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Regard d'Est en Ouest : 3 questions à Régis GENTÈ, spécialiste du Caucase (2012)


vendredi 20 janvier 2012

Régis Genté, journaliste indépendant, présent depuis une décennie sur le terrain dans le Caucase et en Asie centrale, collaborant à tous les grands titres de la presse écrite et de l'audiovisuel, répond à 3 questions du COLISEE sur la perception de l'Union européenne à partir de cette région du monde.

Q1) Colisée : Régis Genté, vous connaissez particulièrement bien le Caucase, selon vous quel était le regard des opinions publiques et des gouvernements sur l'Union européenne avant 2008, année de guerre dans cette région ?

R1) R.G. : Nous disposons de peu d'études solides sur les opinions dans la région, mais il me semble qu'à la fois il y avait un vrai désir d'Europe, et une désillusion, ancienne déjà, quant à la volonté européenne d'accueillir la Géorgie parmi ses membres. Côté gouvernement, c'est bien pour cela que l'on s"était davantage tourné vers les Etats-Unis, ou peut-être que les plus pro-Américains ont pris les rênes du pouvoir. Moins parce que l'on serait pro-Américain en soit que par une sorte de pragmatisme idéologique. La désillusion a grandi à chaque fois que la Russie se faisait menaçante et que les réponses européennes étaient molles. Le pouvoir géorgien après la "Révolution des roses" de 2003 a entretenu le désir d'Europe, accrochant partout le drapeau du Conseil de l'Europe (qui est le même que celui de l'UE) pour mieux souligner ce désir d'Europe. Personne dans le pays n'a jamais vraiment rien dit à ce sujet.

Q2) Colisée : la guerre de 2008 (et l'implication des observateurs européens aux confins de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie) a-t-elle modifié la perception de l'Union européenne que peuvent en avoir les Arméniens, les Azerbaïdjanais, les Géorgiens, voire les Abkhazes, les habitants du Karabakh et les Sud Ossètes ?

R2) R.G. : Je n'en suis pas sûr. Il me semble que l'Europe a été perçue comme plus obligée de se mouiller dans le Caucase du Sud que comme s'impliquant du fait de sa dynamique propre, de sa puissance pro-active. Washington se trouvant comme incapable d'agir, en apparence seulement, au moment du conflit. Chacun a bien compris aussi que si l'Europe a parlé d'une voix forte en 2008, c'est aussi parce que Nicolas Sarkozy et la France se trouvaient présider l'UE. On sait bien que cela aurait pu être très différent si un autre pays avait alors eu la présidence tournante de l'UE. Ensuite, en Géorgie, tout le monde était très content de voir les Européens enfin mettre le pied dans le Caucase, avec la mission d'observation de l'EUMM qui est toujours sur le terrain. Je crois que même en Abkhazie, on n'était après tout pas fâché de les voir là. Cela dit, ladite mission a aussi montré ses limites. Elle ne peut observer ce qui se passe à l'intérieur des régions séparatistes que sont l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud. Les opinions comprennent bien ces faiblesses. Après 2008, le "Partenariat oriental" a été lancé. Là encore, les Caucasiens se sont félicités de ce "rapprochement" avec l'Europe tout en sentant trop bien les limites dudit partenariat : il peut être vu comme un rapprochement autant que comme une alternative à l'adhésion, un ersatz d'adhésion. Souvent, les citoyens géorgiens par exemple préfèrent regarder les choses pratiquement. Aurai-je des visas plus facilement ou non ?

Q3) Colisée : devant la complexité des négociations en vue d'une association avec l'Union européenne et la difficulté que la présidence polonaise a eu à faire avancer le Partenariat oriental, devant les problèmes de gouvernance rencontré par le Conseil européen face à la crise des dettes souveraines, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie sont-ils toujours autant tentés par Bruxelles ? Dans la décennie à venir, l'Azerbaïdjan et la Géorgie ne se tourneront-ils pas encore un peu plus vers la Turquie, et l'Arménie vers la Russie ?

R3) R.G. : Non, Bakou comme Tbilissi estiment que leur salut vient de leur lien avec l'Europe. Les Azerbaïdjanais ne pensent pas moins que les Géorgiens que se mettre dans les pattes de l'ours russe menacerait leur indépendance et souveraineté. Regardez combien Bakou a traîné les pieds pour signer des contrats de livraison de gaz à Moscou... Donc, je ne vois pas l'Azerbaïdjan ou la Géorgie, qui ont un système politique très différent, changer de cap géopolitique. La Turquie certes devient un acteur régional important, dans le cadre de la multipolarisation du monde, mais ce n'est pas dans le Caucase que cela se manifeste. Ici, elle semble ne pas vouloir s'affronter à la Russie avec qui elle négocie par ailleurs ses fournitures de gaz. Nous voyons depuis quelques années Ankara asseoir une politique étrangère originale et indépendante dans la région. Il me semble que Bakou et Tbilissi devraient prêter une grande attention à cela. Il est possible qu'à un certain moment cela produise des effets sur le Caucase, directs ou indirects.

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