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Un point de vue russe, parmi d'autres, sur la Tchétchénie


vendredi 25 avril 2003

Il est malaisé de traiter la problématique du conflit tchétchéne en peu de lignes et d'uen manière équilibrée, tant le sujet est brûlant. De nombreuses instances internationales spécialisées dans l'humanitaire ou les droits de l'homme ont dénoncé les nombreuses exactions commises par l'armée russe en Tchétchénie.

Mais la presse occidentale n'a pas toujours pris la précaution de rapporter le point de vue de la partie de l'électorat russe qui soutient la politique gouvernementale dans ce domaine. Aussi avons-nous tenu, dans un souci de pluralisme, à publier ce point de vue, avant de relayer les propositions d'une ONG russe invitant les autorités à sortir d'une logique de guerre et de répression.

Le texte ci-dessous, qui reflète la perception d'une partie de l'opinion publique russe proche des autorités officielles, nous a été transmis par le Centre de Langue et de Culture Russe de Paris.

"Vérité et douleur"

La prise d'otages de "Nord-ost" a confirmé un fait connu depuis longtemps : comme toutes les guerres modernes, la campagne de Tchétchénie est menée sur deux fronts : celui des opérations militaires et celui, non moins important, de l'information. C'est pour cette raison que de nombreux médias s'efforcent de transformer tout succés de l'armée russe en manifestation de cruauté insensée, et toute défaite en preuve de l'invincibilité des terroristes. (…)

En 1991, les Russes représentaient 25 % de la population de la Tchétchénie et plus de 50 % de la population de Grozny, mais pendant quelques années on les a pratiquement exterminés ou poussés à fuir. D'après les données officielles, 21.000 personnes ont été tuées, et plus d'un demi-million se sont enfuies. (…) Personne n'a crié au génocide. Pas un défenseur des fameux "droits de l'homme" n'a interpellé Doudaev et ses bandits.

Peut-être espérait-on qu'après avoir nettoyé leur "république" de ses Russes, les Tchétchënes se calmeraient et mèneraient une vie paisible et civilisée. Mais ces espoirs ne se justifièrent pas. Au cours des premières années du gouvernement d'Eltsine, la "Libre Ichkérie", tout en restant formellement au sein de la Fédération de Russie, jouissait d'une autonomie à laquelle beaucoup d'Etats indépendants n'oseraient même pas rêver. Les lois russes n'y étaient pas appliquées, car il n'existait aucune structure capable de les faire respecter. Par conséquent, tout voleur, assassin ou homme d'affaires ayant commis un délit sur le territoire de la Russie s'enfuyait aussitôt à Grozny pour ne pas avoir à répondre de ce qu'il avait fait.

Bien plus, la Tchétchénie devint le plus important centre de criminalité de la Fédération de Russie. L'aéroport de Grozny, désormais aux mains des hommes de Doudaev, devint la plaque tournante du trafic des stupéfiants arrivant de l'Asie Centrale et de l'Asie du Sud-Est. Les vols et les rapts se répandirent dans tout le pays. On vit se développer d'interminables affaires qui firent perdre à la Russie des milliards de roubles. La mafia tchétchène s'installa solidement dans de nombreuses villes, particulièrement à Moscou. Elle y contrôlait les marchés, les stations d'essence, les hôtels et une grande partie du commerce clandestin. En bref, la "Libre Ichkérie" devint un Etat-bandit dans l'Etat, et la vie devint impossible. Elle reçut une aide active des services spéciaux étrangers qui, sous couvert de la lutte pour la liberté et de l'Islam, concrétisaient leurs visées géopolitiques au Caucase. On offrait à la Tchétchénie le rôle de détonateur qui ferait s'écrouler toute la Russie.

(…) Alexandre Lebed signa le traité de paix de Khassaviourt qui rendait la Tchétchénie totalement indépendante de la Russie et lui accordait une aide financière énorme du budget fédéral pour restaurer son économie anéantie. Quelques bonnes âmes appellent aujourd'hui Poutine à conclure une paix du même genre. La prise d'otages de Moscou était prévue pour l'amener à franchir le pas, jouant le même rôle que la prise de l'hôpital de Boudionovsk par Bassaev. Mais quel fut le résultat de Khassaviourt ? Les bandits ont soigné leurs plaies, se sont réarmés, ont remis en route le trafic de stupéfiants et d'armes avec l'étranger et ont attaqué le Daghestan. Moscou a été pris au dépourvu, et seule la résistance des Daghestanais accourus de toute la Russie pour défendre leur patrie d'un "peuple frère" proche par le sang et par la foi, a pu arrêter les Tchétchènes. (…)

