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Le renouveau de l'Islam en Russie


vendredi 25 avril 2003

Depuis la fin de l'URSS, l'Islam joue un rôle fondamental dans la construction identitaire des peuples musulmans, tant dans la nouvelle Russie que dans l'Asie centrale indépendante. Qu'ils soient pratiquants ou non, de nombreux musulmans rejettent les marqueurs de leur ancienne identité soviétique laquelle prétendait, d'ailleurs, effacer les différences culturelles existant entre les divers peuples de toute l'Union.

Lorsque les signes de l'islamité, devenus nettement plus visibles, constituent la preuve de la fin des références au monde soviétique, la réislamisation des musulmans est souvent définie en termes de "crise identitaire" ou de "repli sur soi ". Lorsqu'ils manifestaient un sentiment religieux, cela était considéré comme l'échec de leur intégration à la société soviétique, intégration favorisée par la politique bolchevique d'assimilation culturelle par les Russes.

De même, aujourd'hui, lorsque des Tatars de Russie se mettent à afficher leur religiosité dans l'espace public, cela est aussitôt interprété comme le signe d'un rejet du monde russe dont l'orthodoxie est quasiment devenue la religion d'Etat. Or, le fait que des musulmans du Tatarstan aspirent à une plus grande autonomie politique au sein de l'Etat fédéral russe, n'empêche pas l'émergence de ces musulmans en tant qu'acteurs sociaux.

L'adhésion à l'Islam, en tant qu'ensemble de croyances, de pratiques et de discours, s'accompagne souvent d'une demande de revendications qui se fait à l'intérieur même de la société globale. (...) Première minorité ethnique de la Fédération de Russie, de par sa population estimée à plus de 5 millions, les Tatars appartiennent à l'Islam sunnite. Seuls, 1,5 millions d'entre eux vivent dans la république du Tatarstan, tandis que les autres sont essentiellement installés dans les diverses régions administratives (oblast...) du territoire de la Fédération : Tioumen, Ulianov, Saratov, Tcheliabinsk, Orenbourg, Astrakhan, Kuïbichev, Sverdlovsk, Kemerov, Nijniy-Gorod, Kirov, Irkoutsk, Moscou et Saint-Petersbourg, etc. Le mot "tatar" recouvre en réalité plusieurs groupes différents par leur origine ethnique et leurs traditions historiques, souvent éloignés les uns des autres mais unis par la religion musulmane et l'emploi d'une langue littéraire commune, le tatar de Kazan. (...) L'administration religieuse officielle est représentée par diverses branches régionales, divisées géographiquement sur l'ensemble du territoire de la Fédération de Russie, appelées Direction spirituelle des musulmans (DSM) et présidées, chacune, par un mufti...

(d'après un texte d'Habiba Fathi, ancien allocataire de recherches à l'IFEAC, Tachkent, octobre 1997, paru dans Oriente Moderno, XXI (LXXXII), 2-2002, p. 379-412). Thèse soutenue à l'INALCO en 2001 et intitulée : "Les femmes d'autorité de l'islam centre-asiatique : repères identitaires et agents de restructuration communautaire dans l'Asie centrale post-soviétique " .

L'Islam, facteur de reconnaissance identitaire au Tatarstan

Introduit au XIIIe siècle, puis étouffé soixante-dix ans par la répression soviétique, l'islam reprend place dans l'âme tatare. Dans cette région carrefour entre le Caucase, l'Oural et l'Asie centrale, les musulmans présentent un visage modéré, loin du radicalisme afghan. Pour combien de temps ?

Cette renaissance de l'islam au Tatarstan, république autonome de la Fédération de Russie, de quatre millions d'habitants dont la moitié sont des Tatars, un peuple musulman depuis 922, est visible à l'œil nu. En 1990, à l'époque de la Perestroïka, il ne restait plus qu'une seule mosquée à Kazan, la capitale. Il y en a aujourd'hui une cinquantaine, et on construit même une grande mosquée, la mosquée Kol Cherif, à l'intérieur des murs du kremlin de Kazan, à deux pas de la cathédrale orthodoxe en cours de restauration. Les fonds proviennent de la Banque islamique et de l'Arabie saoudite. On compte environ un millier de mosquées pour toute la république, pour une population de deux millions de musulmans.

