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Regard d'Est en Ouest : 3 questions à Hervé COLLET, spécialiste des pays de l'Est


vendredi 13 janvier 2012

Responsable de nombreuses missions en Europe de l'Est, sociologue, professeur, auteur, homme politique engagé, fondateur de l'Association "Le Comité de liaison pour la solidarité avec l'Europe de l'Est", Hervé Collet répond à trois questions du COLISEE.

Q1) Colisee : Hervé Collet, vous êtes un militant de longue date de l'Europe, comment expliquez-vous que les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates européens, majoritaires au Parlement européen depuis son existence, n'aient pas su rendre favorables à l'Europe leurs opinions publiques nationales ?

R1) H.C. :

Reconnaissons d'abord que l'idée européenne, malgré tout, a globalement progressé dans les opinions publiques au cours des dernières décennies. Ce n'est pas entièrement dû à l'Union Européenne. Le Conseil de l'Europe, la coopération culturelle (Eurovision) et sportive (coupes d'Europe) y ont joué un grand rôle. Mais cette progression ne peut pas, effectivement, être jugée satisfaisante.

J'y vois trois raisons :

1. Le déficit de la politique de communication de l'UE et des partenaires nationaux pour mettre en valeur les acquis de l'Europe. Quelle commune, par exemple, en France pense à mettre en avant, dans le cas d'une réalisation soutenue par l'UE, les apports de cette dernière ? C'est pourquoi nos compatriotes (en dehors des paysans, qui bénéficient de la PAC) ne se rendent pas suffisamment compte des bienfaits de la solidarité européenne. C'est également le cas dans beaucoup d'autres pays voisins.

2. L'Union Européenne apparaît comme trop technocratique, et elle le restera tant que des modes de fonctionnement plus démocratiques ne seront pas mis en place.

3. Mais la communication n'est pas tout. Les citoyens ont du mal à vivre, d'une manière générale, tout ce qui est fédératif. On le voit dans la coopération intercommunale : les communautés d'agglomération n'arrivent pas à constituer des ensembles soudés par un véritable sentiment d'appartenance, où les habitants de chacune des communes composantes se sentiraient impliqués. En cas de crise, le repli sur soi prend le dessus.

Q2) Colisee : vous êtes aussi un militant actif des progrès de la démocratie dans les pays de l'Est que vous connaissez bien. Quels regards - d'après vous - les opinions publiques de ces pays portent-ils aujourd'hui sur l'Union européenne, et plus particulièrement sur les pays de la zone Euro, devant la difficulté qu'ils rencontrent à trouver une solution à la crise engendrée par les différentes dettes souveraines ?

R2) H.C. : Les pays "émergents" qui ont intégré récemment l'Union Européenne cumulent plusieurs difficultés :

1. Ils sont déçus que l'Union Européenne ne leur garantisse pas la panacée face à la crise, mais c'est le cas de toutes les opinions publiques, même dans les pays anciennement intégrés.

2. Ils ont le sentiment d'être considérés des états de "seconde zone" pour deux raisons : d'abord, parce qu'ils ne sont pas "contributeurs" financièrement et qu'ils ont l'impression (ou qu'on leur donne l'impression) d'être assistés, et ensuite parce que les décisions principales se prennent au niveau des "grands" états comme la France, l'Allemagne ou l'Angleterre.

3. Même s'ils n'ont pas tous intégré la zone euro, ils subissent actuellement les incidences négatives d'un euro fort.

Les populistes de ces pays ont beau jeu, en cas de crise, de renforcer l'euroscepticisme latent de leur opinion publique.

Q3) Colisee : Parmi les 10 derniers pays entrés dans l'Union européenne, certains n'étaient visiblement pas prêts. A leur tour, les pays des Balkans, après la Slovénie, Croatie en tête, certainement suivie de la Serbie, frappent à la porte de Bruxelles. Ces pays ont-ils une légitimité absolue à entrer dans l'Union européenne parce qu'ils appartiennent au continent européen, ou les critères d'adhésion doivent-ils être mieux observés que par le passé même si les progrès de la démocratie dans ces pays s'en trouvent ralentis ?

R3) H.C. :

La crise que traverse l'Europe nous montre la fragilité de la notion de "préparation à l'entrée dans l'UE", puisque des pays anciennement intégrés comme la Grèce, l'Italie ou l'Espagne connaissent eux-mêmes des difficultés à faire face à leurs obligations communautaires. C'est dire à quel point nous devons être prudents pour l'admission de nouveaux membres. Dans les années qui viennent, nous devrons nous résoudre, provisoirement, pour une question de survie, à une Europe à plusieurs vitesses, avec une dose renforcée de coopération intergouvernementale. Cela ne me sourit pas, en tant que passionné de la construction européenne, mais il faut se rendre à l'évidence. Dans ce contexte, la formule d'association à l'Union Européenne, qui s'applique déjà aux pays demandant leur intégration, me paraît une mesure conservatoire acceptable. Les pays qui frappent à la porte de l'Union Européenne ont, certes, une légitimité à y entrer à terme, mais l'Union Européenne, de son côté, bénéficie d'une indéniable légitimité à préserver actuellement sa force et sa cohérence, alors qu'elle est plus que jamais menacée d'implosion. Je sais bien que faire partie de l'Union Européenne présente une dimension éminemment symbolique. Mais forcer le rythme d'adhésion de pays qui ne répondraient pas complètement aux critères exigés serait suicidaire, non seulement pour l'Union Européenne, mais pour les Etats concernés. Par ailleurs, ce qui se passe actuellement en Hongrie ne donne pas à penser que l'intégration à l'UE constitue un gage infaillible de démocratie.

Retour au Dossier : regards d'Est en Ouest sur l'Union européenne (2012).



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