Un des principaux mythes de la guerre de Tchétchénie est qu'elle est la guerre de tout le peuple pour se libérer des ("colonisateurs russes". (…) Et quand on dit "tout le peuple", c'est à voir. Les journalistes qui le disent n'aiment pas se rappeler que les bandes armées sont en grande partie composées non pas de Tchétchènes, mais de mercenaires étrangers, c'est-à-dire des terroristes bien entraînés venus d'autres pays. Ainsi, l'arabe Cheikh Abou Omar a dirigé les sapeurs jusqu'à sa mort ; le détachement de boïeviki le plus nombreux et le plus violent était commandé par le Jordanien Khattab qui avait fait ses classes dans les camps de Ben Laden et était financé par l'Arabie Saoudite et la Turquie ; enfin une bonne moitié des bandes sont composées de professionnels venus d'Albanie, d'Afghanistan, d'Azerbaïdjan, de pays du Moyen-Orient et même de France et des Pays Baltes.

De nombreux témoins savent que de très nombreux jeunes Tchétchènes ont été contraints de se joindre aux boïeviki. En cas de refus, ils étaient fusillés sur place. Les questions purement religieuses jouent aussi un rôle très important dans le conflit tchétchène, mais les journalistes libéraux préfèrent ne pas en parler. Le fait est que les boïeviki, dans leur écrasante majorité, sont des adeptes du wahhabisme, hérésie de l'Islam inventée au XVIIIème siècle par Mohammed Abd-el-Wahhab, qui s'estimait l'égal de Mahomet, fondateur de la religion musulmane, et qui rejetait toutes les autres variantes de l'Islam.

Le wahhabisme est en réalité une variante modernisée, " light ", de l'islam : ses adeptes ne sont pas obligés d'étudier les finesses du droit musulman, les livres des penseurs usulmans des temps anciens. En revanche, dans les mosquées wahhabites on enseigne le combat corps-à-corps en guise de complément de formation. Et au Pakistan, en Afghanistan et en Tchétchénie, les instructeurs wahhabites enseignent le maniement des armes, la tactique du terrorisme, la façon de pratiquer la torture.

Le wahhabisme est condamné par tous les chefs officiels des musulmans russes. Le mufti de Tchétchénie, Akhmad Chamaev, le combattait activement. Dès 1996, on créa à Grozny un Congrès des musulmans du Caucase du Nord qui appelait à "déclarer le wahhabisme hors-la-loi et à dissoudre les groupes armés de caractère pro-wahhabite ". Mais des juristes de Moscou déclarèrent que cette interdiction serait une entrave à la liberté de conscience. Les wahhabites utilisèrent cette liberté qui leur était offerte d'une façon assez originale : leur émir en Tchétchénie, l'arabe saoudien Abdourakhman, édita une fatwa sur le commerce des esclaves et le rapt avec demande de rançon, et Chamil Bassaev attaqua le Daghestan. (…)

Du point de vue militaire, la Russie est en train de gagner une fois de plus la guerre de Tchétchénie. La plupart des bandes armées ont été détruites. De nombreux chefs, les Doudaev, Radouev, Baraev, Tsagaroev, Khattab, etc… ont été arrêtés ou tués. Des attentats et des combats avec des bandes isolées peuvent se produire pendant encore longtemps, mais les wahhabites n'ont plus d'armée pour attaquer le Daghestan, et cela est déjà une énorme victoire.

Les bandits sont encore nombreux, pas seulement en Tchétchénie, mais dans toute la Russie. Pour s'en débarrasser, les opérations militaires ne suffisent pas. Il faut couper tous les canaux d'aide financière et diplomatique de l'étranger à la Tchétchénie. Il faut faire comparaître devant les juges les fonctionnaires russes corrompus du Kremlin et de la mairie de Moscou, qui tirent bénéfice de la guerre et qui protègent les terroristes. Il faut débarrasser les villes russes de la diaspora tchétchène criminogène. Il faut enfin faire la lumière sur le soutien des médias aux bandits.

Seul l'ensemble de ces mesures peut permettre d'espérer la victoire. Mais si on se met à discuter avec les criminels, tout repartira. Ce cercle infernal ne peut être brisé que par la fermeté politique des autorités russes et par la collaboration avec les Tchétchènes qui veulent la paix et le bien-être de leur peuple.

(Léonide Zernov, New-York)



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