(...) Sur ce territoire, bordé par l'Oural à l'Est et traversé par la Volga, la réislamisation de la population turcophone est frappante ; partout, dans les mosquées et dans les "madrassas" (écoles coraniques traditionnelles), des milliers de Tatars réapprennent les fondements de l'islam. (...) Pratiquer sa religion, à Kazan et dans les campagnes, c'est, en effet, s'intégrer à un courant où se mêle aussi la renaissance d'un certain nationalisme tatar. Ce courant se heurte à la profonde fragmentation de la société du Tatarstan et à la difficulté de définir une identité tatare. (...) L'attitude d'une société marquée par des dizaines d'années de propagande anti-religieuse contribue aussi à maintenir beaucoup de gens à l'écart de la mosquée. (...) Selon une enquête faite l'an dernier, 80 % des jeunes Tatars se considèrent comme musulmans. Mais seulement 5 % affirment "connaître et respecter la religion ". Et quand on demande aux 95 % qui ne pratiquent pas, pourquoi ils se déclarent musulmans, ils répondent "parce que c'est la religion de nos ancêtres ". (...)

Malgré ses faiblesses - et le fait qu'elle concerne surtout une majorité de personnes relativement âgées - la renaissance de l'Islam au Tatarstan, au cœur de la Russie, a été jugée suffisamment importante pour susciter l'attention des autorités, qui ont multiplié les initiatives pour l'encadrer et la contrôler. Moscou se souvient qu'à la veille de la Révolution de 1917, un courant d'inspiration panturque s'était manifesté pour la création d'une république musulmane. La République autonome du Tatarstan, reconnue en 1990, occupe aujourd'hui une superficie plus réduite et ne regroupe que le tiers à peine de la population tatare. Mais, tout comme la Tchétchénie, elle a refusé de signer le traité fédératif de 1992. Du coup, son émancipation religieuse se fait sous l'œil et le contrôle des politiques. Le président Shaimiev a mis en place un Conseil des affaires religieuses, dirigé par Rinat Nabiev, un historien, et directement rattaché au Conseil des ministres du Tatarstan, et un Conseil des affaires religieuses musulmanes dirigé par le mufti Gousman Ishakov, élu par le congrès des musulmans du Tatarstan.

(Extraits de Spectacle du Monde n° 487 de janvier 2002 - Chris Kutschera)

L'image ternie de l'Islam en Ossétie du Nord

En Ossétie du Nord, la renaissance de l'Islam modéré est freinée par la peur et la propagande anti-tchétchène déversée par la télévision russe. Ainsi, nombreux sont ceux dans la région, y compris des musulmans, qui commencent à croire que le terrorisme et la brutalité inutile sont des attributs de l'Islam.

Au début des années 1990, l'Islam a commencé à renaître après des années de répression soviétique durant lesquelles toutes les mosquées d'Ossétie du Nord furent fermées. Après l'effondrement du régime communiste, les vieilles mosquées furent réparées et de nouveaux lieux de cultes furent construits. Cependant, les déconvenues ne tardèrent pas : suite au conflit avec l'Ingouchie en 1992, la tolérance envers l'Islam s'est amenuisée de manière dramatique, une des principales raisons étant que certains musulmans d'Ossétie du Nord refusèrent de combattre contre leurs coreligionnaires de la République voisine. La défiance à l'égard de la minorité musulmane est maintenant largement répandue dans le pays, condamnant cette communauté à la plus grande discrétion. Les autorités, craignant par ailleurs que le wahhabisme, mouvement islamiste extrémiste, ne prenne le contrôle du pays, ont cherché à restreindre les contacts entre la jeunesse musulmane et les pays du Proche-Orient. Elles se méfient toutefois de sentiments si radicaux et se disent déterminées à limiter leur propagation.

(Résumé de l'article de Valeri Dzutsev, journaliste basé à Vladikavkaz, publié par IWPR-édition électronique du 17 juillet 2001, n°90)

Les musulmans balkars accusés de "terreur wahabbite"

Les musulmans de Kabardino-Balkarie, République autonome du Caucase russe, prétendent être injustement accusés des excès des groupes islamistes radicaux : les mises en garde alarmistes de la police contre les attaques de terroristes musulmans ainsi que l'attitude volontiers calomnieuse des médias russes participent ainsi d'une véritable chasse aux sorcières dont sont victimes les populations balkares.

Alors que dans la première moitié des années quatre-vingt-dix, l'Islam renaissant était largement toléré dans le pays, l'attitude envers les musulmans s'est dernièrement radicalisée sous l'effet notamment de la guerre en Tchétchénie et de la rapide diffusion du wahhabisme dans la région. Malgré les critiques de l'intelligentsia locale et de l'Eglise othodoxe russe, descentes de police et arrestations se multiplient, laissant les populations musulmanes sans défense.

(Résumé de l'article de Boris Zhamborov, journaliste indépendant basé à Naltchik, Kabardino-Balkarie, publié par IWPR - édition électronique du 9 août 2001, n°93).



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