles juives de la déportation en leur délivrant des "certificats d'authenticité de nationalité géorgienne", dont une bonne part est originaire des Balkans, d'Espagne, d'Iran et du Turkménistan ...]

Fin 1943, cette protection des juifs géorgiens ne joue plus : ils doivent entrer dans la clandestinité pour échapper à la déportation.

Joseph Eligoulachvili meurt en 1952, figure respectée de la communauté juive géorgienne en exil, personnalité de l'émigration géorgienne et personnalité de la communauté juive en France.

Selon Françoise et Révaz Nicoladzé, le ministre Constantiné Kandélaki le salue de la manière suivante :

[... L'unité entre les Géorgiens, sa lutte pour l'indépendance, la générosité étaient ses idéaux ... Il respectait toutes les nations et toutes les religions ... L'instance suprême restant pour lui l'Histoire de la Géorgie...].

En 1996, à Copenhague, lors d'une commémoration des victimes juives de la IIème guerre mondiale, en présence de l'ambassadeur d'Israël en France et de Léon Eligoulachvili, neveu de Joseph, est déclaré

[...Trois Etats ont sauvé leurs juifs, les Danois, les Bulgares et une Nation sans patrie, la Géorgie ...] (11).

M.M.

Notes :

(1) La fraterie Eligoulachvili est composée de Rapiel -Raphaël-, Mariam -Marie- , Iakob -Jacques-, Solomon -Salomon- , Joseb -Joseph-, X , Beniamin -Benjamin-, Ana -Anne-, Douchky -Mathilde- , Davit -David- .

(2) Géorgie et France : Constantiné Kandélaki (1883-1958), révolutionnaire et ministre

(3) Géorgie, Suisse et France : Noé Jordania (1868-1953), président des 2e et 3e gouvernements de la Ière République

(4) En 1945, le Trésor national géorgien composé de centaines d'objets pécieux (manuscrits anciens, pièces de toreutique et d'orfèvrerie, émaux cloisonnés, îcones ciselés d'or et d'argent, croix d'autel et de procession, coupes, ostensoirs, ...) prit le chemin du retour après que Joseph Staline se soit engagé auprès de Charles De Gaulle à ce qu'il revienne à la Géorgie et non à l'URSS. Voir Géorgie, France et URSS : Ekvtimé Takhaïchvili (1863-1953), savant et homme politique .

(5) Géorgie, Russie et France : Nicolas Chéidzé (1864-1926), homme d'État russe et géorgien

(6) Géorgie et France : Evguéni Guéguétchkori (1881-1954), homme d'Etat transcaucasien

(7) Géorgie, Allemagne, France et Suisse : Michel Kédia (1902-1952), homme politique

(8)Joseph Eligoulachvili est à l'époque président du groupement des Géorgiens de confession mosaïque en France.

(9) Sacha Korkia est responsable de la section géorgienne de l'Office des réfugiés caucasiens en France créé par l'occupant allemand. Ayant vécu en Allemagne, ayant eu un fils de nationalité allemande, mobilisé dans l'armée allemande et tué lors d'une opération en Crète, Sacha Korkia a la confiance des autorités allemandes.

(10) Sossipatré Assathiany est responsable de la section géorgienne de la délégation à Paris du Bureau des apatrides créé par l'Etat français de Vichy. Voir aussi Géorgie, Turkestan, Suisse, Ukraine, Roumanie et France : Sossipatré Assathiany (1876-1971), directeur de l'Office des réfugiés géorgiens

(11) Si la Géorgie n'a pas connu de pogrom tout au long des siècles, le professeur français Charles Urjewicz (INALCO) rappelle volontiers que des violences et des saccages ont été exercées à l'encontre des juifs sur le territoire géorgien durant les années 1870 et 1880, années de tentative de russification des élites géorgiennes.

*

Sources .

-  archives familiales,

-  archives personnelles Véronique Grassmann, née Chéidzé,

-  "Des Géorgiens pour la France. Itinéraires de résistance, 1939-1945" de Françoise et Révaz Nicoladzé, Editions l'Harmattan, Paris, juin 2007, pages 60 à 63,

-  Office des réfugiés géorgiens par OFPRA,

-  Websites, dont Jemal Simon Ajiachvili.

*

Remerciements à Dominique Gautier-Eligoulachvili.

Voir aussi :

-  La Ière République de Géorgie (1918-1921)

-  La Ière République de Géorgie en exil en France

-  Photographie des hommes politiques géorgiens en exil aux obsèques de Nicolas Cheïdzé

-  La Légation géorgienne en France, l'Office des réfugiés géorgiens, le Bureau des apatrides, le Conseil géorgien pour les réfugiés et l'OFPRA

http://www.samchoblo.org/agf_gouver...



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