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Thèse : "Le cas des Tcherkesses (Adyghéens) de Kfar Kama et de Reyhaniya en Israël" (2012)


SOUTENANCE DE THÈSE
jeudi 1er novembre 2012

NI JUIFS NI ARABES EN ISRAËL.

Dialectiques d'identification et négociations identitaires d'une minorité dans un espace en guerre. Le cas des Tcherkesses (Adyghéens) de Kfar Kama et de Reyhaniya.

Par Merza Eléonore eleonoremerza@yahoo.fr.

 

Résumé


Cette recherche porte sur le dialogue entre minorités et État, en particulier les stratégies d'alliance, les mesures de distinction menées en direction des populations n'appartenant pas au groupe dominant et les politiques d'identité nationale. Tout en interrogeant les identités collectives politiques et les représentations politiques des groupes, cette thèse entend également interroger un champs d'étude encore peu développé par l'anthropologie française, celui de la citoyenneté. Cette anthropologie politique des processus de reconfigurations identitaires, des modalités d'identification et des conditions de citoyenneté, s'appuie sur une étude menée sur la minorité tcherkesse d'Israël. Les spécificités à la fois de ce cadre géopolitique et de cette population sont multiples : Israël est un État jeune, un État en guerre et un État qui se définit ethniquement comme État juif ; la minorité tcherkesse qui ne compte que 4500 membres dans ce pays est méconnue et n'a suscité que peu d'intérêt scientifique.

Etudier les marges semble être devenu un lieu commun en anthropologie, mais au-delà du fait que ces marges constituent autant de groupe d'acteurs sociaux complexes et intéressants en eux-mêmes, nous souscrivons à l'idée de Clifford Geertz (1999) lorsqu'il rappelle que « (...) le lieu d'étude n'est pas l'objet de l'étude. Les anthropologues n'étudient pas des villages (ou des tribus, des villes, des quartiers) ; ils étudient dans les villages ». Ainsi, l'objet d'étude de cette thèse - la minorité tcherkesse d'Israël - sert de focale pour réinterroger des questionnements déjà largement soulevés (la question minoritaire en Israël) tout en proposant une approche nouvelle et originale car cette population ne répond ni aux mêmes attributs catégoriels, ni à un même rapport à l'État, que les autres minorités de l'espace israélo-palestinien. Les Tcherkesses présentent la spécificité de ne se reconnaître dans aucun des deux groupes dominants au prisme desquels la majorité des recherches effectuées questionnent l'identité, l'ethnicité ou la citoyenneté dans l'espace israélo-palestinien : ils ne sont ni Juifs ni Palestiniens. Parallèlement à cette énonciation identitaire en opposition aux deux groupes majoritaires, nous verrons que les Tcherkesses pourraient se reconnaître dans des sphères d'identification communes, cette fois, avec les Juifs et avec les Palestiniens. Ils partagent avec les Palestiniens un religion commune (l'islam) et sont, à ce titre, considérés comme des membres de l'Umma (la communauté des musulmans) : les Tcherkesses appartiennent donc, par définition, à la minorité non-juive du pays. Cependant, contrairement à leurs correligionaires - et en particulier depuis le déclenchement de la seconde Intifada, ils ne revendiquent pas une identité politique palestinienne. Pour les Tcherkesses, la Palestine ne représente ni une patrie historique ni une cause politique à défendre : ils sont Nord-Caucasiens, leur terre d'origine - avec laquelle ils entretiennent des liens à la fois symboliques et physiques - est identifiée et loin du Proche-Orient. L'Empire ottoman, puis la Palestine mandataire et enfin l'État hébreu ne sont, pour eux, que des dénominations différentes d'une même société d'accueil, aussi n'éprouvent-ils aucune difficulté à se définir aujourd'hui comme pleinement Israéliens. Or, l'espace israélo-palestinien est un espace en guerre dans lequel les énonciations identitaires sont perçues comme partisanes. En se définissant comme Israéliens, les Tcherkesses bousculent les catégorisations attendues : ils sont Israéliens sans être juifs et ils sont musulmans sans être Palestiniens ou Arabes. En d'autres termes, les Tcherkesses refusent de répondre à l'injonction inhérente au conflit : en étant israéliens et musulmans, ils refusent de choisir entre deux sphères d'appartenance qui ne leur semblent pas être contradictoires. Mais la réalité du terrain est autre : ils se heurtent à des critiques nourries de certains Palestiniens qui voient en eux des « traîtres au service du sionisme » tout en évoluant dans un cadre politique qui a pensé une citoyenneté différenciée qui privilégie une ethnicité spécifique. Autrement dit, et nous emprutons cette phrase à une habitante de Kfar Kama : « Pour les Juifs, nous ne sommes que des musulmans, et pour les Arabes, nous sommes des Israéliens ».

À partir d'observations locales de ces interactions, cette recherche souhaite, et pour reprendre les termes de Claude Lévi-Strauss (1997), extraire les Tcherkesses d'Israël d'un certain mythe d'insularité, pour les faire réintégrer la nation. À travers leur exemple, c'est bien la société israélienne dans son ensemble que cette thèse entend interroger.

Lundi 12 novembre 2012 - 13h EHESS, Bâtiment "Le France" - Salle du Conseil B, 190 avenue de France, 75013 Paris.

Composition du jury :
-  Avner Ben Amos, Professeur à l'Université de Tel Aviv (rapporteur)
-  Alain Bertho, Professeur à l'Université Paris 8 (rapporteur)
-  Jean-François Gossiaux, Directeur d'études à l'EHESS (directeur de thèse)
-  Frédérique Longuet-Marx, Maîtresse de conférence à l'Université de Caen
-  Catherine Neveu, Directrice d'études à l'EHESS
-  Astrid Von Busekist, Professeur à Sciences Po Paris.



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